Les femmes burundaises sont moins favorisées par le système bancaire burundais par rapport aux hommes. Les institutions de microfinances ayant inscrit la promotion de l’entrepreneuriat féminin dans leurs priorités affichent un résultat mitigé. La Banque d’Investissement et de Développement pour les Femmes (BIDF) peut-elle rassurer l’opinion davantage ?
Malgré l’attention portée depuis longtemps à l’accès limité au crédit bancaire comme un des défis limitant l’entrepreneuriat féminin au Burundi, le problème reste sans solution durable. Marie Louise Kamikazi, Secrétaire Exécutive du Réseau des Institutions de Microfinance au Burundi (RIM) note beaucoup de défis auxquels font face les institutions de microfinance dans leur mission de soutenir l’entrepreneuriat des femmes.
Kamikazi déplore l’incapacité des institutions de microfinance à soutenir l’entrepreneuriat des femmes à un niveau voulu. Elle évoque notamment le taux d’intérêt élevé, la peur de s’endetter, le manque de garanties, l’imperméabilité de la culture Burundaise par rapport à l’entrepreneuriat féminin… Elle souligne également le manque de solidarité en cas de demande d’un crédit collectif et évoque les difficultés liées à la proximité des services financiers. En effet, ce genre de crédit permet aux femmes ne disposant pas de garanties d’avoir accès au crédit. Ainsi, le taux de participation des femmes au crédit et à l’épargne se stabilisait à environ 30% fin 2020. Le manque de garanties et le taux d’intérêt élevé constituent les principales barrières à l’accès au crédit pour les femmes.
Cependant, quelques avancées sont à noter. « Avec l’éducation financière, on constate une amélioration très visible dans l’autonomisation de la femme Burundaise », fait remarquer Nadine Mutabaruka, DG de Women’s Initiative for Self Empowerment (WISE). Elle affirme que l’institution dont elle tire les ficelles favorise les femmes avec des produits spécifiques pour cette catégorie de clientèle. « Nous avons des produits spécifiques pour les femmes même si nous devons fonctionner suivant les normes régissant les microfinances», indique-t-elle.
La BIDF pour quelle plus- value ?
En mars 2022, la BIDF a ouvert ses portes dans le but de faciliter l’accès au crédit pour les femmes. « Cette banque a la vocation d’appuyer les projets de développement initiés par les femmes regroupées en associations ou en coopératives », a précisé Marie Salomé Ndabahariye, DG de cette banque lors de son inauguration. 3 mois après, Ndabahariye affirme que la banque des femmes a déjà commencé à octroyer des crédits. Pour préserver sa mission, la BIDF a créé un guichet spécial pour les femmes. « Les femmes sont éligibles aux crédits octroyés à des taux compétitifs par rapport à ceux appliqués au guichet commercial », explique-t-elle. Pour rapprocher ses services de la population, la BIDF envisage ouvrir des agences et des guichets dans toutes les provinces du Burundi et développer le mobile money.
Loin de les concurrencer, la BIDF collaborera plutôt avec les institutions de microfinance initiées dans le but de renforcer l’entrepreneuriat féminin. « Les institutions de microfinance ayant le même focus que notre banque et voulant collaborer avec nous sont les bienvenues », indique-t-elle. Pour elle, ces IMFs pourront se refinancer auprès de la BIDF afin de rendre leur mission effective.
Quid des moyens pour rendre la BIDF plus efficace ?
Tout en saluant la mise en place de la BIDF, Dr Salomon Nsabimana, expert en économie recommande d’autres actions à mener. « L’argent de la banque n’est pas gratuit », avertit l’expert qui plaide pour une formation à l’endroit des intéressés pour être éligible au crédit. Selon lui, il faut absolument un changement de mentalités chez les femmes Burundaises.
Pour Mme Ginette Mutoni Karirekinyana, les femmes Burundaises ne sont pas capables de faire fonctionner une banque et la BIDF risque de glisser dans le mode opérationnel classique. Elle propose à la banque d’ouvrir ses portes à d’autres femmes de la région pour vivifier son activité.
Dans les faits, l’accès de la femme Burundaise au crédit bancaire reste jusqu’ici limité. Le rapport de la BRB (2015) lève le voile sur le fossé existant entre les clientèles masculin et féminin en termes d’accès au crédit. Ainsi, les taux d’inclusion financière des femmes étaient respectivement de 30,6%, 30,3% et 28,3% en 2013, 2014 et 2015. De toutes les façons, la participation des femmes en tant que groupe majoritaire de la population burundaise est incontournable pour un développement durable du pays.