Le Burundi a encore un long chemin à parcourir dans le domaine de la valorisation des talents des jeunes. L’insuffisance des centres dédiés au développement des talents et la faible implication des parents constituent, entre autres, des obstacles majeurs. Les acteurs dans ce domaine suggèrent une implication plus active des pouvoirs publics.
« Les initiatives visant à détecter et à valoriser les talents des jeunes restent lacunaires au Burundi », constate Jean Daniel Mugisha, responsable du centre de loisirs Betsal’el. Et cela malgré les différentes activités organisées ici et là, surtout pendant les grandes vacances, pour stimuler et réveiller les talents des jeunes burundais. Ces activités, majoritairement organisées par des associations privées, ont montré leur efficacité, bien que limitée, selon les experts du domaine.
« L’encadrement des enfants pendant les vacances au centre de loisirs Betsal’el avait pour objectif global de réveiller les potentiels latents en eux. Parfois, ces potentiels sont inconnus des jeunes et de leurs parents. Ce n’est que lorsque l’enfant a l’opportunité d’essayer quelque chose qu’il peut découvrir que cela constitue en fait son talent », explique Mugisha. Il souligne qu’il est important que les enfants découvrent leurs talents tôt, car « connaître son talent précocement permet de l’exploiter rapidement, ce qui en fait fructifier les résultats plus tôt », ajoute-t-il.
Après les séances organisées par ce centre, les jeunes ainsi que leurs parents ont été étonnés de découvrir qu’ils possédaient un potentiel susceptible de les faire vivre, mais qu’ils ne connaissaient pas. « Cela montre que ces potentiels étaient dormants et qu’il fallait les réveiller, sinon le porteur n’en aurait jamais eu conscience », confirme Mugisha.
L’insuffisance des centres, un frein
Danny Bindariye, directeur du centre Art in Life de Rumonge, ne doute pas qu’il y a beaucoup de jeunes dont les talents ne leur serviront à rien, non pas parce qu’ils n’en ont pas, mais simplement parce qu’ils n’ont pas eu l’opportunité de les découvrir et de les développer.
Bindariye regrette que les centres offrant de telles opportunités aux jeunes soient rares et souvent peu efficaces, car leurs initiatives manquent fréquemment d’un accompagnement des autorités administratives. Il suggère une implication plus marquée des pouvoirs publics dans ce domaine. Jean Daniel Mugisha partage cet avis. Il déplore que les rares centres pour jeunes fonctionnels soient des initiatives privées, souvent dépourvues d’équipements suffisants, ce qui limite leur impact. « Les bâtiments seuls ne suffisent pas pour un tel centre. Il faut des formateurs compétents, des équipements adaptés, des matériels, etc. »
Mugisha remarque également que même les rares centres existants et autres opportunités ne bénéficient souvent qu’aux jeunes vivant dans les centres urbains. Il propose un financement accru de ce secteur, car selon lui, après tout, un talent détecté et valorisé n’est pas seulement bénéfique pour son porteur, mais pour toute la société.
Un secteur méconnu et sous-valorisé
Sur la base de son expérience, Bindariye indique que le grand défi auquel le centre Art in Life a été confronté est la non-implication des parents, parfois due à l’ignorance. Cela a également affecté les activités organisées par le centre de loisirs Betsal’el. Le responsable de ce centre nous a fait savoir que sur une cinquantaine d’enfants attendus pour les séances qu’ils avaient organisées, seuls une vingtaine a pu participer. Il appelle les parents à faciliter l’accès de leurs enfants à ces opportunités uniques.
« Un enfant peut manifester sa passion pour le dessin, mais être freiné par ses parents qui craignent que son talent ne l’empêche de bien suivre les cours à l’école. Cela nous prend beaucoup de temps pour leur expliquer que ce talent peut, au contraire, être une clé du succès pour leurs enfants », explique Bindariye. En attendant la multiplication des centres publics, Bindariye appelle les autres artistes, où qu’ils se trouvent, à se mobiliser pour aider les jeunes de leur entourage à détecter et rentabiliser leurs talents.