Les consommateurs des produits et services financiers se sentent lésés du fait qu’ils ne sont pas libres pour retirer leur argent. Les banques commerciales et les institutions de microfinance plafonnent les retraits. Les hommes d’affaires indiquent que cela perturbe leurs activités, car ils ont toujours besoin des liquidités. Cela risque d’amplifier la thésaurisation
Le retrait des billets d’argent sur les comptes bancaires n’est pas chose facile aujourd’hui. (Photo : Yaga)
Le retrait des billets d’argent sur les comptes bancaires n’est pas chose facile aujourd’hui. Selon les informations recueillies auprès de différentes institutions de microfinances et banques, le plafond des retraits varie d’une IMF ou d’une banque à une autre. Tantôt il est fixé à 50 000 FBu ou 100 000 FBu‚ tantôt à 500 000 FBu. Il s’observe même du favoritisme dans le retrait de l’argent.
Cette politique monétaire irrite les opérateurs économiques. Ils ne comprennent pas pourquoi cette situation alors que l’argent est le leur. « Mes activités économiques sont perturbées suite à la mesure de limitation des montants à retirer sur mes comptes bancaires », déplore un commerçant des matériaux de construction rencontré au centre-ville de la capitale économique dans le quartier Asiatique.
Il explique qu’il a toujours besoin des liquidités pour payer ses fournisseurs, les impôts et taxes, le loyer et les ouvriers. «Vous savez que la majorité des importateurs se rabattent sur le marché parallèle pour trouver les devises . Si nous n’avons pas des liquidités, les propriétaires des bureaux de change ne nous servent pas », ajoute‐ t‐ il.
Pourtant‚ trouver ces liquidités comme il le souhaite est actuellement un casse-tête. «On peut aller dans 5 banques ou IMFs pour ne retirer qu’un montant de seulement 5 millions de FBu», confie-t-il.
Les commerçants se demandent alors pourquoi ils ne sont pas servis par les banques et les IMFs comme à l’accoutumée, car il n’y a pas une instruction officielle provenant de la Banque centrale qui porte sur la limitation des retraits comme cela est arrivé au début de l’année 2023.
Ils s’inquiètent du fait que les IMFs et les banques plafonnent les retraits en désordre. Chacune le fait comme elle veut. Il n’y a aucune règle sur laquelle elles se basent. Pire encore, elles le font sans consentement avec les consommateurs des produits et services financiers.
Selon ces derniers‚ cela s’observe au moment où le règlement de protection des consommateurs des produits et services financiers de la BRB précise dans son article 4 que les fournisseurs des produits et services financiers doivent agir avec honnêteté et intégrité dans leurs relations avec les consommateurs et leur offrir des produits et services financiers de façon à renforcer leur confiance dans le secteur.
Pourquoi plafonner les retraits ?
Les fournisseurs des produits et services financiers contactés font savoir que la limitation des retraits sur les comptes bancaires est liée au renouvellement de l’invitation de la BRB au public à réduire autant que possible l’utilisation du cash comme moyen de paiement.
Sur son compte twitter, la BRB explique qu’il s’observe des clients des banques commerciales et des institutions de microfinance qui continuent à effectuer des retraits en cash en montants importants. Ce qui augmente le niveau des billets et pièces en circulation avec notamment un effet inflationniste. La BRB encourage l’utilisation d’autres moyens de paiement que le cash, entre autres le virement bancaire.
Un de ces fournisseurs des produits et services financiers nous a révélé que la BRB ne fournit pas de gros montants aux banques commerciales et IMFs. « Elle nous limite même si c’est notre argent », argue-t-il. Et de préciser que c’est la raison pour laquelle elles ne servent pas leurs clients comme ils veulent.
Risque d’amplifier la thésaurisation
Selon lui, cette politique monétaire risque d’amplifier les mauvaises pratiques comme la thésaurisation et de renforcer le phénomène des SILCs, car c’est là où les gens se sentent libres pour bénéficier des liquidités facilement.
Nestor Bayubahe, économiste et professeur d’université contacté indique que cette mesure de limitation des retraits freine les transactions à l’interne et à l’externe. Ce qui constitue une entorse à l’économie du pays. Selon lui, les décideurs devraient savoir que le paiement électronique et le virement bancaire ne sont pas beaucoup utilisés.
Les causes sont multiples
Selon lui, c’est un système qui n’est pas sécurisé. « C’est pourquoi vous entendez souvent que les maisons de transferts d’argent telles que ecocash ou lumicash ne fonctionnent pas bien. Il y a même des vols signalés selon les agents de ces compagnies de transfert d’argent », déplore-t-il.
De plus, les transferts d’argent nécessitent la connexion à l’internet et les téléphones. Pourtant, vous savez que très peu de gens disposent de ces outils, éclaircit-il.
De surcroît, le transfert électronique est cher. Si tu veux transférer 10 000 FBu à quelqu’un, tu y ajoute plus de 1000 FBu. Et dans le budget de 2023‐2024, le pays compte collecter un montant de 15 milliards de FBu issu des transferts électroniques d’argent.
Il ajoute que la population n’est pas sensibilisée sur l’utilisation de ce système. C’est pourquoi on utilise le cash au marché, dans les cabarets, etc.
Sinon, Bayubahe conclut que le système des transferts électroniques en soi est à saluer, car il permet que les billets des banques ne vieillissent pas et que le pays ne dépense plus de moyens financiers pour fabriquer de nouveaux billets. C’est pourquoi ce système est très utilisé dans les autres pays.