Burundi Eco

Quand les sénateurs s’en prennent à la justice

La haute chambre du Parlement accuse le ministère de la Justice d’avoir failli à sa mission. La ministre de la Justice reconnait les erreurs commises au sein du ministère qu’elle dirige où les OPJ et les procureurs de la république emprisonnent pour des affaires civiles au lieu des affaires pénales

Hon.Emmanuel Sinzohagera : « Evoquer l’erreur judiciaire dans la législation, c’est la légaliser ».

Cela a été dit lors de la séance plénière qui a duré plus de 7 heures du mercredi le 24 janvier 2024. Domine Banyankimbona, ministre de la Justice répondait aux questions des sénateurs sur la justice et les droits de l’homme.

Les sénateurs se sont inquiétés que la majorité des prisonniers qui croupissent dans les prisons sont accusés de délits mineurs. Cela au moment où ceux qui sont accusés de délits majeurs sont souvent libres.

Des pertes financières importantes

Pa référence à l’effectif élevé des détenus, les sénateurs constatent que des montants colossaux sont utilisés pour nourrir et prendre en charge les soins de santé des prisonniers alors que ces montants pourraient être affectés dans les projets de développement du pays.

La prison centrale de Mpimba par exemple regorge de plus de quatre mille prisonniers. Si on évalue à 4 000 FBu la ration du prisonnier, soit l’équivalent du coût d’1 kg de riz (350 grammes octroyés à chaque prisonnier par jour) sans tenir compte du coût des haricots, des ingrédients, du charbon de bois… les dépenses annuelles seraient estimées à plus de 3 milliards de FBu.

Honorable Emmanuel Sinzohagera, président du Sénat déclare que cet argent pourrait également être utilisé pour revoir à la hausse les salaires des magistrats ou pour leur encouragement. D’où le mieux serait de désengorger les prisons et de prioriser les travaux d’intérêt général.

Et de déplorer : « L’emprisonnement des personnes pendant les week-end a repris ».

D’après les sénateurs, il existe peut-être ceux qui profitent de la surpopulation carcérale en détournant les vivres ou en les fournissant.

L’erreur judiciaire, un casse-tête

Lors de cette séance plénière, les sénateurs se sont inscrits en faux contre un alinéa du texte d’application du décret présidentiel n°100/14 du 30 avril 2013 portant guide déontologique du magistrat. L’alinéa parle de l’erreur judiciaire.

« La personne c’est la personne et l’erreur est humaine. Mais si vous avez évoqué la question de l’erreur judiciaire dans la législation, cela veut dire que vous l’avez légalisé. La conviction du juge sera l’erreur. Il va donc justifier la violation de la loi comme une erreur », déplore Hon. Sinzohagera.

Mme Banyankimbona explique que la législation explicite bien quand il faut parler de l’erreur judiciaire. Selon elle, la reconnaissance de celle-ci commence par les enquêtes. « Si le juge viole la loi délibérément c’est cela l’erreur judiciaire », précise-t-elle avant de rappeler que les juges mettent en application les décrets votés par le pouvoir législatif, d’où une responsabilité partagée.

Cela n’a pas convaincu les sénateurs, surtout que l’alinéa a été inséré après le travail du pouvoir législatif. Et Hon.Sinzohagera de recommander que celui-ci soit supprimé de la législation, à défaut de quoi le Sénat va proposer lui-même un projet de décret ne contenant pas la notion d’erreur judiciaire.

La ministre Banyankimbona confirme enfin qu’à cause de la nature humaine, des problèmes qu’a traversé le pays, le secteur de la justice mérite d’être réformé. Et de regretter : « Il existe des procureurs dont on dirait que leur mission principale est d’emprisonner les gens ». Ce sont ces derniers, continue-t-elle, qui font souvent objet de « deals », donc d’arrangements avec les justiciables.

Quitter la version mobile