Site icon Burundi Eco

Quand les chenilles légionnaires d’automne menacent la culture du maïs

Les chenilles légionnaires d’automne ne cessent de ravager les champs de maïs dans la commune Mutimbuzi de la province Bujumbura Rural. Cette situation réduit considérablement la production de maïs de cette région. Les agriculteurs demandent la mise en place d’un produit phytosanitaire capable de les mettre hors d’état de nuire

Dans une visite effectuée par Burundi Eco samedi le 5 janvier 2019 sur la colline Muyange de la commune Mutimbuzi, les cultivateurs de maïs font savoir qu’ils vont abandonner cette culture si rien n’est fait dans l’immédiat pour éradiquer les chenilles légionnaires d’automne qui ravagent du jour au jour les champs de maïs. Ils indiquent que depuis que ces chenilles s’observent dans cette région, la production de maïs a chuté sensiblement. Edouard Nshimirimana, coordinateur de la coopérative «Mworozi kunda Ibidukikije»  rencontré à la colline Muyange fait savoir que sur un hectare et demi, on pouvait récolter 3 tonnes de maïs.

Edouard Nshimirimana, coordinateur de la coopérative «Mworozi kunda ibidukikije» rencontré à la colline Muyange de la commune Mutimbuzi : « Sur un hectare et demi, on pouvait récolter 3 tonnes de maïs. Néanmoins, depuis qu’il s’observe l’invasion des chenilles dans cette localité, on y récolte moins d’une tonne».

La perte est colossale

Néanmoins, depuis qu’il s’observe l’invasion des chenilles légionnaires dans cette localité, on y récolte moins d’une tonne. Il  s’inquiète que cette coopérative a récolté 600 kg de maïs réservés comme semences sélectionnées sur un hectare et demi pendant la saison culturale A en 2018.  Quant aux maïs destinés à la vente, on n’a rien récolté sur cette même superficie. Pour Nshimirimana, la perte est énorme au regard du coût de production. Et de préciser que si rien n’est fait pour en finir avec  cet animal ravageur, tous les agriculteurs de maïs seront obligés d’abandonner cette culture.

Daniel Mazarahisha, directeur provincial de l’agriculture et de l’élevage à Bujumbura rural indique que la production de maïs dans sa localité a régressé à cause des chenilles légionnaires d’automne même s’il ne précise pas à quel niveau. Mazarahisha demande aux agriculteurs d’utiliser les produits phytosanitaires comme le dursban liquide, le dursban granuleux, le sytalm,  et l’orthen pour minimiser les dégâts. Néanmoins, il fait remarquer que ces produits ne sont pas à la portée de toutes les bourses, car ils sont chers. A titre d’exemple, 1 kg d’orthen coûte 27 000 FBu.

Qu’est-ce que la chenille légionnaire d’automne ?

La chenille légionnaire d’automne est un insecte ravageur qui attaque plus de 80 espèces de plantes, causant des dégâts aux céréales d’importance économique telles que le maïs, le riz et le sorgho, mais aussi aux cultures maraîchères et au coton. Elle est aussi signalée sur l’arachide, le coton, les cucurbitacées, l’oignon, la patate douce, le haricot, la tomate et sur les autres solanacées (aubergine, tabac) et sur de nombreuses plantes ornementales. Elle est originaire des régions tropicales et subtropicales des Amériques. Adulte, elle peut se déplacer jusqu’à plus de 100 km par nuit. Elle pond des œufs sur les plantes, qui éclosent sous forme de larves et commencent à attaquer les plantes. De fortes infestations peuvent entraîner d’importantes pertes de rendement. Les agriculteurs américains ont mis de nombreuses années à apprendre à gérer le parasite, mais à un coût exorbitant.

Sa propagation en Afrique

La chenille légionnaire d’automne a été signalée pour la première fois en Afrique centrale et occidentale au début de l’année 2016 (Sao Tomé-et-Principe, Nigeria, Bénin et Togo) puis à la fin de l’année 2016 et en 2017 en Afrique du Sud, en Angola, au Botswana, au Burundi, en Côte d’Ivoire, en Éthiopie, au Ghana, au Kenya, au Malawi, au Mozambique, en Namibie, au Niger, en Ouganda, en République démocratique du Congo, au Rwanda, en Sierra Leone, en Tanzanie, en Zambie et au Zimbabwe. En janvier 2018 , la chenille légionnaire a été détectée et signalée dans presque tous les pays d’Afrique subsaharienne, à l’exception de Djibouti, de l’Erythrée et du Lesotho.

Sa propagation au Burundi

Au Burundi, c’est au mois de février 2016 que des attaques de la chenille légionnaire sur la culture du maïs ont été signalées en premier lieu dans la province de Cibitoke en commune Rugombo. Dès lors, les travaux de caractérisation effectués par l’IITA (International Institute for Tropical Agriculture) et la FAO ont confirmé en décembre 2016 qu’il s’agissait de l’espèce Spodoptera frugiperda. La situation actuelle au niveau du pays est telle que la chenille légionnaire est présente dans toutes les provinces. Les zones les plus touchées se trouvent dans la partie Nord de la plaine occidentale du Burundi. Cette gravité pourrait être liée à la culture du maïs qui, dans ces régions, est pratiquée en continu tout au long de l’année et surtout dans les périmètres irrigués.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour connaître avec précision l’impact à long terme de la chenille légionnaire d’automne sur la production agricole et la sécurité alimentaire en Afrique, il est indéniable qu’elle constitue déjà un risque majeur pour les populations et l’économie des pays affectés.

Pas de solution efficace contre la chenille légionnaire d’automne

Selon Alexis Mpawenimana, chercheur à l’Institut des Sciences Agronomiques du Burundi (ISABU), la chenille légionnaire crée des trous sur la feuille de maïs et par après s’attaque aux épis. Ce chercheur de l’ISABU  a indiqué qu’il n’y a pas de solutions spécifiques pour la chenille légionnaire, mais que les recherches se poursuivent pour trouver des solutions efficaces.

La chenille légionnaire crée des trous sur la feuille verte de maïs et par après s’attaque aux épis

Mpawenimana  indique que le papillon pond sur la face inférieure de la feuille et ; après éclosion de ses œufs, les chenilles légionnaires entrent dans la cornée de la plante en question et commencent à ronger les feuilles encore enroulées qui se développent étant déjà troués.

Comment se développe-t-elle ?

Alexis Mpawenimana indique que  la chenille légionnaire se développe en six stades. Aux 3ème et 4ème stades larvaires, la chenille commence à ronger les feuilles.

Concernant la lutte contre les chenilles légionnaires, Alexis Mpawenimana a indiqué qu’il n’y a pas encore de solutions spécifiques pour faire face à la chenille légionnaire , mais qu’on a commencé par les stratégies de lutte sur d’autres chenilles sans oublier qu’il y a d’autres techniques localement utilisées comme l’épandage de la terre, du cendre, du piment…etc. Il indique que la recherche continue pour trouver des solutions efficaces et efficientes, mais qui ne causent pas de problèmes sur l’environnement et la santé humaine.

Alexis Mpawenimana rassure qu’il y a des mesures préventives prises dans le cadre de la lutte intégrée. A ce niveau, Alexis Mpawenimana propose la rotation des cultures comme solution pour réduire les dégâts.

Un plan d’action national pour le contrôle de la chenille légionnaire d’automne a été élaboré par le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage via la direction de la protection des végétaux. Il dispose de quatre axes prioritaires. Le premier est la coordination et la collaboration .Le deuxième est la communication, la sensibilisation, le renforcement des capacités et la recherche. Le troisième est la gestion ou le contrôle intégré et durable basé sur la surveillance, le dépistage et l’alerte précoce et le quatrième l’évaluation et l’étude de l’impact.

Ce plan indique que la meilleure stratégie de contrôle du ravageur consiste en des efforts communautaires de surveillance et d’alerte précoce pour une intervention rapide et durable orientée vers une lutte intégrée.  Les efforts de lutte contre les chenilles légionnaires jusque-là engagés par les agriculteurs arrivent quelque peu à contenir les attaques du ravageur, mais se révèlent insuffisants voire inefficaces. Ils consistent principalement  au ramassage des chenilles encore parfois trop tard pour les cultures et, sans penser à la destruction des œufs à l’utilisation des produits chimiques inefficaces tels que le Dursban 4 E, le Dimethoate 40EC, Le Delthametrine 2,5EC, l’Acelamectine ainsi qu’à  l’utilisation de produits divers tels que le savon, la terre, le piment, etc. Le manque de maîtrise du cycle biologique du ravageur est préjudiciable à une lutte efficace.

Les actions urgentes pour réduire ses dégâts

Les actions urgentes à mener pour réduire l’impact négatif de la chenille légionnaire sont les campagnes de sensibilisation s’appuyant sur les médias et les sessions de formation, l’élaboration et la diffusion à grande échelle des documents didactiques ( les manuels de formation des formateurs, recherches techniques sur la lutte intégrée dont la composante principale est la surveillance et l’alerte précoce communautaire pour une lutte mécanique axée sur la localisation des œufs et des jeunes chenilles pour les détruire à temps), l’importation et la facilitation d’accès aux produits efficaces et respectueux de l’environnement proposés par les institutions spécialisées.

Le recours aux pesticides devrait être aussi l’option de dernier recours dans le respect de la lutte intégrée pour éviter d’éventuelles intoxications humaines et animales et la pollution de l’environnement. Les produits homologués sont l’orthène 755P, le Cypermetrin 50EC et le Dursban 3G.  A partir de la première semaine suivant la récolte du maïs, les agriculteurs doivent procéder à une surveillance des champs pour une détection précoce des œufs et des jeunes larves pour les tuer.  En cas d’attaque au niveau du cornet, l’application d’une poignée de sable mélangé avec de la cendre de bois ou avec de la latérite peut aider à tuer les chenilles légionnaires.

Les bonnes pratiques culturales peuvent également contribuer à limiter la propagation des chenilles légionnaires. Il s’agit notamment du push-pull, c’est-à-dire l’association du maïs planté en intercalaire avec du desmodium intortum et en bordure du pennisetum qui attirent les papillons femelles et piègent les jeunes chenilles. Et d’ajouter que la destruction des mauvaises herbes graminéennes dans les champs et aux alentours qui risquent de procurer un abri aux chenilles, l’utilisation d’une semence de bonne qualité et une fertilisation équilibrée peuvent améliorer la vigueur des plants et réduire éventuellement les dommages (mélange de 130 kg de DAP, 50 kg de Kcl et 37 kg d’urée par hectare) et le labour profond permet de ramener les chrysalides du ravageur à la surface du sol et de les exposer aux prédateurs.

Quitter la version mobile