La pénurie des devises est une problématique qui hante le pouvoir de Gitega. Des solutions ont été tentées pour y remédier. Parmi ces solutions, le Président de la République propose la diversification des produits d’exportation. Toutefois, les experts trouvent que cette solution n’est pas possible dans l’immédiat. Elle est à long terme
Ce n’est plus un secret de polichinelle. Les banques commerciales sont à court de devises. Dans son intervention lors du forum national sur le développement, Tharcisse Rutumo, Administrateur Directeur Général de la Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) témoignait que les clients ne sont pas servis en devises à leur guise. Toutefois, il indiquait qu’avant la fermeture des bureaux de change, sa banque avait des devises à vendre et pour ses clients et pour les bureaux de change. Il sied de signaler que les bureaux de change ont été fermés le 15 février 2020 sur ordre de la Banque de la République du Burundi. Cette mesure avait été prise pour permettre à l’Etat de contrôler les devises étrangères en circulation dans un pays en manquent cruellement depuis le début de la crise politique de 2015. Cette mesure visait à encourager la pratique d’effectuer des transactions en devises par virement sur le compte de l’importateur ouvert à l’étranger ou par carte de paiement électronique. Donc, seules les banques commerciales sont désormais autorisées à effectuer des opérations de change. Cette volonté de limiter la circulation des espèces en devises a poussé une baisse de l’enveloppe des devises destinée à l’importation. Elle est passée de 40 mille à 5 mille dollars américains par semaine.
Malheureusement, cette mesure n’a pas permis de redresser la situation. La flambée des prix ou la pénurie de certains produits stratégiques qui a marqué l’année 2021 en est la preuve. Les importateurs et les commerçants expliquaient que cela est dû au manque de devises pour importer.
Léonce Ndikumana, économiste et professeur émérite à l’université de Massachussetts aux Etats-Unis : « Dans l’immédiat, il faut cueillir les fruits à portée de mains, notamment l’aide publique au développement ».
La diversification des produits d’exportation, la meilleure solution pour le chef de l’Etat
Lors de l’émission publique animée mercredi le 29 décembre 2021, le Président de la République est revenu sur cette problématique de manque de devises. « Si le pays en manque, il faudra étudier comment en avoir en suffisance », a-t-il déclaré. Il a continué en disant que pour trouver les devises, il faut exporter. « Travaillons pour avoir un surplus qu’on peut exporter. (…) Transformons nos produits afin de les exporter, vous verrez que ces devises vont tomber », a-t-il ajouté.
Quant à la réouverture de bureaux de change, le chef de l’Etat n’y est pas allé par quatre chemins : « Ces maisons n’ont pas d’argent à vendre. Les devises qu’ils vendaient, ils les volaient à la BRB. On a démantelé le circuit », a indiqué le président. La question qui se pose est de savoir si le marché noir de change a disparu ou s’il s’est noirci davantage. Difficile d’infirmer cela.
Que disent les experts ?
Lors du forum national sur le développement Léonce Ndikumana, professeur émérite à l’université de Massachussetts aux Etats-Unis expliquait que l’économie fait face à des rigidités structurelles, notamment une base très fine des exportations, surtout les produits de base qui sont sujets à des chocs internationaux. Ensuite, elle fait face à la détérioration des termes de l’échange puisque le Burundi exporte des biens qui n’ont pas de valeur ajoutée élevée alors que le pays importe des produits finis.
Si pour le président, la diversification des produits d’exportations constituerait une solution durable à la pénurie des devises, elle ne le serait que dans le long terme. Dans l’immédiat, il faut cueillir les fruits à portée de mains, notamment l’aide publique au développement, a fait savoir Pr Ndikumana. Le gouvernement doit améliorer sa capacité d’absorption parce que les bailleurs de fonds tiennent compte de la capacité d’absorption d’un pays. Les retards dans le démarrage des projets de développement n’encouragent pas les autres partenaires à financer le développement, a-t-il expliqué.
Une idée qui est reprise par Denis Nshimirimana, secrétaire général de la Chambre Fédérale du Commerce et de l’Industrie du Burundi (CFCIB). Sur le plateau de la RTNB dans l’émission « Eco Kwiriba » qui parle des questions économiques, il explique que le pays devrait encourager l’entrée de peu de devises qui prévaut dans le pays. Là, il fait référence aux Congolais qui viennent se ravitailler en vivres au Burundi. Pour lui, les preneurs de décisions devraient se pencher sur l’enlèvement de toutes les barrières tarifaires qui pousseraient les étrangers à être réticents de venir au pays. Il explique que certains pays ont enlevé le visa d’entrée pour attirer les étrangers, surtout les touristes.
Donc, il faudra penser à ce qu’on gagnerait une fois qu’on laisserait la personne entrer gratuitement. « La personne va consommer, prendre un hôtel, il va visiter des sites touristiques… Son argent va venir au pays d’une façon ou d’une autre et en quantité plus supérieure que celle qu’elle aurait à payer comme visa d’entrée ou autre barrière tarifaire », explicite-t-il.