Le rapatriement des devises générées par les minerais a diminué de moitié depuis 2017. L’administration estime la situation alarmante et recommande la régularisation de la situation dans les meilleurs délais. Les sociétés et comptoirs du secteur minier crient à la perte suite à la mesure de suspension de leurs activités afin de les rappeler à l’ordre
«La situation du rapatriement des devises en provenance de l’exportation de l’or est alarmante. Plus de 83 % des recettes en devises pour l’or exporté ne sont pas rapatriés. Pour quelles mauvaises raisons ? On ne sait pas encore. A cela s’ajoutent les discordances observées entre les données de l’Office Burundais des Recettes (OBR), de la Banque de la République du Burundi (BRB) et de l’Office Burundais des Mines (OBM), liées, dit-on, aux différences constatées dans les déclarations des valeurs au niveau de ces trois institutions », déclare Joseph Butore, Deuxième Vice-Président de la République du Burundi.
De plus, fait-il remarquer, les statistiques de la BRB montrent d’une manière générale que le Burundi comptait collecter de la vente des minerais 44.957.519 USD rapatriés pour l’exercice 2017, mais n’a reçu que 15. 957. 288 USD. Pour l’exercice 2018 jusqu’au mois de septembre, on a reçu que 13.164.172, 62 USD alors qu’on espérait rapatrier 33.474.813 USD.
« Cette situation ne peut ne pas nous inquiéter. Il est plus que temps d’appliquer strictement et rigoureusement la réglementation en la matière », signale M. Butore. C’était lors de la rencontre avec les représentants des comptoirs et sociétés d’achat ou d’exploitation et d’exportation des minerais, mardi le 9 octobre 2018.
Selon M. Butore, la rencontre faisait suite aux recommandations issues de la session extraordinaire du Conseil National de Sécurité (CNS) du 26 septembre 2018. Le CNS a émis un rappel à l’ordre et à l’application de la loi. Pour ce faire, il a imposé une suspension de toute activité pendant un mois.
Des chiffres démonstratifs
Selon une étude intitulée Etat des lieux de l’exportation des minerais faite par l’OBM et présentée le 9 octobre, la valeur des devises à rapatrier est de 45. 630.403, 27 USD, soit 59, 86 %. Cette somme équivaut à environ 79 milliards 853 millions 205 mille 722, 5 FBu au taux officiel. La quantité totale des minerais exportés est de 2.001.345, 26 kg. La valeur des minerais exportés est de 76.225.831, 61 USD. Celle rapatriée est de 30.595.428, 34 USD.
Par référence à cette étude, la quantité de l’or exportée est de 1. 490, 06 kg. La valeur à l’exportation est de 55.087.548,12 USD. La valeur rapatriée est de 9. 736.714,74 USD tandis que celle à rapatrier est de 45.350.833, 38, soit 82, 33 %.
Pour les minerais de 3 Ts (Cassitérite, Colombo-Tantalite et Wolframite), la quantité exportée est de 1.248.885, 70 kg. La valeur à l’exportation est de 19.396.455, 64 USD. La valeur rapatriée est de 19.302.420, 56 USD. Celle à rapatrier est de 94.035, 08, soit 0, 48 %.
Quant aux terres rares, la quantité exportée est de 750.969, 50 kg. La valeur à l’exportation est de 1.741.827, 85 USD. La valeur rapatriée est de 1.556.293, 04 USD au moment où celle à rapatrier est de 185.534, 81, soit 10, 65 %.
Sociétés et comptoirs déstabilisés
Les orpailleurs, premiers pointés du doigt dans le non rapatriement des devises accusent la BRB d’être le responsable de cette situation. Un d’eux, D.I. indique que les sociétés d’achat ou d’exploitation de l’or et les comptoirs logeaient leurs devises dans les banques commerciales. « A ce moment, on payait 0, 2 % comme frais de commission de retrait. Par après, tout cela a changé et les sociétés et les comptoirs du secteur ont été sommés de loger les devises à la Banque centrale. Les frais de commission de retrait sont passés de 0, 2 % à 0, 45 %. Ce qui occasionnait des pertes pour ces sociétés et comptoirs », souligne D.I.
La BRB précise plutôt que ces accusations sont fausses. Elle annonce par ailleurs que les frais de commission de retrait étaient de 1 %. « Ils s’élèvent pour le moment à 0, 45 %. La taxe ad valorem (taxe dont le montant est basé sur la valeur d’une transaction ou d’un bien. Il est généralement imposé au moment d’une transaction, comme dans le cas d’une taxe de vente ou d’une taxe sur la valeur ajoutée) également est passé de 2 % à 0, 7 % », martèle un agent de la BRB avant de s’inquiéter que même s’il y aurait des frais qui agacent, cela n’expliquerait pas la non conformité à la loi ou le non rapatriement des devises depuis 2017.
Les sociétés exploitant les minerais des 3 Ts plaident que la mesure de suspension des coopératives pendant un mois soit levée. Elles affirment qu’elles avaient contracté des crédits pour ces coopératives. « Alors que celles-ci ne sont pas en train d’exercer leurs activités, le taux d’intérêt continue à être appliqué sur les crédits », se désolent ces sociétés.
La société exploitant les terres rares se dit aussi déstabilisée par la mesure de suspension des coopératives opérant dans le secteur minier. Elle informe que les investisseurs se sont demandé ce qui se passe. Ce qui a fait chuter le coût de l’action de l’entreprise. Cette chute impactera, selon la représentation de la société, les 400 salariés qui avaient contracté des crédits dans des coopératives.
Pour la demande de la reprise des activités dans le secteur minier le plus tôt possible, Dr Joseph Butore a promis de plaider pour les sociétés et les comptoirs. Il suffit de s’acquitter des redevances.