Le pays connait une fois encore, une pénurie du sucre. Celui-ci est introuvable dans les boutiques et marchés de la capitale économique et les rares fois où il est disponible, il se vend à un prix plus élevé que le prix officiel. Les autorités habilitées reconnaissent que la quantité du sucre qui est produit ne parvient plus à satisfaire la demande et propose des solutions. Mais toutes les solutions envisagées sembent porter des fruits que sur le long terme
Dans les alimentations et les boutiques de la Mairie de Bujumbura, il est très difficile de s’apprivoiser en sucre. Sur les rayons des magasins, ce produit se raréfie. Les gens ne se donnent même plus la peine de demander le sucre dans les boutiques, mais plutôt de bouche à oreille ou par téléphone. « nta sukari wondangira ? (pourriez-vous m’indiquer où trouver le sucre ?» est une question qui est récurrente dans la bouche des habitants de Bujumbura. Le sucre se vend comme la drogue. Une fois qu’on en trouve, le prix varie entre 2 500 FBu et 3 000 FBu par kg et les boutiquiers exigent aux clients d’acheter un autre article pour en avoir. Le spectre d’une pénurie rampante de ce produit se dessine.
Le gouvernement est en train d’inciter les investisseurs à implanter d’autres sucreries dans le pays mais n’envisagent pas de mobiliser les devises pour importer d’importantes quantités de sucre.
Une demande qui ne cesse de s’accroître
Alors que la consommation augmente, portée par la croissance démographique, la production doit s’armer afin de répondre à la demande locale. Longtemps, le sucre a été considéré comme un produit de luxe. Toutefois, les consommateurs de ce produit ne cessent d’augmenter avec l’extension des centres urbains et péri-urbains. A rappeler que la population à l’époque de la création de la Sosumo était de 4 millions d’habitants contre 12 millions actuellement.
Au mois de mars 2017, le ministère du Commerce et de l’Industrie a annoncé la levée d’une vieille mesure portant interdiction d’importer le sucre de l’étranger en réponse à l’échec de la société sucrière du Moso à satisfaire le marché local. C’est par après que ce produit est devenu de plus en plus rare engendrant des pénuries spéculatives généralisées. Par coïncidence, c’est l’année où la transformation des jus de fruits connait son essor. De cela, il ne faut pas oublier la place de la Brasserie « Imena » avec sa gamme de boissons alcoolisées et de liqueurs ainsi que la « Liquids », qui est une branche de la société Savonor qui produit des limonades qui viennent rejoindre la Brarudi en tant que gros consommateurs de sucre. Par ailleurs, la Brarudi à elle seule utiliserait autour de 4 000 tonnes par an.
La sosumo, une usine vétuste
La 1ère campagne sucrière de la Sosumo date de 1988, c’est-à-dire après 6 ans après sa création. Quarante ans après sa création, la Sosumo a du mal à suivre l’évolution de la demande. Aloys Ndayikengurukiye, Administrateur Directeur Général de la Sosumo indique que la production de 20 000 tonnes de sucre qui était prévue pour la campagne de 2021 n’a pas été atteinte. Il explique que cette entreprise connait des problèmes techniques liés surtout à la vétusté des machines. « Les pièces de rechange de nos machines ne sont plus trouvables sur le marché, car les machines qu’on utilise ont été retirés du marché », explique-t-il.
A part la vétusté les machines, l’ADG de la Sosumo indique que même les variétés de canne à sucre qu’on exploite sont vieilles. Elles n’ont jamais été renouvelées depuis la création de l’usine. Le retard dans l’application des engrais, le climat qui connaît beaucoup d’aléas font encore que la Sosumo ne produit qu’une quantité insuffisante de sucre. Ainsi, la production reste instable. Elle est passée de 21 713 tonnes en 1998 à 14 314 tonnes en 2009 et, depuis 2016, la production est en chute libre. Elle est passée de 23 656 tonnes en 2016 à 18 574 tonnes en 2019 pour revenir à 20 434 tonnes en 2020.
Les importations dépassent la production locale
Selon les données fournies par la Banque de la République du Burundi, le pays importe beaucoup de sucre plus qu’il n’en produit. Depuis 2010, l’importation du sucre a augmenté d’environ 68% (de 13 564, 40 tonnes en 2010 contre 22785, 10 tonnes en 2020). Là, c’est au moment où la production locale du sucre évolue en dents de scie. Elle oscille entre 20000 et 23 000 tonnes. D’après les données compilées par la Banque centrale, la production du sucre affiche une courbe sinusoïdale
« Il faut importer le minimum possible »
Le gouvernement est conscient que la production reste faible pour satisfaire à la demande. Lors de la présentation des réalisations lundi 17 janvier 2022, Marie Chantal Nijimbere, ministre du Commerce admet que la production locale est insignifiante par rapport à la demande. Il indique que le gouvernement est en train d’inciter les investisseurs à implanter d’autres sucreries pour compléter la production de la Sosumo. Pour ce qui est de la mobilisation les devises pour importer le sucre au même titre que d’autres produits stratégiques comme le carburant et les médicaments, la ministre explique qu’on minimise les importations pour éviter une sortie massive des devises puisqu’on importe en devises. L’ADG de la Sosumo la rejoint en ajoutant que ces autres produits ne sont pas fabriqués localement. Une fois, la commercialisation du sucre est libéralisée, la Sosumo risque d’être inondée. « Importer plus ça peut être stratégique, mais aussi délicat. Le gouvernement a le devoir de protéger ses entreprises », fait-il savoir.
Pour ce faire, un projet de réhabilitation, modernisation-extension de la Sosumo est sous étude. Il vise à réhabiliter les équipements de l’usine devenus obsolètes. A terme, la production annuelle du sucre atteindra 35 mille tonnes. Le coût de l’investissement s’élève à plus de 132 milliards de FBu. Avec une pénurie répétitive du sucre, de toutes les solutions envisagées, aucune ne donne une lueur d’espoir pour la fin du problème à court terme. Les parents qui donnent du thé aux enfants le matin, les fabricants des produits agroalimentaires… devraient d’ores et déjà penser à un plan B ou trouver d’autres produits de substitution.