Le recours à la médecine légale à la fois par les éventuelles victimes et la justice est presqu’inexistant. Le Burundi accuse un manque cruel d’experts en médecine légale. Mais un projet d’appui à la création d’un centre universitaire de Médecine Légale apporterait une solution
Située à l’intersection entre la justice, la sécurité et la réconciliation, la médecine légale est un pilier essentiel de l’Etat de droit et de la consolidation de la paix. Pourtant, de même que les sciences forensiques, elle est quasiment absente au Burundi comme dans le continent africain. C’est autour de cette problématique qu’un atelier de lancement d’un projet d’appui à la création d’un centre universitaire de médecine légale a été organisé le 26 janvier 2022.
Le Burundi pourrait espérer avoir un centre de médecine de violences et de traumatisme qui est une première étape de la mise en place à long terme d’un institut médico-légale burundais.
Un domaine insuffisamment utilisé
Dans son exposé, Dr Mossi Bamtama de l’hôpital de Mutaho, explique que c’est tout médecin du gouvernement, quelque soit sa spécialité, qui délivre le certificat médico-légal qui peut servir dans la justice. Toutefois, les attentes des officiers de police judiciaire ne sont pas satisfaites, car les médecins du gouvernement ne donnent pas l’information dont ils ont besoin. « Du côté de la police, les dossiers sont enquêtés sur une base narrative faute de preuves scientifiques avec un grand risque de se tromper », explique Dr Vincent Yamuremye, policier et directeur des soins à l’hôpital de la Police Nationale du Burundi.
Tous les intervenants ont été tous d’accord que les médecins du gouvernement n’ont pas la capacité de rédiger ce certificat et ont besoin d’une autre formation. Mais cette dernière n’existe pas au Burundi.
Dans une étude menée par Dr Yamuremye sur la levée du corps, les résultats ont montré que la plupart des médecins n’aiment pas travailler sur les cadavres. D’où quand un médecin soigne un patient et que ce dernier meurt, il considère que le contrat qui le liait à son patient est terminé.
Un programme plus costaud à long terme
« Au départ le Burundi n’était pas dans le programme », indique Ghislain Patrick Lessène, coordinateur du programme de formation de professionnels africains intitulé « Certificat de formation continue » en droit, médecine légale et science forensique en Afrique. Mais grâce à l’intervention de la coopération suisse au Burundi, ce programme a intégré le Burundi et a formé quatre Burundais sur une trentaine de candidats en Afrique. Le programme vise à former des médecins et des acteurs africains du secteur judiciaire ainsi que ceux de la société civile dans le domaine du droit, de la médecine légale et de la science forensique afin de leur permettre d’acquérir des connaissances essentielles de base. Ce projet vise à doter les Etats Africains d’experts ou de professionnels pouvant les aider à créer des structures nationales pour l’effectivité de la justice et de la santé publique.
Au retour au pays, Dr Mossi Bamtama, un des quatre experts formés en médecine légale a manifesté une volonté de faire bénéficier le pays de l’opportunité qu’offre ce programme. C’est ainsi que l’école doctorale de l’Université du Burundi en partenariat avec le centre universitaire romand de médecine légale de l’Université de Genève s’est porté garant de ce projet. Elles ont décidé de promouvoir la formation d’experts Burundais en vue de la création à terme d’un institut de médecine légale qui devrait former des médecins légistes et procéder à des expertises au niveau national.
L’objectif de l’atelier est de sensibiliser tous les partenaires et acteurs de la médecine légale sur le lancement d’un futur centre de médecine de violences et de traumatisme qui est une première étape de la mise en place à long terme d’un institut médico-légale burundais. Il s’agissait de dresser l’état des lieux de la médecine légale au Burundi et qui pourrait être fait davantage par les Burundais. Juma Shabani, directeur de l’école, il y aura tout un programme qui va être mis en place en commençant par l’identification des formations qui vont être dispensées en collaboration avec diverses universités et en se conformant aux normes de l’EAC.
Lors de cet atelier, une feuille de route a été établie et a été ensuite présentée au ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le Sida pour être approuvé. Quant à savoir à quand on peut espérer ce centre, M. Lessène dit que cela dépendra de la volonté du Burundi et que tous les moyens sont là.
La médecine légale : est une spécialité de la médecine qui consiste à constater et évaluer des lésions de victimes, vivantes ou décédées, et aider la justice. Elle recouvre trois grands champs d’activité : la médecine légale du vivant (constatation et évaluation des lésions après des violences, évaluation de leur retentissement et éventuels préjudices), la médecine légale thanatologie (réalisation d’autopsie lors de mort suspecte, criminelle ou après accident de la voie publique, de corps non identifiés ou à la demande des familles) et l’expertise médicale (visant à répondre à des questions techniques de procédures pénales et à évaluer les préjudices de victimes dans des procédures indemnitaires).
Sciences forensiques : L’analyse scientifique de cas, appelée par calque de l’anglais science forensique ou la forensique, regroupe l’ensemble des différentes méthodes d’analyse fondées sur les sciences (chimie, physique, biologie, neurosciences, informatique, mathématique, imagerie, statistique) afin de servir au travail d’investigation de manière large. Cette analyse scientifique a pour but la découverte de faits, l’amélioration des connaissances ou la résolution de doutes et de problèmes.