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Rapport annuel sur le secteur des Assurances 2020 : Un bilan mitigé

L’Agence de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA) a publié en novembre dernier un  rapport annuel sur le secteur des assurances pour l’exercice 2020. Ce rapport relate l’état des lieux du secteur des assurances à la fin de la fin de l’exercice 2020 avec un regard rétrospectif sur les quatre années précédentes. Une occasion de rebondir sur les avancées et les défis qui prévalent dans ce secteur    

A la fin de l’année 2020, le secteur des assurances compte 15 entreprises d’assurance agréées. Parmi celles-ci, 9 sociétés sont  d’assurances Non Vie, 5 sociétés d’assurances Vie, une société composite et aucune compagnie de réassurance. Le secteur compte également 31 sociétés de courtage  au 31 décembre 2020, 403 mandataires non salariés et 19 agents généraux.

Jean Paul Roux, consultant international en assurance : « Si on ne revoit pas la base tarifaire en responsabilité civile automobile, nous sommes dans un déficit de 4,5 milliards de FBu par an ».

Un secteur jouissant d’une performance financière

Le rapport montre une performance  financière très soutenue. Le chiffre d’affaires global du marché des assurances a sensiblement augmenté  passant de 54,3 milliards de FBu en 2019 à 62,1 milliards de FBu en 2020, soit une croissance annuelle moyenne de 13.9%. Sur ces 62,1 milliards de FBu, 34,9 milliards de FBu sont de la catégorie Non Vie. Toutefois, la vitesse de l’augmentation de la production n’est pas observée de la même façon  au sein des assurances  Vie et celles Non Vie. Le rythme de croissance annuelle moyen est de 22,6% pour la branche Vie contre 8,9% pour la branche Non Vie sur la période de 2016 à 2020. Cette croissance accélérée des activités  Vie est expliquée par la production  au sein  des contrats en cas de décès et des contrats d’épargne.

Le taux de pénétration a également suivi le cours. Il est passé de 0,77% en 2016 à 0,93% en 2020, mais aussi la densité de l’assurance (c’est-à-dire la production d’assurance rapportée à la population totale. C’est un indicateur de la dépense annuelle moyenne par tête en produits d’assurance) a continué à augmenter en passant de 3652 FBu en 2016 à 5049 FBu en 2020.

La croissance accélérée de la branche Vie

« Avec la progression de l’assurance vie, on peut imaginer que la branche Vie va dépasser la branche Non Vie. Selon ses estimations, la branche Vie dépassera la branche Non Vie en 2024 », explique Jean Paul Roux, consultant international en assurance. Et, pour le consultant Roux, cela ressort une réalité : la branche Non Vie ne se développe pas comme il se doit dans les autres branches que l’automobile. Pourtant, cette branche est portée par deux sous branches : l’automobile et la santé. Or, ce sont deux branches déficitaires. Les dépenses (c’est-à-dire les sinistres, les frais de gestion et les commissions) par rapport aux primes encaissées sont à des taux hallucinants. « Les primes sont insuffisantes. Si on ne revoit pas la base tarifaire en responsabilité civile automobile, nous sommes dans un déficit de 4,5 milliards de FBu par an », indique M. Roux.

Il faut revoir la base tarifaire de la RC automobile

Le consultant explique que ce déficit est expliqué par le taux de sinistralité «Il y a une évolution de la sinistralité», indique-t-il. Les pouvoirs publics et les assurés se plaignent que les compagnies d’assurance ne règlent pas rapidement ou évitent de régler les sinistres. C’est d’ailleurs une des plaintes qui ont été adressées au chef de l’Etat par un citoyen lors de l’émission publique du  29 décembre 2021.  « C’est parce que le déficit est là. Il faut revoir entièrement  la base tarifaire de la Responsabilité Civile (RC) automobile » ajoute-t-il. Une affirmation qui est soutenue par Tatien Sibomana, secrétaire exécutif permanent d’Assur. Si on s’en tient uniquement aux  primes cotisées en assurance RC automobile, les assureurs ne seraient plus à mesure de faire face à leurs engagements de payer les sinistres tant que les primes seront ce qu’elles sont aujourd’hui, disait le secrétaire exécutif permanent de l’Assur dans un entretien qu’il a accordé jadis à Burundi Eco en octobre 2020.

L’ARCA disait que revoir à la hausse la prime payée dans la RC automobile doit être dicté par les résultats d’une étude actuarielle. «Que les assureurs commanditent une étude qui montre qu’ils travaillent à perte. L’ARCA plaidera en leur faveur jusqu’aux instances supérieures», indique le secrétaire général a.i de l’ARCA à l’époque de l’entretien avec le secrétaire exécutif permanent de l’Assur.  Encore, M.  Roux explique qu’il faut revoir la base tarifaire en fonction de la valeur et de la puissance du véhicule, de la zone géographique (en fonction de la cartographie de sinistralité), de l’usage (usage  affaires ou usage Promenade et trajet) et du genre  (les femmes sont  en général plus prudentes que les hommes  et cela se traduit dans la sinistralité).

Un résultat mitigé par rapport aux recommandations des « Etats généraux des assurances »

Concernant les avancées par rapport aux recommandations des états généraux des Assurances, Jean Paul Roux parle d’un résultat mitigé. Il y a des avancées au niveau des réformes, surtout dans la nouvelle réglementation sur la Bancassurance, le constat amiable pour le dommage matériel et dans le registre du paiement des indemnités en cas de dommages corporels. « Mais au point de vue stratégique, dans une démarche clients, je pense que la population burundaise n’est pas suffisamment sollicitée et  conseillée en matière d’assurance. Il convient que les compagnies d’assurances soient plus performantes en Marketing notamment», fait-il savoir.

On dit que les Burundais n’ont pas la culture d’assurance. Pourtant, Roux trouve que le  public (ARCA) et le privé (Assureurs) ont le devoir d’éduquer, de promouvoir  et de travailler auprès de cette population. Quant aux compagnies d’assurance, il les exhorte à investir davantage dans les réseaux de distributions pour promouvoir la proximité avec les clients et dans le recrutement  des agents mandataires (le secteur ne compte que 324 dont 19 agents généraux au moment où le pays comme la Tunisie compte 1032 Agents Généraux et 100 producteurs Vie  pour une population de 11 millions  d’habitants). Les compagnies d’assurance doivent sérieusement investir dans la formation continue pour l’ensemble de leur personnel et innover en apportant de nouveaux produits pour tout le monde. « On ne peut pas laisser de côté la population la plus fragilisée. La microassurance pour ces populations est un levier à développer au Burundi. On doit les aider à avoir accès aux produits d’assurance », a dit M. Roux avant d’ajouter que le secteur a des potentialités  avec des  défis à relever dans l’innovation des offres d’assurances et le digital.

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