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Protection des employés domestiques : des mesures controversées

Le 17 septembre 2020, l’Assemblée Nationale a adopté un  projet de loi portant révision du décret-loi N°1/037 du 7 juillet 1993 portant code du travail au Burundi. Cette révision vient aussi mettre en place des mesures de protection des employés domestiques, qui doivent désormais bénéficier d’un contrat de travail écrit.  Une mesure qui n’a pas été vue du même œil par toutes les parties prenantes

Ce sont des travailleurs  qui sont «invisibles», mais  disponibles à tout moment. Ils sont souvent présentés comme  les moins bien payés. Parfois  même privés de salaire. Dans la plupart des pays africains, aucune loi ne les protège contre les abus. Il s’agit pourtant d’un secteur pourvoyeur d’emplois, à condition qu’il soit reconnu et organisé. Organiser ce secteur figure dans le projet de loi portant révision du code du travail adopté récemment par l’Assemblée Nationale. Les travailleurs de ce secteur jubilent mais leurs employés se disent dans l’incapacité de respecter ces mesures une fois la loi promulguée.

Une mesure salutaire pour les bénéficiaires

Qu’elles soient nounous, bonnes, femmes de ménage ou grooms leur travail n’est pas considéré comme «un vrai travail», explique Léopold Nduwimana, un des responsables de la Fondation Umwizigirwa qui accompagne et encadre les travailleurs domestiques. Il explique que les employés domestiques subissent  maintes violences tant morales que physiques de la part de leurs employés parce qu’il n’y a pas une loi qui les protège. Pour lui, cette loi vient comme un soulagement pour ces derniers.

Au moment où la pauvreté pousse les parents à confier leurs enfants à des familles plus aisées comme employés domestiques moyennant des salaires de misère, certains estiment que cette loi diminuera les cas d’exploitation des mineurs.

Cependant, il invite les parties prenantes à prendre des mesures d’accompagnement. « Il faudra accompagner cette loi puisqu’il s’est avéré que la majorité de ces employés ne savent pas lire et écrire. Par conséquent il leur serait difficile de négocier les contrats  », dit-il.

Au moment où la pauvreté pousse les parents à confier leurs enfants à des familles plus aisées comme employés domestiques moyennant des salaires de misère, cela devrait toutefois changer après la mise en place de cette loi, disent certains.

Les employés sont méfiants

Depuis l’adoption de cette révision de loi par l’Assemblée Nationale, les commentaires fusent de partout. «Dans ce cas, on va tous les renvoyer», écrit une femme dans un groupe whatsupp. Cette mère explique qu’elle a employé trois grooms dans un délai seulement d’un mois. « Imaginez s’ils avaient des contrats, ils m’auraient embrouillés alors qu’ils ne savent rien faire », partage-t-elle.

Léonard est un employé d’une société privée. Il se demande comment il va faire signer un contrat à son groom alors que lui n’en a pas. « Moi aussi je travaille sans contrat. Il fallait penser à rendre effectives les mesures de protection des travailleurs du secteur formel », explique-t-il.

Sous d’autres cieux où ces mesures sont praticables, les Etats s’engagent à mieux payer leurs salariés afin que ces derniers le fassent pour  leur tour pour leurs employés domestiques. Aussi, les Etats fixent des marges salariales qui sont appliquées dans l’élaboration des contrats.

Des innovations dans la révision de cette loi

Le projet de loi portant révision du décret-loi  N°1/037 du 7 juillet 1993 portant code du travail au Burundi de grands changements.  Il y a notamment celui que  désormais le personnel de l’informel bénéficiera d’un contrat. Chaque contrat sera rédigé dans la langue nationale pour aider les employés à s’engager dans des choses qu’ils comprennent bien. Les travailleurs qui sont aussi régis par cette nouvelle loi sont les travailleurs à temps partiel, les vacataires, les civils œuvrant dans les forces de l’ordre et les sous-traitants. Ce projet de loi propose  également de fixer l’âge de la retraite à 65 ans.

Les mesures de protection des employés domestiques, qui doivent désormais bénéficier d’un contrat de travail écrit, ce n’est pas une nouveauté au Burundi. Elles ont été suspendues dans la révision du code du travail de 1978. Le  projet de loi portant révision du décret-loi N°1/037 du 7 juillet 1993 portant code du travail au Burundi est en attente d’être analysé par le Sénat avant d’être promulgué par le Président de la République.

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