Les prix du carburant ont été revus à la hausse à partir du 27 janvier 2022 en moyenne de plus ou moins 12,5%. La hausse des prix du transport en commun s’en est suivie à plus ou moins 25% et celle des prix des autres produits stratégiques et de première nécessité risquent de suivre le même cours. Les observateurs parlent d’une situation alarmante
« A Bujumbura, les prix de l’essence sur les pompes est passé de 2.400 à 2.700 BIF par litre, celui du mazout est passé de 2.350 à 2.650 BIF par litre et 2.100 à 2.450 BIF par litre pour le pétrole », a annoncé Ibrahim Uwizeye, ministre de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, le 27 janvier 2022. Le ministre Uwizeye a expliqué que cette mesure est prise après la hausse des prix du carburant sur le marché international.
« C’est énorme dans un contexte d’une situation inflationniste alarmante. L’inflation pour les produits alimentaires était à environ 11% », s’exclame Faustin Ndikumana, économiste de formation et président de la PARCEM. Cette hausse des prix carburant est intervenue au moment où le carburant manquait dans les stations-services. Toutefois, les responsables d’Interpetrol ont indiqué que dès l’après-midi de lundi le 31 janvier 2022, le carburant va être disponible. Depuis cette date, le carburant est quasi disponible dans beaucoup de stations-services.
La décision de revoir à la hausse les prix du carburant n’a pas pris en compte les conditions de vie du consommateur, selon l’ABUCO.
Le choc est déjà ressenti
La hausse du prix des produits pétroliers affecte l’économie du pays dans son ensemble. Elle touche essentiellement la population qui voit son pouvoir d’achat diminuer à la suite de l’augmentation des prix des biens de consommation. Le 1er février, le prix du transport interurbain ont été majorés de 100 FBu. Egalement à l’intérieur du pays, ces prix ont été revus à la hausse selon les trajets, soit un constat d’une moyenne de 25%. L’Association Burundaise des Consommateurs (ABUCO) craint la hausse des prix des produits de première nécessité.
Cela étant, la population se lamente que malgré la hausse du prix du transport et des autres produits de première nécessité qui vont suivre, leurs revenus restent inchangés. « 300 FBu sur un litre sont énormes alors qu’il n’y a pas d’autres mesures pour revoir à la hausse les revenus des salariés », se lamente un fonctionnaire de la capitale économique.
A l’ABUCO, on estime que cette décision n’a pas pris en compte les conditions de vie du consommateur. Il recommande que les prix du transport en commun soient revus à la hausse à 12,5% et non à 25%.
Les prix du pétrole sur le marché international sont en hausse
Les cours du pétrole très en baisse au début de la crise sanitaire (aux alentours de 20 dollars par baril) sont remontés en escalier depuis. On observe une accélération à partir de décembre 2021: le baril est passé de 70 à 90 USD par baril. Au 02 février 2022, les prix du WTI (West Texas Intermediate ) était à 88,01 USD tandis que le Brent est à 88,94 USD.
Le Brent sert aujourd’hui de brut de référence pour de nombreux marchés boursiers, dont une bonne partie du marché européen, ainsi que le marché africain et le marché méditerranéen. Ainsi, le prix du Brent détermine en partie celui d’un plus de 65% de la production mondiale du pétrole. Le WTI est notamment le pétrole qui sert de référence principale sur le marché américain
Pourquoi la hausse des prix du carburant sur le marché international ?
Les premières mesures de confinement au début d’année 2020, en Chine, puis en Europe et aux Etats-Unis, ont conduit à une baisse jamais vue de la consommation. L’activité économique était au ralenti. Mais, avec la maitrise progressive de la pandémie l’activité économique redémarre trop vite. La demande du pétrole reste relativement abondante alors que les capacités de production dépendent de paramètres contraignants, pouvant mettre à mal la capacité des pétroliers à satisfaire suite au déclin des zones matures, aux incertitudes géopolitiques…
Une autre explication est que le marché pétrolier a une particularité de taille par rapport à n’importe quel autre marché : les volumes de pétrole sont ouvertement manipulés par les plus importants exportateurs du monde qui se sont regroupés au sein de l’OPEP (Organisation mondiale des pays producteurs de pétrole). Il détermine le nombre de barils à mettre sur le marché (politique des quotas par pays).
La hausse des prix sur le marché international n’est pas le seul facteur
Le cours international du brut n’est pas la seule cause de la hausse du prix à la pompe au Burundi. D’autant plus que quand le prix du carburant était en baisse sur le marché internationale, le prix à la pompe n’a pas baissé.
Pour Faustin Ndikumana, la hausse des prix du carburant sur le marché international, l’inflation, les taxes prélevées, mais aussi la dépréciation du FBu par rapport au dollar américain qui font que les produits importés soient chers sont les principales causes de cette hausse jugée élevée. « Il faut que le gouvernement supprime au moins certaines taxes pour éponger ce dérapage d’augmentation élevée du carburant ». Ainsi par exemple, pour la structure du carburant avant cette hausse, sur chaque litre d’essence, étaient prélevés la taxe carburant (210 FBu), les frais pour le stock stratégique (194,678 FBu), le fonds routier national (80 FBu) et la Taxe sur la Valeur Ajoutée de 334, 784 FBu. Cela étant, dans certains pays, on subventionne le prix d’un litre d’essence à la pompe.
« On est dans une situation atypique au Burundi », fait savoir l’économiste. Il explique que la théorie économique générale dit que la cohabitation de l’inflation et du chômage n’est pas constatée. Normalement, quand l’inflation augmente, le taux de chômage diminue. « Nous interpellons vraiment le gouvernement à concevoir une politique de relance économique pour renforcer la capacité de relance nationale par rapport à ces chocs par l’analyse structurelle des causes, dont l’inflation», ajoute-t-il.
Pour rappel, la dernière hausse des prix du carburant remontait à août 2018.