Les eaux du lac Tanganyika sont sous la menace de la pollution. Les déchets de plusieurs natures qui ne cessent de s’accumuler dans cette source en eau potable pour plus de 90% des habitants de la capitale sont la cause de ce danger. La situation est actuellement alarmante du fait que le degré de turbidité de ces eaux (degré d’impureté) arrive à plus de 25.
Dans une visite qui a été effectuée par l’hebdomadaire socio-économique Burundi Eco lundi le 28 mai 2108 au littoral du lac Tanganyika, il s’est observé des détritus de plusieurs natures qui ont été charriés par les vagues du lac Tanganyika. Le pire se remarque à l’ endroit dénommé Kumase. Arrivé à cet endroit, une odeur nauséabonde dégagée par les eaux usées provenant des entreprises environnantes gênent les visiteurs. Toutes ces eaux finissent par se déverser dans le lac Tanganyika sans aucun traitement préalable via une petite rivière dénommée Kinuke selon les boutiquiers qui se sont entretenus avec Burundi Eco. A Kumase, l’eau du lac Tanganyika a pris la couleur noire et est mélangée avec de la boue et d’autres immondices. Elle est eutrophisée.
Les sources de pollution
Les déchets de plusieurs sortes ne cessent de polluer les eaux du lac Tanganyika. Les déchets domestiques en provenance des villes et des villages sont directement déversés dans le lac sans aucun traitement prealable, indique Floribert Kezimana, président de l’Association pour la Protection de l’Environnement et le Développement de la Population (APEDP). Les déchets ménagers, les résidus provenant de l’extraction de l’huile de palme et les alluvions charriées par les eaux de ruissellement polluent au quotidien le lac Tanganyika. Les huiles des moteurs des véhicules en provenance des garages ajoutent le drame au drame.
De plus, les eaux usées provenant des ménages, des usines et d’autres entreprises industrielles se déversent dans le lac Tanganyika sans aucun traitement préalable car les pompes de la station d’épuration de Buterere sont en panne. La pollution des eaux du lac Tanganyika est également causée par les déchets solides et liquides en provenance des industries et des unités artisanales. Ces déchets sont déversés dans des canaux d’évacuation des eaux usées ou dans les rivières traversant la ville de Bujumbura et sont directement acheminés au lac Tanganyika
Moins de la moitié des ménages sont raccordés à la station d’épuration de Buterere
Dans la ville de Bujumbura qui abrite près d’un million d’habitants, « moins de la moitié des ménages sont raccordés à la station d’épuration de Buterere ». Les déchets solides et les eaux usées se jettent directement dans les eaux du lac Tanganyika. Certains menages sont même raccordés aux rivières Ntahangwa, Muha, Nyabagere, Mpimba et Kanyosha. La conséquence majeure de cette situation est que le lac Tanganyika est la destination finale de ces eaux usées. Les déchets des centres urbains riverains du lac Tanganyika comme Rumonge, Nyanza-Lac et du village des pêcheurs de Mvugo n’échappent pas à cette triste réalité, précise Kezimana. La pollution portuaire contribue également à la destruction du lac.
De surcroît, la mise en valeur du territoire national se fait depuis toujours dans un cadre purement traditionnel. La majorité de la population burundaise cultive parallèlement à la pente. Les dispositifs antiérosifs ne sont pas mis en place. Il en découle ainsi une érosion sur les pentes fortes qui est à l’origine de la pollution des eaux des lacs et des rivières.
La situation est très alarmante dans la région de Mumirwa où l’érosion a déjà occasionné une pollution inquiétante sur une bonne partie du Nord du lac Tanganyika avec comme conséquence la diminution de la production halieutique. La riziculture irriguée en expansion dans la plaine de la Rusizi constitue une autre source de pollution à cause de l’usage des pesticides et des engrais chimiques affectant ainsi la vie de la faune aquatique de la riviere Rusizi et du lac Tanganyika.
Les unités de transformation artisanales, une autre source de pollution
Les unités de transformation, notamment les unités de fabrication d’huile de palme et les unités de fabrication de savons rejettent des déchets liquides dans les eaux des rivières qui traversent la capitale et celles du lac Tanganyika.
« La liste des sources de pollution est longue ». Et Kezimana d’y ajouter les plantes envahissantes comme la jacinthe d’eau. D’après cet activiste de l’environnement, cette dernière « pousse là où il y a des eaux eutrophisées et constitue des nappes qui bloquent la lumière et étouffent la surface. « Or, explique-t-il, la lumière est indispensable dans la vie des êtres aquatiques. Les poissons migrent vers d’autres coins du lac parce que ces plantes envahissent la zone côtière polluée alors que celle-ci est à l’origine très propice à la reproduction des poissons. Après l’utilisation des produits chimiques tels que les engrais minéraux, les rivières se retrouvent polluées car les nappes phréatiques sont elles- même polluées.
La pollution des eaux provoque des malformations chez certaines espèces marines
La pollution des eaux provoque chez certaines espèces marines des malformations, voire la mort. Certains poissons deviennent hermaphrodites, c’est-à-dire qu’ils se métamorphosent et acquièrent les deux sexes. D’autres sont retrouvés sans vie sur les bords des rivières. Les eaux du lac Tanganyika sont partagées entre quatre pays en proportions inégales. Ces pays sont le Burundi avec 8%, la RDC avec 45°%, la Tanzanie avec 41% et la Zambie avec 6%.
Les conséquences de la pollution se font sentir
Désiré Nsengiyumva, directeur de l’eau à la REGIDESO fait remarquer que le degré de turbidité (degré de la saleté de l’eau) atteint plus de 25 alors que le degré normal devrait être inférieur à 5. Avec les huit filtres dont dispose la Regideso pour traiter l’eau brute captée dans le lac, ce n’est pas chose facile de la traiter, car elle est très polluée. Le pire arrive lorsqu’il pleut, car l’eau contient beaucoup d’impuretés. Et Nsengiyumva de souligner que c’est la raison pour laquelle il s’observe quelquefois une coupure d’eau dans les quartiers de la ville de Bujumbura.
Le point de captage de l’eau brute se trouve actuellement à 3500 m sur une profondeur de 25 m par rapport au littoral du Lac Tanganyika alors qu’il était à 1800 m ces années dernières. Si rien n’est fait, l’eau brute dont la Regideso a besoin pour approvisionner la ville de Bujumbura sera captée dans la République Démocratique du Congo. Par conséquent, le coût sera énorme pour s’approvisionner en eau potable. Il demande à la population de bien protéger ces ressources en eau.
Situé dans le Rift Valley, le lac Tanganyika est l’un des grands lacs d’Afrique. C’est le deuxième plus grand lac d’eau douce au monde après le lac Baïkal en Russie et ses 673 km de longueur en font le plus long du monde. Il se classe également au deuxième rang des lacs les plus profonds du monde avec de 1.470 m, contenant près d’un sixième de l’eau douce non gelée. Ce qui représente presque 17 % de l’eau douce disponible sur notre planète.
Signalons que l’ONG «Global Nature Fund» (GNF) l’a classé comme le lac le plus pollué de l’année en 2017 lors de la Journée mondiale des zones humides.