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Traumatismes non traités : Une bombe à retardement

La santé mentale est une condition sine qua non et une base essentielle pour toutes les grandes politiques nationales. Les acteurs politiques et autres parties prenantes dans la guérison des traumatismes suggèrent que la gestion des traumatismes soit intégrée dans les programmes des partis politiques et qu’un cadre national pour le traitement des traumatismes soit mis en place.

Christine Butoyi : « Je ne pouvais pas travailler pour le développement d’un ménage pour lequel je n’avais pas la certitude d’y rester ».

 

« Il existe un lien fort entre la santé mentale, le bien-être psychosocial et la consolidation de la paix et du développement, surtout dans les contextes post-conflits comme celui du Burundi. En effet, les populations en bonne santé mentale et en bien-être psychosocial tissent de bonnes relations entre elles et participent aux projets de développement dans un environnement de confiance », a déclaré Mme Consolate Nakimana, Directrice Générale du Centre d’Alerte et de Prévention des Conflits (CENAP).

C’était lors du Forum national organisé par le CENAP le 6 février 2025, réunissant des acteurs politiques et autres parties prenantes pour les sensibiliser sur l’importance de la guérison des traumatismes dans le processus de réconciliation et de développement.

Pierre angulaire du développement

Dans son exposé, Abbé Dieudonné Nibizi a souligné que les traumatismes non guéris ont un impact significatif sur le développement socio-économique du pays. « Une personne traumatisée ne peut en aucun cas planifier un projet à long terme, elle vit au jour le jour », a-t-il expliqué. Il a illustré son propos avec l’exemple d’un bénéficiaire des accompagnements de CENAP, qui a témoigné qu’à cause de son instabilité émotionnelle, il ne pouvait pas habiter loin d’une frontière avec d’autres pays, afin de faciliter un éventuel déplacement en cas de tension au Burundi. « Une personne qui s’apprête toujours à fuir n’aura jamais le temps de penser aux projets de développement, à cause de l’instabilité et de l’incertitude qui règnent dans son cœur », a ajouté Abbé Nibizi. Il a également évoqué la transmission intergénérationnelle des traumatismes, qui limite l’accès à l’éducation et aux opportunités économiques.

Christine Butoyi, résidente de Nyanza-Lac et mère de huit enfants, a partagé son expérience. Elle a subi des traumatismes conjugaux pendant plus de 30 ans, ce qui a profondément affecté sa vie. « Je ne pouvais pas travailler pour le développement d’un ménage pour lequel je n’avais pas la certitude d’y rester. Ce n’est qu’après avoir suivi des séances de CENAP que j’ai eu le courage d’intégrer un groupement d’épargne et de crédit pour la première fois de ma vie », se réjouit-elle. Aujourd’hui, Butoyi entreprend plusieurs projets, notamment la vente d’huile de palme et de farine de manioc.

Cette guérison a eu un impact positif sur la vie de ses enfants et a transformé la dynamique familiale. Auparavant, elle empêchait souvent ses enfants d’aller à l’école. « Ce sont les blessures que j’avais que je transférais à mes enfants. Maintenant, mon plaisir est de voir mes enfants exceller à l’école », témoigne-t-elle.

Les défis restent nombreux

Abbé Nibizi a également mis en lumière les nombreux défis liés à la gestion des traumatismes au Burundi. Il a mentionné, entre autres, les approches inadéquates ou mal adaptées, ainsi que le retard dans la prise en charge des traumatismes. Pour l’Honorable Olivier Nkurunziza, la plupart des enseignements dispensés au sein des partis politiques sont souvent axés sur le non-oubli du passé. Il suggère d’intégrer dans les programmes des partis politiques des enseignements visant à guérir les blessures du passé, tout en en faisant un programme national.

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