La forêt a une valeur inestimable pour la planète terre et, partant, pour l’humanité. Pourtant, certaines entreprises cupides continuent à décimer les forêts avec la bénédiction des responsables corrompus. Le bois précieux très recherché pour ses nombreuses vertus continue à faire l’objet d’un trafic illégal au niveau international au vu et au su de tout le monde. Attendons-nous d’avoir coupé le dernier arbre pour se mettre à pleurnicher sur notre sort ?
Récemment, on vient d’apprendre avec étonnement que le bois du Congo transite au port de Rumonge avant d’être acheminé vers les pays asiatiques. Des centaines et des centaines de tonnes en provenance de l’Est de la RDC passent par le Burundi avant d’être exportées. En plus, ce trafic n’est en rien profitable au Burundi parce que le pays ne perçoit pas de taxes, la marchandise étant seulement en transit. Il parait (une information qu’il faut prendre avec des pincettes) qu’il embarque à partir de l’aéroport international de Bujumbura pour rejoindre le continent asiatique.
Ce fait qu’on pourrait qualifier de divers nous rappelle le trafic certes illicite, mais très lucratif de bois précieux auquel fait face l’Afrique. Sûrement que, dans une moindre mesure, le Burundi aussi n’est pas épargné. Le bois de la Kibira est très apprécié au niveau local même si aucune information en notre possession n’indique que ce bois est exporté. Certaines données indiquent qu’actuellement les forêts naturelles ne couvrent plus que 6,6% du territoire burundais contre 30 à 50% dans le passé.
Qu’est-ce que le bois précieux et à quoi sert-il ?
Les bois précieux également appelés bois d’ébénisterie sont des bois des régions tempérées ou tropicales utilisés en ébénisterie, en marqueterie, en sculpture sous forme de bois massif, de feuillets ou de bois de placage. Ils sont dits ‘’précieux’’ en référence à leurs propriétés, leur rareté et leur prix. On les distingue généralement des bois plus courants tels que le frêne, le sapin, le pin, le cèdre rouge (bois rouges) et des bois rouges tropicaux dits exotiques. Ici on peut citer le bois de rose, le kevazingo, etc. Les pays qui ont des forêts étendues ont plusieurs types de bois précieux. Le Gabon, le Madagascar, la RDC, etc., sont connus pour être de bons réservoirs de bois précieux. Ici chez nous, dans les menuiseries locales, le bois de Tanzanie ou le bois du Zaïre (actuelle RDC) sont très prisés. Il parait que les meubles fabriqués à partir de ces bois sont de très bonne qualité et se vendent plus cher.
La Chine et son appétit glouton de bois précieux
Si le bois précieux est apprécié ici chez nous, il l’est encore plus en Occident mais aussi en Chine et ailleurs. En 2009, le Madagascar National Parks (MNP) a chargé Global Witness et Environmental Investigation Agency) (EIA) d’enquêter sur les flux de bois précieux récolté dans ce pays. D’après le rapport de ces deux organisations, ce commerce illicite d’espèces rares et à forte valeur telles que l’ébène, le bois de rose et le palissandre alimente les marchés d’exportation en Chine, aux Etats-Unis et en Europe où le bois sert à fabriquer du mobilier et des instruments de musique. Les bénéfices rapides associés à ce commerce ont engendré une ruée vers le bois. Ce qui a décimé les quelques dernières forêts précieuses de Madagascar.
Les bénéfices exponentiels expliquent l’ampleur du phénomène
La valeur de ce trafic était estimée à 460 000 USD par jour sur les marchés internationaux, selon le rapport ci-haut cité. Mais la Chine est de toute évidence plus vorace que les autres pays en cette matière. Une seule entreprise chinoise se targuait d’avoir acheminé plus de 1 000 containeurs de bois de rose depuis Madagascar les trois précédentes années et envisageait d’en expédier encore 1 000 autres au cours des deux années suivantes, nous apprend ce rapport. Pour comprendre l’enjeu du bois précieux, il faut jeter un coup d’œil sur les prix. Par exemple, le rapport indique qu’un revendeur propose des planches de bois de rose de 4 cm x 4 cm x 38 cm à 36,50 USD la pièce. Cela revient à environ 60.000 ou 65.000 USD le m³ alors qu’à l’exportation, il se vend seulement à 2 000 USD voire 2 530 USD. C’est tout simplement énorme !
Les autorités locales complices de la dévastation des forêts
Si à Madagascar le problème de l’exploitation du bois précieux se pose c’est parce qu’il y a des espèces menacées qui pourraient disparaître avec cette exploitation illicite. Pourtant, il existe une convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction dite ‘’CITES’’. Force est de constater que cette convention est allègrement contourné par les entreprises impliquées dans ce commerce et les pays comme la Chine. Cela parce que ce sont les dirigeants corrompus des pays d’où proviennent ces bois qui leur facilitent la tâche. Le rapport indique que le Président de transition de Madagascar de l’époque, c’est-à-dire en 2009 (qui est revenu au pouvoir actuellement), en l’occurrence Andry Rajoelina aurait directement joué un rôle dans le trafic illicite du bois précieux. Le cas le plus emblématique est celui du Gabon où 353 containeurs d’un bois précieux dénommé Kevazingo ont tout simplement disparu alors qu’ils avaient été saisis par la justice de ce pays. Là encore ce sont les Chinois qui étaient impliqués, mais ils étaient de mèche avec les autorités gabonaises. Quand l’affaire a éclaté au grand jour, le Vice-président du pays et le ministre des Eaux et Forêts ainsi que d’autres fonctionnaires de l’Etat ont été démis de leurs fonctions pour avoir joué un rôle dans cette funeste affaire. Cela montre à suffisance que derrière la main chinoise qui décime les forêts du continent noir il y a la cupidité de certains dirigeants africains qui dilapident les ressources naturelles.
Un phénomène inquiétant
Selon Food and Agriculture Organization (FAO), les forêts sont une ressource importante dans le monde, puisqu’elles couvrent environ un tiers (30%) de la surface de la terre, soit 4 milliards d’hectares. D’après toujours cette organisation, environ 13 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année. L’exploitation forestière est une des causes de la déforestation avec 26% derrière l’agriculture qui est responsable de 27% de ce phénomène. Quant aux données fournies par le WWF, elles indiquent qu’entre 1990 et 2015, la déforestation concernait plus de 240 millions d’hectares. Pire encore, 170 millions d’hectares risquent encore de disparaître d’ici 2030. S’il y avait un conseil à donner aux dirigeants du monde, ce serait celui-ci : « Agissez maintenant, demain sera peut-être trop tard ».