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Quand le gouvernement s’immisce dans la fixation des prix

Le prix d’1 kg de grains de maïs sec chez le producteur passe de 680 FBu en 2021 à 1700 FBu en 2024, soit une augmentation de 250% dans trois ans. Cela intervient au moment où il est déconseillé aux pouvoirs publics de s’inviter dans la fixation des prix pour des produits non stratégiques. Ce défi est loin aussi d’être relevé dans la filière pomme de terre.

La fixation des prix par les pouvoirs publics pourraient favoriser les producteurs au détriment des consommateurs.

 

Deux ministères, en l’occurrence celui en charge de l’agriculture et celui en charge du commerce ont proclamé dans l’après-midi de ce mardi 9 janvier 2024 le prix au producteur d’un kg de grains de maïs. Celui-ci est fixé à un minimum de 1 700 FBu. Le prix du kg de grains de maïs sec est projeté par après par les deux ministères sur le marché au détail à 2 000 FBu. Cela lors de la revente des quantités stockées par les ministères concernés, par l’Agence Nationale de Gestion du Stock de Sécurité Alimentaire (ANAGESSA) et par les privés détenant des hangars de stockage bien aérés dans les provinces.

La fixation de ce prix dit rémunérateur par le gouvernement a été prise, selon le même gouvernement, dans le but de renforcer non seulement les efforts des agri-éleveurs, mais aussi de rendre ceux-ci plus professionnels et de leur permettre d’avoir de l’argent dans leurs poches.

Sauter du coq-à-l’âne ?

En février 2021, le gouvernement burundais avait fixé le prix d’un kg de maïs sec à 680 FBu. Il se référait au coût de production qui était évalué à 550 FBu par kg. Aujourd’hui, ce coût est estimé à 1553 FBu.

Chantal Nikwibatanga, habitant la zone Kinama au Nord de la capitale économique Bujumbura est pessimiste et voit en cette fixation de prix une probable montée des prix sur le marché. Pour elle, le prix d’un kilo de grains de maïs sec pourra arriver à 2 500 FBu.

L’approvisionnement des stocks des denrées alimentaires est souvent perturbé.

En mars 2021, le gouvernement avait interdit l’importation des grains et de la farine de maïs. La mesure a été levée une année après. Par ailleurs, ce n’est pas seulement le prix du maïs qui a été fixé. En juillet 2021, les prix de la pomme de terre, du riz, du haricot, des oignons rouges, des oignons blancs avaient également été fixés.

Les grains de maïs sec collectés par l’ANAGESSA ont par la suite pourri dans ses stocks. Ce qui a valu au mois d’octobre 2022 la suspension au directeur général de cette agence.

Cependant, en mai 2022, dans une publication de Burundi Eco, Léonidas Ndayizeye, chercheur et enseignant à l’université du Burundi avait signalé qu’il est déconseillé aux pouvoirs publics d’intervenir dans la fixation des prix. Et cela si ces produits ne sont pas stratégiques.

Il faisait référence au libéralisme économique. « Le gouvernement peut fixer et soutenir un prix qui est soit supérieur, soit inférieur à celui qui serait fixé par le marché si l’Etat n’était pas intervenu », explique-t-il avant d’informer que les producteurs pourraient être favorisés au détriment des consommateurs.

Dans les questions orales du mois d’août 2023 à l’hémicycle de Gitega, les sénateurs ont trouvé normal que le gouvernement régule les prix des produits stratégiques. Malgré cela, ils se sont inquiétés de la volonté du gouvernement d’intervenir dans l’harmonisation des prix à l’échelle nationale alors qu’il ne maîtrise pas les facteurs de production. Et de recommander de laisser le marché s’autoréguler pour ne pas décourager les opérateurs économiques sur l’ensemble de la chaine de valeurs.

La pomme de terre n’est pas épargnée

Ce qui se remarque dans la filière riz se voit également dans la filière pomme de terre.

D’après le Plan National Semencier de 2022, deuxième édition, pour parvenir à un monde libéré de la faim d’ici 2030, il y a un besoin d’une augmentation constante de l’ordre de 60% de la production alimentaire, d’aliments à la fois nutritifs et sains et produits d’une façon respectueuse l’environnement. Selon ce document, la voie la plus efficace de tendre vers cet objectif consiste à améliorer la productivité de manière durable.  D’où l’utilisation des semences de qualité.

Le document signale que le processus de traitement des semences porte sur le séchage, le battage, le pré-nettoyage, le nettoyage, le calibrage par taille, le poudrage ou enrobage en cas de besoin, le contrôle de qualité, le conditionnement, l’emballage et l’étiquetage. Et de déplorer : « Au Burundi, rares sont les producteurs et multiplicateurs des semences qui exécutent toutes les étapes de ce processus ».

Dans la filière pomme de terre par exemple, les quantités de semences restent insignifiantes par rapport au tonnage demandé. Par ailleurs, les institutions de recherche produisent les semences de première génération (semences de souche et de pré-base). A leur tour, les multiplicateurs des semences devraient réaliser les étapes suivantes (semences de base et semences certifiées). Au lieu de les mettre sur le marché comme semences, ils les vendent comme des aliments. Ce qui bloque la chaîne de valeur.

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