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Protection de l’environnement : Agir en amont pour éviter le chaos

Le phénomène de ravinement dans les zones périurbaines de Bujumbura devient de plus en plus inquiétant. Des maisons détruites, des familles sans abri, des infrastructures publiques endommagées… le bilan est lourd. Selon les experts, le gouvernement doit encadrer les constructions et appliquer rigoureusement les lois sur l’aménagement et l’environnement, tout en entreprenant des travaux préventifs pour contenir la progression des ravinements et protéger les populations.

Au fil du temps, de simples crevasses se transforment en ravins massifs, détruisant des maisons, des routes et des ressources naturelles.

Dans le quartier Kamesa de la zone Musaga, commune Muha, un grand ravin sépare deux collines. Les rives de ce ravin, fragiles et en plein glissement, s’élargissent de jour en jour, comme le racontent les habitants de cette localité. Étant là-bas, on peut voir des maisons dont une partie a déjà été emportée dans le ravin, tandis que l’autre reste suspendue sur ses rives. Cela témoigne qu’auparavant, cette zone était habitée.

« Le glissement de terrain a commencé en 2022, progressant lentement, puis il a pris de l’ampleur en 2023 et s’est accéléré en 2024. Cela continue jusqu’à aujourd’hui », raconte Emanuel Igirukwishaka, habitant du quartier Kamesa. Comme il le raconte, avant que la situation ne s’aggrave, ces deux collines étaient séparées par un simple ruisseau, facile à traverser à pied. Mais avec le temps, le terrain a continué à s’effondrer progressivement et le ravinement s’est aggravé.

Claver Harusha, 57 ans, vit à Kamesa. « Quand je suis arrivé ici il y a 42 ans, c’était une colline stable, avec des constructions solides et bien organisées. Tout cela a disparu maintenant », explique-t-il en montrant l’endroit où étaient jadis construites certaines maisons.

Les pertes sont énormes

« Nous avons déjà perdu beaucoup de choses à cause de ce ravinement. Environ 150 maisons ont été détruites ici, laissant plus de 750 personnes sans abri », déclare Didier Ndizeye, chef du quartier Kamesa.

Césarie Niyonsaba, une mère de sept enfants, est l’une des victimes. Nous l’avons rencontrée en train de ramasser des briques sur le site où sa maison s’était effondrée. Elle nous a raconté le calvaire qu’elle vit avec ses enfants. « Les enfants ont abandonné l’école. Nous vivons constamment dans l’insécurité, sans aucune sérénité », regrette-t-elle.

Monsieur Ndizeye parle également de la perte d’une route d’accès importante. « Lorsque la RN7 devient impraticable, les voitures doivent emprunter cette route secondaire endommagée », explique-t-il, tout en montrant une route alternative qui est maintenant inutilisable. Les habitants craignent aussi que la RN7 ne s’effondre totalement, car des fissures sont déjà apparues sous celle-ci. « Malgré nos efforts, sans intervention de l’État, nous n’arrivons pas à faire face à ce phénomène. Une solution serait de reloger les victimes pour qu’elles aient un abri. En attendant, nous essayons de planter des bambous pour stabiliser le sol, mais les effets restent limités », ajoute M. Ndizeye.

Kamesa n’est pas le seul quartier touché 

Benjamin Shumbusho, habitant de la 2ème avenue de Musaga, près de la rivière Mpanda, se souvient d’un soir du mois de mai 2024, vers une heure du matin. Il a entendu un bruit semblable à un tremblement de terre. « En sortant, j’ai découvert que le glissement de terrain avait emporté deux chambres et les toilettes de ma maison. J’ai décidé d’attendre le lever du jour, puis je suis allé demander un refuge. Depuis, je vis dans un logement temporaire. Avant cet incident, je préparais mon mariage prévu pour le 1er juin. J’ai perdu environ 20 millions de Fbu à cause de cet événement », témoigne-t-il.

Nalizadi Kamariza, voisine de Benjamin, raconte que le glissement de terrain a déjà détruit cinq maisons de son quartier dès 2023. Une personne, endormie dans l’une des maisons, a été retrouvée blessée et emmenée à l’hôpital. « Nous vivons dans une peur constante, particulièrement pour nos enfants qui jouent à proximité de ces zones dangereuses », dit-elle.

Zacharie Nyandwi, habitant de Gihosha Rural, vit lui aussi près d’un ravin. Il déplore des pertes importantes. « Plus de cent maisons ont été détruites ici », affirme-t-il. Il raconte avoir perdu une parcelle située derrière sa maison, emportée par le glissement. « Nous vivons dans l’angoisse permanente. Nous demandons au gouvernement de nous aider. Si cette zone ne peut pas être réparée, qu’on nous donne un autre endroit pour vivre en sécurité. »

Que disent les experts ?

Selon Dr Athanase Nkunzimana, chercheur et enseignant à l’Université du Burundi, le phénomène de ravinement dans les zones périurbaines de Bujumbura est largement favorisé par des terrains à fortes pentes, une exploitation non réglementée et l’impact des changements climatiques. Au fil du temps, de simples crevasses deviennent des ravins massifs, détruisant des maisons, des routes et des ressources naturelles.

Pour remédier à cette situation, il suggère de sensibiliser les populations locales à la culture du risque et de stabiliser les terrains par des solutions naturelles. Mais également, le gouvernement doit encadrer les constructions, appliquer rigoureusement les lois environnementales et entreprendre des travaux préventifs pour contenir ces ravinements. Car selon lui, stabiliser les zones en amont est indispensable pour garantir la sécurité en aval.

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