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Phénomène de ravinement dans la municipalité de Bujumbura : Les riverains des rivières non réhabilitées vivent la peur au ventre

Le phénomène de ravinement qui s’observe sur la rivière Ntahangwa fait peur aux habitants des quartiers Mugoboka I et II malgré les travaux de réhabilitation en cours d’exécution sur cette rivière. Léonidas Nibigira, professeur à l’Université du Burundi et expert en environnement précise les causes de ce phénomène qui constitue une menace pour les riverains de presque toutes les rivières qui traversent la ville de Bujumbura. Il propose même des pistes de solution  

Pélagie Niyukuri : « Je vis la peur au ventre car je crains que ma maison ne s’affaisse à tout moment ».

 

Dans une descente effectuée du 28 novembre au 2 décembre 2023 par le Réseau National de la Communication pour la Réduction des Risques de Catastrophes, il est ressorti que le phénomène de ravinement qui s’observe sur la rivière Ntahangwa fait peur aux habitants des quartiers Mugoboka I et II malgré les travaux de réhabilitation en cours à cet endroit.

Selon Pélagie Niyukuri, âgée de 37 ans habitant le quartier Mugoboka I, le lit de la rivière Ntahangwa s’élargit du jour au jour suite à l’effondrement des berges de cette rivière.

Suite à cette catastrophe, la route qui relie Mugoboka I et Mugoboka II est devenue impraticable. Les infrastructures riveraines sont menacées. Elle fait savoir qu’elle vit la peur au ventre, car elle craint que sa maison ne s’affaisse à tout moment suite au phénomène de ravinement qui guette cet endroit.

Domine Nahayo, âgée de 33 ans habitant le quartier Mugoboka II abonde dans le même sens. Elle précise que s’il pleut pendant la nuit, toute sa famille ne dort pas. Elle craint que sa maison s’effondre.

De plus, Elle explique que le ravin qui se trouve à cet endroit a perturbé la mobilité des enfants. « Nous faisons tout pour éviter que nos enfants tombent dans ce ravin », confie-t-elle.

Nicolas Nduwimana, âgé de 46 ans habitant le quartier Mugoboka Is n’y va pas par quatre chemins. Il fait remarquer que le phénomène de ravinement sur la rivière Ntahangwa constitue un grand danger pour les riverains des quartiers Mugoboka, Mutanga Sud et Mutanga Nord, car les infrastructures riveraines tant publiques que privées sont menacées.

Pour toutes ces raisons, ces habitants demandent au gouvernement de réhabiliter l’amont de la rivière Ntahangwa pour éviter qu’il y ait de grandes pertes en termes d’infrastructures construites à cet endroit.

Selon Léonidas Nibigira, professeur à l’Université du Burundi et expert en environnement, le phénomène de ravinement qui s’observe sur la majorité des rivières qui traversent la ville de Bujumbura est lié à pas mal de causes.

La forte pente en amont de la ville de Bujumbura, l’une des causes de l’instabilité des rivières qui la traversent

Il cite à titre illustratif la géomorphologie. Selon Nibigira, la plupart des quartiers de la municipalité de Bujumbura sont menacés par le phénomène de ravinement, car ils sont situés sur une pente très abrupte.

Léonidas Nibigira, professeur à l’Université du Burundi et expert en environnement : « Le phénomène de ravinement qui s’observe sur la majorité des rivières qui traversent la ville de Bujumbura est lié à pas mal de causes ».

 

Et dans ce sens, il y a une certaine instabilité à partir des lits des rivières. L’érosion couplée avec l’action anthropique à travers l’extraction des matériaux de construction aggrave la situation.  C’est pour cela que les berges deviennent de plus en plus instables de plus en plus et finissent par s’effondrer, car elles ne sont pas aménagées.

Quid de la géologie ?

La nature du sol est la deuxième cause de cette situation. Selon Nibigira, le sol dans la plupart de ces affluents du lac Tanganyika est argileux. Et pendant la période de pluies, le sol est saturé. Et quand le sol est embibé, les zones argileuses gonflent.

Dans le cas contraire pendant la saison sèche, quand l’eau est partie, le sol se contracte. Selon Nibigira, la succession des phases de compression et d’étirement finit par provoquer des fissures. Dans un contexte de fortes précipitations, l’eau entre à partir des fissures et bonjour le phénomène d’instabilité qui s’accentue au fur et à mesure.

Selon toujours Nibigira, les changements climatiques influent sur la vulnérabilité des quartiers riverains des rivières qui traversent la ville de Bujumbura. Plus il s’observe de fortes pluies, plus les rivières deviennent très agressives jusqu’ à la fragilité de leurs berges et bonjour le phénomène de ravinement.

Le Burundi placé dans une zone sismique

Une autre cause est que nous sommes géographiquement dans une zone sismique où la plaque tectonique a ouvert les zones de faiblesse appelées le rift Valley.  C’est une zone qui part de l’Ethiopie, de la Somalie et qui passe entre les frontières du Congo et de l’Ouganda, du Congo et du Burundi, du Congo et de la Tanzanie et qui arrive vers le lac Malawi.

Dans cette zone, on a le rift Valley qui est la faille principale.  Il y a aussi des failles secondaires. A Bujumbura, Nibigira laisse entendre que nous avons deux failles géologiques majeures.

La première part des rivières Kanyosha et Muha. Elles s’étirent le long du Boulevard Mwezi Gisabo (ex 28 novembre), traversent le quartier Uwinterekwa et arrivent près du palais présidentiel à Gasenyi.

C’est la raison pour laquelle ces zones sont menacées par le phénomène de ravinement. La deuxième faille passe vers le campus Kiriri jusqu’ à la RN1. Selon Nibigira, ces failles sont à l’origine de l’instabilité des berges des rivières.

 

L’urbanisation anarchique, à bannir

Une autre cause est l’urbanisation anarchique. Il y a une urbanisation non pensée. Les maisons poussent comme des champignons alors que le drainage des eaux n’est pas étudié en termes de densité et de dimension.

Selon lui, penser qu’on pourra continuer à construire des maisons depuis le lac Tanganyika jusque dans les bassins versants sans une zone limite n ’est pas possible.

«Nous avons récemment encadré des travaux de recherche qui ont abouti à la mise en place d’une zone rouge à partir de laquelle on pourra penser à arrêter l’urbanisation et raisonner dans le sens de continuer à construire soit vers le Nord ou vers le Sud», précise-t-il. Et d’ajouter l’exploitation des matériaux de construction non guidée.

Il y a une urbanisation non pensée. Les maisons poussent comme des champignons alors que le drainage des eaux n’est pas étudié en termes de densité et de dimension.

Que faire pour éviter plus de dégâts ?

Nibigira demande la mise en place d’un système de gestion des eaux de ruissellement en amont. Et d’ajouter l’encadrement de la population pour l’inviter au traçage des courbes de niveau et à la pratique des techniques agricoles adaptées.

Selon toujours lui, mettre en place des ouvrages intermédiaires de gestion des eaux de pluie est une nécessité.   C’est de cette façon que les eaux de pluie seront collectées et utilisées dans la propreté, l’irrigation, etc.

Et d’éviter l’anarchie dans l’urbanisation pour ne pas permettre à la population de continuer à construire des maisons jusqu’ à l’infini.  «Plus nous envahissons le bassin versant, plus  l’eau ne s’infiltre pas. Pourtant, l’érosion s’accélère », argue-t-il.

Et d’ajouter la stabilisation des berges des rivières qui traversent la ville de Bujumbura à travers la construction des murs de soutènement et la plantation des herbes fixatrices telles que les bambous et le respect des zones tampons.

Notons que seulement deux rivières ont été réhabilitées dans la municipalité de Bujumbura. Ce sont les rivières Nyabagere et Gasenyi. D’autres travaux sont en cours sur une partie de la rivière Ntahangwa pour stabiliser ses berges.

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