Activité génératrice de revenus, la projection des films dans de petites salles en Mairie de Bujumbura ne tient compte ni de l’âge des consommateurs, ni du temps d’ouverture ou de fermeture des salles. Elle ne priorise que l’argent. Une législation s’impose pour gérer cette activité qui ignore les contours juridiques et l’impact socio- psychologique des contenus diffusés
Mardi 13 mars 2018 exactement à 11Heures. A la 11ème avenue de la zone Cibitoke, dans la commune Ntahangwa en mairie de Bujumbura, une petite maison construite en roseaux se dresse devant nous. Face à une dizaine d’enfants en uniformes d’écoles secondaire (bleu- blanc) s’attroupent. Ils rentraient de l’école. Concentrés devant une petite affiche collée sur la maisonnette, ces élèves manifestaient une impatience de loup. Plus de soucis des cours pendant cette période des examens. Ils discutaient du programme exposé sur l’affiche. Ce programme concernait les films à projeter ce jour-là. A ce moment même, les responsables de cette maison étaient en train d’installer les équipements afin de débuter la projection des films.
A 12 heures, la situation est la même à la 2ème avenue de la zone Bwiza, commune Mukaza. Sur le mur de la maisonnette de Bwiza, on lit : «HANO TUREREKANA AMA FILIME Y’IGIHINDI» traduit en français par «ICI NOUS PROJETONS DES FILMS INDIENS». A l’entrée, un jeune homme attend les clients. Personne n’entre avant de régler la facture.
A l’intérieur de la petite salle de Bwiza était assise une masse de personnes adultes. Ils étaient concentrés devant un petit poste téléviseur au volume maximal.
Recettes collectées et autorisation de projection : secrets professionnels
« Le droit d’entrée est de 200FBu par film », précise un diffuseur de films à Bwiza. Toutefois, il se réserve sur les recettes collectées journalièrement ou mensuellement. Pour lui, c’est un secret professionnel. Quant à la possession d’une autorisation administrative de projection des films, le jeune homme s’est réservé de tout commentaire arguant également que c’est un secret professionnel. Cependant, il a révélé qu’il montre n’importe genre film. Cela sans tenir compte de l’âge des consommateurs ou du nombre d’heures d’ouverture ou de fermeture des salles de projection. « Dans ce métier, c’est seulement l’argent qui nous intéresse», indique le diffuseur des films à Bwiza.
Beaucoup d’irrégularités dans ce domaine
Pour Eloge Nzeyimana, cinéaste et enseignant le cours de filmologie à l’université du Lac Tanganyika, les petites salles de projection des films éparpillées dans des quartiers populaires de la municipalité de Bujumbura ne suivent aucune norme. Elles ne respectent aucune loi en la matière.
« Moi, j’appelle souvent ces maisonnettes des salles sauvages. Tu peux trouver par exemple des salles qui projettent des films d’horreur, des films pornographiques… pour des enfants qui n’ont pas l’âge de regarder ce genre de films. Ces diffuseurs sont en train d’altérer leur capacité de percevoir les évènements. Ils prennent également des films Hollywoodiens et mettent des commentaires dessous en Kinyarwanda ou en Kirundi. C’est pour que leurs clients qui ne comprennent pas l’Anglais puissent les consommer facilement. Ce qui est tout sauf professionnel. D’ailleurs cela entraine des piratages et les droits d’auteurs sont bafoués », explique-t-il.
La population en souffre
David Ninganza, porte-parole de « Solidarité de la Jeunesse Chrétienne pour la Paix et l’Enfance » (SOJPAE- Burundi) signale que les films projetés dans ces maisonnettes constituent un grand danger non seulement pour la psychologie des enfants, mais aussi pour tout le pays.
«Différentes études faites sur ce sujets montrent que les contenus de ces films ont un impact négatif sur les résultats scolaires des enfants vivant dans les quartiers où ces films sont projetés. Le constat sur terrain est qu’ au lieu d’aller à l’école, les enfants se faufilent dans ces maisonnettes d’où les absences répétées et les abandons scolaires », explique M. Ningaza.
Il a également fait remarquer le cas des enfants qui volent un peu de sous dans leurs familles en vue de pouvoir payer les frais d’ accès à ces petites salles de cinéma. « Par ailleurs, il arrive qu’il y ait des pratiques d’insanités dans ces salles. C’est par exemple quand il y a coupure d’électricité, les gens qui se trouvent à l’intérieur en profitent pour s’adonner à la délinquance sexuelle », regrette-t-il.
M. Ningaza informe enfin que ces salles sauvages contribuent à la régression du développement du pays. Les gens qui devraient vaquer aux activités génératrices de revenus, perdent leurs temps à fréquenter ces maisonnettes. Au lieu d’être productifs, ils développent une dépendance vis-à-vis de ces films.
Notons que ces petites salles de projections des films sont éparpillées dans des quartiers populaires de la ville de Bujumbura. Elles œuvrent dans l’informel et nécessitent une réglementation et un suivi régulier de la part des chefs locaux. Cela en vue d’assurer la bonne gestion et le contrôle de leur fonctionnement.