La restructuration des économies locales est devenue un besoin croissant à la suite des crises économiques. La naissance de petites unités de production s’est présenté ainsi comme un des moyens d’arriver à cet objectif. Toutefois, les produits importés ont tellement gagné le marché que l’entreprise locale peine à trouver sa place. Il faudra rendre l’entreprise locale plus compétitive
Ces dernières années, le vent entrepreneurial a soufflé sur la jeunesse burundaise soit, suite à l’incitation du gouvernement qui a d’ailleurs injecté des sommes colossales dans le financement des coopératives, mis en place la banque des jeunes, le PAEEJ…, soit que les jeunes ont compris que l’entrepreneuriat est le seul espoir pour se trouver un emploi. Ainsi, nous avons assisté à la naissance de plusieurs unités de production de jus, d’huile végétale, du lait en poudre, pour ne citer que celles-là. Toutefois, ces produits locaux peinent à concurrencer les produits importés en ce qui est de la qualité, mais surtout du prix.
L’exemple illustratif est celui de l’huile de tourne sol. Dans les boutiques, un bidon de 5l d’huile de tournesol « amahoke » produit localement coûte 52 mille FBu alors que la même quantité de « Everyday », l’huile de tourne sol qui est fabriquée en Egypte coûte 50mille FBu. Pas étonnant que les consommateurs préfèrent celle qui est importée à celle qui est produit localement. Le cas est similaire aussi pour les produits manufacturés comme les chaussures, les habits (le pagne), les produits hygiéniques …
Une industrie à moult défis
Dismas Manirakiza, expert en économie et développement rural indique que la cherté des produits locaux par rapport aux produits importés peut s’expliquer par plusieurs facteurs. D’abord il expose que le problème se situe en amont de la production où les petites entreprises démarrent leurs activités sans avoir songé à la pérennité des sources d’approvisionnement en matières premières. « A titre d’exemple, beaucoup de petites usines de production de jus se sont effondrées dans moins d’une année suite à la pénurie des intrants (fruits) car leurs activités deviennent intenses durant la saison de récolte où il y a l’abondance de la production ».
L’industrie naissante fait face à de nombreux défis Dr Manirakiza cite notamment le système de certification au Burundi qui n’est pas de nature à rendre plus compétitifs nos produits à l’étranger, les petites entreprises qui utilisent généralement des équipements rudimentaires qui ne rassurent pas en termes de qualité et de quantité, mais aussi le problème d’innovation qui fait que les petites entreprises ne savent pas adapter leurs politiques commerciales aux mutations perpétuelles de l’environnement concurrentiel. « Force est de constater que les entreprises foisonnent par « copier-coller ». Ce qui accroit l’intensité de la concurrence locale », ajoute-t-il.
C’est au moment où dans certains pays de provenance des produits qui concurrencent ceux produits localement, les industries obtiennent des subventions à la production ou à l’exportation dans le but de promouvoir leur compétitivité à l’étranger, mais également la volonté de leurs entreprises qui adoptent une stratégie de développement axée sur la domination par le coût et par l’application de la politique d’économie d’échelle ou la maîtrise des charges, surtout compressibles, explique Dr Manirakiza.
Le protectionnisme, une mauvaise idée
La question qui se pose souvent est comment protéger l’entreprise locale alors que celle-ci n’est pas à la hauteur de satisfaire la demande en terme de qualité (pas de technique de contrôle de la qualité), mais surtout de quantité. Ou encore si un pays doit protéger ses industries naissantes pour se développer ? Ou plus encore si la protection de l’industrie naissante pour légitimer le protectionnisme ne remettrait pas en cause la supériorité du libre-échange.
L’économiste répond : « En réalité, la protection des industries naissantes ne favorise pas le développement économique. C’est même le contraire selon la théorie sur la croissance économique. Néanmoins, la réponse ne doit pas pour autant être absolue, car les entrepreneurs montent souvent des projets dans les secteurs où ils possèdent un désavantage initial ».
Il ne suffit pas seulement de financer
Pour que les petites entreprises deviennent compétitives tant au niveau national qu’international, l’expert dit qu’il ne suffit pas de former et soutenir financièrement les jeunes au démarrage de leurs entreprises, encore faut-il mettre en place un dispositif d’encadrement, de coaching et de mentorat pour les entrepreneurs déjà en activité ».
Pas que ça. Il propose : « l’Etat doit poursuivre les efforts d’investissement dans les infrastructures énergétiques, la technologie, le transport et la communication. Pour y parvenir, il convient de relever ces défis en harmonisant les interventions des donateurs et des pays amis en créant un environnement propice dans divers domaines (fiscalité, sécurité, transparence, système de financement, propriété intellectuelle, etc.) »