L’état des lieux de la biodiversité dans notre pays est alarmant. L’écosystème tout comme ses composantes, notamment la faune et la flore sont tous menacés par des actions anthropiques. Léonidas Nzigiyimpa, représentant légal de l’association dénommée Conservation et Communauté de Changement (3C) œuvrant dans la protection de l’environnement donne quelques précisions là-dessus
La problématique de la biodiversité sauvage au Burundi est inquiétante en ce sens que cette dernière est menacée. Et cela s’explique par plusieurs raisons, entre autres la forte explosion démographique. La population burundaise est très élevée, c’est l’une des plus dense d’Afrique. Plus de 90 % de la population burundaise vivent directement des ressources naturelles. La principale source d’énergie est le bois. On l’utilise pour cuire les aliments, construire les maisons, etc. Pour ce faire, le taux de déforestation est très élevé de même que le taux de dégradation des ressources biologiques. Le reste des forêts naturelles se trouve dans des aires protégées. Actuellement, le Burundi compte autour de 14 aires protégées. Ces dernières sont elles aussi très menacées par les actions anthropiques des populations riveraines en quête de terres relativement fertiles, de plantes médicinales et d’autres ressources. Ces espaces sont pour la plupart en voie de disparition de même que les galeries forestières installées le long des cours d’eau.
Bien que les forêts soient indispensables pour l’environnement, elles sont de plus en plus menacées. Même les aires protégées nécessitent une vigilance particulière.
L’Etat garde le monopole dans la gestion des aires protégées
« Les aires protégées sont gérées par l’Etat par le biais de l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement (OBPE). Mais cet office dispose de moyens financiers limités. Il n’est pas appuyé par des partenaires nationaux ou internationaux pour qu’il soit beaucoup plus outillé et opérationnel en vue de drainer suffisamment de ressources humaines en quantité comme en qualité », indique M. Nzigiyimpa. Par exemple, poursuit-il, les écogardes sur terrain ne sont pas suffisamment équipés en moyens de locomotion, en logistique, en uniformes, etc. pour mieux travailler la nuit comme le jour.
A l’instar de l’insuffisance des moyens financiers, il y a aussi un autre défi majeur. Les populations locales ne sont pas impliquées dans la gestion des aires protégées alors qu’ils doivent jouer un rôle important dans ce domaine. Les gardes forestiers ne peuvent pas couvrir tout l’espace, mais si la population locale est impliquée suffisamment, il sera l’œil et l’oreille de l’OBPE à travers les comités de gestion. La biodiversité et les aires protégées devraient être gérées de manière qu’elles apportent du profit à la communauté locale. Il faut que ces écosystèmes soient des moteurs du développement local.
Pour illustrer cela, le parc national de la Kibira est perché sur la crête Congo Nil. C’est un château d’eau très important. Beaucoup de cours d’eau y tirent leurs sources, notamment les rivières Mpanda, Gitenge et Kaburantwa. Jusqu’à présent, des centrales hydro-électriques sont érigées à l’intérieur du parc (Rwegura). C’est un apport important sur le plan économique. C’est la même chose pour la théiculture pratiquée autour de la Kibira. On y trouve de grandes sociétés théicoles très importantes pour la vie nationale : Rwegura, Teza et Buhoro. Ce secteur est considéré comme la deuxième source de devises pour le pays. Si on a de bonnes plantations et de bonnes récoltes, c’est grâce au microclimat offert par ce parc. C’est un havre écosystémique à qui on n’a pas donné beaucoup de valeur. S’il advenait que cette aire protégée disparaisse, on assisterait au tarissement de ces cours d’eau avec des conséquences économiques catastrophiques. C’est un château d’eau très important qu’il faut préserver coûte que coûte. Beaucoup d’effort devraient être consentis pour que cet écosystème soit jalousement protégé.
Différentes espèces sont en voie de disparition
Dans l’écosystème burundais, pas mal d’espèces ont disparu. Parmi les ‘’big five’’ ou les grands mammifères (éléphant, lion, buffle, girafe, rhinocéros), il ne reste que le buffle. Mais, il y a la possibilité de les réintroduire, car on a encore des espaces pour le faire. Par exemple, le parc national de la Ruvubu est un milieu propice à l’épanouissement de ces espèces.
A part ces espèces déjà disparues, il y a d’autres qui sont très menacées, notamment les hippopotames et les crocodiles sans oublier des primates. Le chimpanzé est le seul primate qui reste. Il se trouve dans le parc national de la Kibira : c’est un petit groupe d’environ 300 individus. Il y a également une cinquantaine de chimpanzés dans la réserve de Bururi, une trentaine dans la réserve de Vyanda et une vingtaine dans les montagnes de Rukambasi (Makamba).
Les hippopotames font partie des espèces menacées par des actions anthropiques. Les zones tempo ont été envahies par des constructions.
Quid des hippopotames?
Les hippopotames sont des herbivores qui passent la journée dans l’eau pour sortir à la tombée de la nuit à la quête du pâturage dans les zones tempo. Malheureusement, cette zone est envahie par des constructions. On y trouve des infrastructures qui y sont érigées illégalement. A la suite de ces pertes d’habitat ou de pâturages pour ces animaux, ces derniers s’en prennent facilement aux hommes ; d’où le nœud du problème. Ces deux groupes s’agressent mutuellement (conflit homme-faune).
Selon M. Nzigiyimpa, l’OBPE doit prendre le devant dans la protection de l’environnement. Les aires protégées devraient être dotées de budgets adéquats pour la préservation de ces écosystèmes. Les ressources humaines devraient être affectées aux différents sites. Dans la gestion des écosystèmes, il est strictement important d’identifier les valeurs et les éléments clés dont regorgent les sites et les aires protégées. On ne peut pas protéger ce qu’on ne connait pas. Ce sont des valeurs qu’on a dans les aires protégées et sur lesquels on doit mettre un accent particulier.
Léonidas Nzigiyimpa, écologiste et lauréat du prix Wangari Maathai : « Le Burundi compte autour de 14 aires protégées, malheureusement, elles sont très menacées par des actions anthropiques ».
Promouvoir l’écotourisme à tout prix
L’écotourisme est une forme de tourisme qui implique les communautés afin que chaque partie puisse tirer son épingle du jeu. Il y a des sites qui sont plus importants que les autres en matière de promotion de l’écotourisme. « En partenariat avec l’OBPE, nous sommes en train de travailler sur un projet de promotion de l’écotourisme communautaire dans les monuments de l’Est (Rutana). Ce sont les sites les plus visitées dans notre pays », précise M. Nzigiyimpa.
Il ajoute qu’au niveau des chutes de Karera et des failles de Nyakazu, on est en train d’ériger des infrastructures de base, des postes d’accueil et des garde-fous, car il faut une protection pour permettre aux visiteurs de se réjouir et d’éviter des accidents. « Mais le plus important c’est que nous avons impliqué les communautés dans l’accueil et le guidage des visiteurs », renchérit-il.
Pour lui, la promotion du tourisme est une affaire de tout le monde. C’est un secteur qui implique plusieurs acteurs. Il faut que le transport soit bien organisé. Que les restaurants et les hôtels soient à la hauteur des attentes avec des services impeccables et offrent des services et des produits de qualité. Il faut aménager des pistes d’accès (les routes). Il faut par ailleurs renforcer les capacités des agents en charge du tourisme pour qu’ils maîtrisent leur travail et qu’ils soient suffisamment formés. Ces agents doivent faire preuve de bonnes manières pour accueillir les visiteurs. En plus de cela, la communication et la visibilité des valeurs burundaises sont à un niveau très bas. Pour promouvoir l’écotourisme, la donne doit être changée. Il faut organiser beaucoup de séances de communication et miser sur les publicités dans les médias et les affiches pour faire connaître la richesse du Burundi en matière touristique. Une fois promu, l’écotourisme fera partie des secteurs les plus importants qui contribuent à l’amélioration des conditions de vie de la population burundaise.