La Banque centrale veut promouvoir la croissance économique à travers le financement des investissements productifs et des secteurs porteurs de croissance. Cela via les banques commerciales et les institutions de microfinance. Elle va mettre en place un système de refinancement qui permettra aux banques et aux institutions de microfinance de se refinancer à un taux incitatif et très bas auprès de celle-ci. Ces dernières vont à leur tour financer les secteurs productifs avec des taux accessibles aux opérateurs économiques
Jean Ciza, gouverneur de la BRB : « Avec la libéralisation de l’économie en 1984, les secteurs primaire et secondaire ont été délaissés au profit du commerce général ».
Huit nouvelles mesures ont été annoncées par la Banque de la République du Burundi (BRB) afin de redynamiser les secteurs productifs et ceux porteurs de croissance. La Banque centrale explique que ceux-ci sont le secteur primaire (agriculture et élevage) et le secteur secondaire (tout ce qui est transformation).
La première consiste à adapter la politique de refinancement. Cela afin d’inciter les banques commerciales à financer les investissements dans les secteurs prioritaires et porteurs de croissance en mettant en place des mécanismes de refinancement à des taux préférentiels.
La deuxième mesure vise à introduire dans le cadre du refinancement et en plus des échéances (maturités) déjà existantes de 7 et 28 jours de nouvelles échéances relativement longues portant sur une période allant de 6 à 12 mois suivant les conditions que la BRB fixera à cet effet.
La troisième mesure porte sur l’accompagnement des établissements de crédit dans le suivi des financements accordés dans les secteurs jugés prioritaires pour soutenir la croissance économique.
La quatrième mesure concerne l’introduction des conventions bilatérales avec des établissements de crédit qui seront jugés efficaces par rapport à cette nouvelle orientation, à l’analyse discrétionnaire de la Banque centrale.
La cinquième mesure consiste à accompagner les établissements de crédit qui s’engageront dans la négociation du partenariat avec les institutions financières étrangères dans le financement des investissements dans les secteurs porteurs de croissance.
La sixième mesure porte sur l’accompagnement des établissements de crédit dans la mise en place d’un fonds de garantie et de refinancement des crédits externes à la BRB qui servira à couvrir les pertes encourues par les banques qui auront financé les secteurs porteurs de croissance, conformément aux règles édictées par la Banque centrale dans cette perspective.
La septième mesure concerne la redynamisation des accords-cadres et des conventions-cadres entre la BRB et les banques commerciales pour financer les secteurs productifs et les investissements à moyen et long terme.
Quant à la huitième mesure, elle est relative à la fixation du taux d’usure en application de la loi régissant les secteurs bancaire et de microfinance.
Parts des secteurs dans la formation du PIB (en pourcentage)
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
|
Secteur primaire |
35,4 |
38,4 |
35 |
35,2 |
35,4 |
36,2 |
36,3 |
Secteur secondaire |
15,8 |
15,6 |
15,5 |
15,4 |
15,9 |
15 |
15 |
Secteur tertiaire |
38,8 |
36 |
39,1 |
40,2 |
40,1 |
39,1 |
39 |
Impôts et taxes |
10 |
10 |
10,4 |
9,2 |
8,6 |
9,7 |
9,7 |
PIB |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Tableau montrant les parts des secteurs primaire, secondaire et tertiaire dans la formation du PIB (en pourcentages)
Les délaissés des institutions financières
Selon Jean Ciza, gouverneur de la BRB, l’institution qu’il dirige a analysé la situation économique des dernières années et a constaté qu’il existe des secteurs qui ne sont pas éligibles au financement. Pourtant, ce sont ces secteurs (le secteur primaire et le secteur secondaire) qui peuvent booster la croissance économique, fait-t-il remarquer.
M. Ciza indique que depuis 1980 jusqu’en 1984, les secteurs primaire et secondaire étaient des secteurs porteurs de croissance. « Avec la libéralisation de l’économie en 1984, ces secteurs ont été délaissés au profit du commerce général. L’Etat qui les appuyait énergiquement s’est désengagé suite aux recommandations des bailleurs de fonds », déplore-t-il.
Par ailleurs, affirme M.Ciza, les banques ont orienté beaucoup plus leurs financements dans le secteur commercial (tertiaire). La cause étant que ces banques disposant des ressources à court terme ne pouvaient pas les transformer en emplois à long et moyen terme.
De plus, ajoute-t-il, certains secteurs comme le secteur primaire sont risqués (agriculture et élevage), car exposés à des aléas climatiques.
« Les opérateurs économiques ont également peu investi dans le secteur primaire, parce que le coût du crédit est élevé avec un taux moyen d’intérêt allant de 16 à 24 % », fait savoir M.Ciza.
Menaces des secteurs porteurs de croissance
M. Ciza confirme que le financement des secteurs porteurs de croissance fait face à de nombreux défis. Il cite notamment le manque de ressources longues pour les établissements de crédit afin de financer les investissements productifs, le coût élevé du crédit qui dissuade les opérateurs potentiels et ceux impliqués dans les secteurs porteurs de croissance.
« La réticence pour les établissements de crédit à financer certains secteurs potentiellement porteurs de croissance, en raison de la perception du risque y associé et le taux de refinancement relativement élevé pour les institutions de microfinance qui se refinancent auprès des établissements de crédit constituent un défi pour financer ces secteurs », rappelle M. Ciza.
Et de poursuivre : « Sans oublier le manque de garanties solides pour la plupart des clients des institutions des microfinance et des banques commerciales afin de couvrir leurs crédits ainsi que le manque de réserves de change suffisantes pour le financement des secteurs productifs ».
Comment se présente le contexte macro-économique ?
D’après le document de la BRB intitulé « contexte macroéconomique et politique monétaire actuelle au Burundi », il y a eu la rupture du train de la croissance économique depuis 2015 et un impact significatif du choc de cette année sur le secteur primaire et le secteur secondaire.
Toutefois, le document notifie un redressement progressif de l’économie.
Pour ce qui est de la structure de l’économie, le document signale la prédominance des activités de subsistance (agropastorales) et un faible degré d’industrialisation.
Le document souligne aussi le faible degré de modernisation de l’économie qui se traduit par un taux de croissance en dessous du potentiel et un chômage structurel en évolution croissante.
L’économie enregistre une forte dépendance aux biens et services produits à l’étranger.
D’après toujours ce document, la production intérieure reste insuffisante pour couvrir la dépense intérieure. Le gap traduit la dépendance à la production extérieure et donc un impact direct sur les réserves de change pour couvrir les importations. Les dépenses intérieures sont dominées par la consommation.
Le document précise enfin qu’il existe un fléchissement de l’investissement public entre 2015 et 2017 par rapport à la période antérieure.
Les nouvelles mesures ont été annoncées le 8 novembre 2018. C’était lors d’une réunion organisée par la BRB avec les responsables du secteur bancaire sur les contours de la politique monétaire et la croissance économique. Cela en vue d’élaborer, au sein de la Banque centrale, de nouvelles orientations compatibles avec les impératifs de la stabilité des prix et du système financier d’une part et avec la mise en œuvre des politiques propices au développement harmonieux de l’économie nationale d’autre part.