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Traitement du thé : Et si on produisait sans nuire à l’environnement ?

Autour de 40 hectares d’arbres sont abattus chaque année, rien qu’à l’usine théicole de Rwegura. L’usinage du thé est une activité très énergétivore. La combustion du bois est la principale source d’énergie utilisée dans les usines de thé durant le processus de production du thé noir. N’est-ce pas urgent de recourir à d’autres formes d’énergies alternatives pour réduire l’empreinte carbone ? 

Les besoins annuels en bois de chauffage à l’usine de Rwegura sont compris entre 12 000 et 15 000 stères de bois par an.

Des morceaux d’arbres sur la tête, une dizaine de personnes, composées d’hommes et de jeunes garçons, se rendent à l’usine de thé de Rwegura lors de notre visite à cette usine le mois dernier. En nous entretenant avec eux, ils nous ont confié qu’ils collectaient du bois de chauffage utilisé dans la production du thé noir dans cette usine. Ce travail jadis effectué par les camionnettes est aujourd’hui réalisé par des travailleurs saisonniers. L’usine de Rwegura n’est pas du tout épargnée par la pénurie criante de carburant qui touche désormais tout le pays.

Dans l’enceinte de l’usine, des milliers de stères de bois étaient superposés les uns sur les autres dans un grand hangar réservé à leur stockage, en attendant qu’ils sèchent bien avant d’être utilisés.

Le thé noir, un catalyseur de la déforestation 

Face à l’ampleur de ce phénomène écologique, le responsable des boisements à l’usine Rwegura tient à rassurer. Cassien Sindayigaya révèle que les besoins annuels en bois de chauffage à l’usine de Rwegura sont compris entre 12 000 et 15 000 stères de bois par an. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les mathématiques, un stère est une unité de mesure de volume, valant un mètre cube. Elle est utilisée pour mesurer les volumes de stockage de bois de chauffage ou de charpente. Pour notre cas, un stère désigne est un tas de bois d’un mètre de long, un mètre de large et un mètre de haut.

M. Sindayigaya explique que sur une superficie d’un hectare, on peut y avoir entre 300 et 400 stères. Cela signifie qu’annuellement, le bois de chauffage utilisé à cette usine est abattu sur une superficie comprise entre 30 et 40 hectares. Ces quantités ne sont pas minimes, vu que l’Office du thé du Burundi (OTB) compte dans ses rangs 5 usines de thé qui sollicitent toutes du bois de chauffage dans le processus de production du thé.

Des initiatives à faible portée

M. Sindayigaya affirme que l’OTB Rwegura s’est bien préparée en ce qui concerne le bois de chauffage. Actuellement, cette usine dispose de 650 hectares d’eucalyptus, une quantité qu’il estime importante. Pour lui, l’important est d’assurer une bonne gestion de ces arbres. Il assure que l’abattage de ces arbres tient compte de leur maturité et des besoins de l’usine. Le bois abattu est stocké dans des hangars afin qu’il sèche bien. Comme le précise M. Sindayigaya, il est important que le bois soit bien sec, car plus on utilise du bois sec, moins on en consomme.

Selon lui, ils ont également mis en place des stratégies pour remplacer les arbres abattus. Si l’usine de Rwegura dispose de boisements propres à elle, ce n’est pas le cas pour toutes les usines. Certaines d’entre elles achètent du bois dans les boisements de la population. La question qu’on peut se poser est de savoir si, là aussi, l’abattage de ces arbres tient compte du respect des normes environnementales.

Des avancées, des défis aussi

Même si plusieurs mesures visant à protéger l’environnement ont été prises à cette usine, les défis ne manquent pas. « Récemment, la commune de Muruta a utilisé un espace qui contenait plus de 25 hectares de boisements appartenant à l’OTB Rwegura pour y construire un marché. Malheureusement, ils n’ont pas proposé un autre endroit pour planter ces boisements. Il y a aussi 50 hectares de boisements que la commune de Kabarore nous avait octroyés légalement, mais qu’elle nous a ensuite refusé le droit de couper les arbres. Pour tous ces cas, nous sommes toujours en négociation », regrette notre source à l’usine Rwegura.

Il y a également des boisements situés à l’intérieur de la Kibira que cette usine n’a pas le droit de couper comme elle le souhaite. A cela s’ajoute le fait que le gouvernement encourage la population à planter du thé alors que cette usine n’est pas en train de planter de nouveaux boisements faute de terrain. « Tôt ou tard, nous risquons de nous retrouver avec plus de thé que de boisements », s’inquiète-t-il.

Et si on adoptait d’autres alternatives ?

M. Sindayigaya nous a fait savoir que dans le passé, ils ont essayé d’utiliser de la tourbe comme combustible, mais l’inconvénient a été qu’ils ne pouvaient pas atteindre la température requise pour produire un thé de qualité. De plus, ces tourbes endommagent les chaudières. Au sein de l’OTB, ils ont effectué des essais pour utiliser des noix de palmiers comme alternatives aux bois de chauffage. Les analyses sont en cours pour évaluer leur efficacité.

Richard Nahayo, directeur de cette usine estime que la meilleure alternative serait l’utilisation de chaudières électriques, une pratique courante dans d’autres pays.

La lutte contre la déforestation est une préoccupation majeure du gouvernement du Burundi. Comme le stipule l’article 156 de la loi budgétaire pour l’exercice 2024-2025, une exonération des droits et taxes est accordée sur l’importation des échafaudages métalliques, du bois brut, du gaz de cuisine et de ses récipients, ainsi que des appareils de cuisson à combustible gazeux .

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