Celui qui aurait emprunté la chaussée Prince Louis Rwagosore (tronçon centre-ville jusqu’à l’INSS) a vu un bâtiment complètement rénové en bleu-blanc. Vous avez certainement entendu les passagers à bord des bus dire au chauffeur de les déposer à la ZEP. Comme si c’était leur destination. En réalité, il n’en est rien. A quoi sert ce bâtiment ? Quel est le prétexte de sa mise en place ? Pour quelle finalité? Burundi Eco est allé chercher des réponses
Vers 10h du matin, lundi 25 le novembre 2019, notre reporter débarque du véhicule de type « Probox » qui déplace habituellement les journalistes de Burundi Eco quand ils font le terrain. Nous arrivons au portail grillagé situé en face de la librairie Saint-Paul. Il est fermé. Un agent de sécurité s’approche pour demander le motif de notre visite. Nous déclinons notre identité espérant qu’il va ouvrir le portail pour nous laisser entrer, mais en vain. Elle nous propose de contourner la clôture pour entrer par la façade arrière de l’immeuble (côté INSS).
En faisant le détour, l’absence de mouvement guette notre attention. A l’intérieur du bâtiment, rien ne bouge. Pas de véhicule dans la cour intérieure. Les rideaux sont baissés. Toutes les fenêtres sont fermées. Nous entrons par la porte de derrière. Une femme apparemment en charge de la salubrité arrache les mauvaises herbes. Un bonjour aura suffi et puis nous continuons notre chemin jusqu’aux escaliers qui mènent vers la porte principale. Après avoir toqué, nous entrons dans l’enceinte du bâtiment. A notre grande surprise, il n’y a personne à la réception. On s’assoit tranquillement dans la salle d’attente, un calme absolu y règne. Aucun mouvement, du coup un claquement de porte. Nous retenons notre souffle alors que c’est l’agent de sécurité qui vient nous annoncer que le réceptionniste est sorti et donc qu’il faudra attendre à l’extérieur. Nous exécutons sans aucune résistance.
Après une dizaine de minutes d’attente, un klaxon et un ronronnement de moteur se font attendre. L’agent de sécurité ouvre le portail et la voiture entre. Nous retournons dans la salle d’attente. Nous nous présentons au réceptionniste et nous lui annonçons le motif de notre visite. Entretemps, il reçoit un appel qui lui demande de rejoindre le bureau situé de l’autre côté. Si vous avez besoin des informations, vous devez rédiger une correspondance qui explique les moindres détails le plan de votre article, retorque-t-il. Avant de partir, il me présente une brochure sur la genèse de l’institution pour une exploitation éventuelle. Nous insistons pour prendre une photo de la partie interne du bâtiment. Celui-ci refuse arguant qu’il faut avoir une autorisation pour effectuer un reportage sur l’institution.
Genèse de la ZEP
La Zone d’Echanges Préférentiels des Etats de l’Afrique orientale et australe (ZEP) a été créée en 1981. C’était dans le cadre du Plan d’action de Lagos et de l’Acte final adoptés par l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), l’actuelle Union Africaine. La ZEP a été transformée en COMESA en 1994. Elle avait été mise en place dans le but de tirer parti d’un marché plus vaste, de partager l’héritage et le destin communs de la région ainsi que de permettre la coopération sociale et économique. En 1985 fut créée la banque de la ZEP.
Parmi les principaux objectifs de la banque de la ZEP figure notamment la promotion et le développement des infrastructures, des exportations et des entreprises dans les Etats membres. Elle vise également à accélérer le développement et l’approfondissement des marchés financiers et des capitaux dans les Etats membres.
Transition de PTA Bank à la Trade and Development Bank
En 2017, la Preferential Trade Area Bank (PTA Bank) ou Banque de la ZEP change de dénomination et devient la Banque de commerce et de développement d’Afrique Orientale et Australe. C’était dans le but d’attirer plus d’investissements. Elle devient donc une institution financière multilatérale de développement fondée sur des traités, dont les actifs dépassèrent 5,6 milliards USD.
La Banque de commerce et de développement (TDB) a pour mandat de financer et de favoriser le commerce, le développement économique et l’intégration économique régionale grâce au financement du commerce, des projets et des infrastructures, à la gestion des fonds et aux services de conseil aux entreprises. Le siège social de la TDB est situé à la fois au Burundi et en Ile Maurice avec des bureaux régionaux au Kenya, au Zimbabwe et en Ethiopie.
Qui finance la TDB ?
La TDB est l’institution du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA). Son actionnariat est ouvert aux Etats membres du COMESA et aux pays non membres du COMESA. La Banque compte parmi ses membres 22 Etats membres majoritairement issus du COMESA, de la CAE et de la SADC, deux membres non régionaux, à savoir la Biélorussie et la Chine. 13 actionnaires institutionnels participent à son capital.
Ces derniers comprennent entre autres : la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), la Banco Nacional de Investimento (Mozambique), les sociétés d’assurance et de réassurance, les institutions de protection sociale ainsi que le Fonds de l’Organisation des Pays Producteurs de Pétrole (OPEP) pour le Développement International (OFID).
Quid des réalisations de la banque de la ZEP ?
En juin 2004, les chefs d’Etat des pays membres du COMESA avaient recommandé le retour du siège de la ZEP à Bujumbura. Douze ans plus tard (2016), le gouvernement du Burundi signe un accord avec les représentants de la Banque de la ZEP pour la mise en application effective de cette recommandation. La banque de la ZEP a déménagé son siège à Nairobi suite à la crise politique qui a secoué le Burundi depuis 1993. Les cadres de cette institution craignaient pour leur sécurité.
La présence de la Banque de la ZEP au Burundi n’a pas été sans effet. L’une des grandes réalisations de la Banque a été le financement du projet « Burundi Backbone System (BBS) ». On parle d’un budget à crédit qui oscille autour de 13 millions USD pour l’installation du réseau de fibre optique à l’échelle nationale. La banque est intervenue également dans la construction de certaines sociétés implantées au Burundi notamment l’usine de thé de Mwaro (Prothem) ainsi que la rénovation et/ou la construction des infrastructures de tourisme tels que les hôtels.
Sur le continent et dans la sous-région, la TDB a appuyé le développement du tissu industriel en construisant des sucreries et des usines de transformation agroalimentaire, la promotion du transport aérien ainsi que la construction des routes. Nous citerons à titre illustratif, la société Tanganda Tea Company au Zimbabwe, la cimenterie Zambezi Portland Cement en Zambie ou encore la centrale hydroélectrique érigée par Hydromax Ltd en Ouganda.
Vous aurez compris que la banque de la ZEP n’existe plus. Elle a été remplacée par la Banque de commerce et de développement. Celle-ci n’est pas une banque commerciale dans laquelle on peut avoir un compte courant. C’est plutôt une institution financière des Etats membres du COMESA qui finance des projets de grande envergure telle que la construction des infrastructures socio-économiques via les crédits à long terme. Ses grands domaines d’intervention sont notamment : le transport et la logistique, le secteur financier, l’énergie, l’éducation, les télécoms, les mines, l’industrialisation, etc. Nous reviendrons sur le sujet pour expliquer de façon détaillée le fonctionnement de cette banque, surtout comment accéder à ses financements (critères d’éligibilité).