Des centaines de femmes sont victimes des Violences Basées sur le Genre chaque année. Certaines n’arrivent pas à se remettre des blessures et d’autres ont pu les surmonter. A la rencontre de quelques-unes. Elles témoignent comment elles ont pu les surmonter
Nous sommes mardi le 19 janvier 2021. A 11h, nous arrivons à Ruziba dans la zone de Kanyosha de la commune Muha en Mairie de Bujumbura. Précisément, au marché de Ruziba. A 1 km de ce marché, nous rencontrons deux femmes qui ont été victimes des VBG pendant dans la crise politique qu’a connue le Burundi.
Jeanine Niyonzima, est native de la zone Ruziba dans la Mairie de Bujumbura. Elle a été violée en 2006 par deux hommes, alors, elle avait 22 ans. « Un jour, vers 19h, je venais d’un centre de santé appelé Dieu Merci où je venais de rendre visite à un patient qui y était hospitalisé. Deux hommes étaient au bord de la route. Quand je les ai dépassées, ils ont couru derrière moi et m’ont attrapé. Ils m’ont plaqué au sol avec une écharpe dans le visage et dans la bouche. Ils m’ont tous violé. Après l’acte, ils se sont enfuis vers les montagnes », raconte Jeanine Niyonzima avant d’expliquer qu’elle a perdu connaissance et conscience pendant un moment.
J’étais inconsciente. Je suis rentrée à la maison, mais je n’ai rien dit à mes parents pendant cette soirée. « Je suis allée me coucher directement. Mais le matin, ma mère a constaté que je ne me sentais pas bien. J’étais mal à l’aise. J’ai été obligée de lui dire ce qui s’est passé. Je lui ai raconté ce qui m’est arrivé. Elle m’a obligé de ne rien révéler à personne. Même mon père ne l’a pas su immédiatement ».
J’ai gardé le silence, mais je ne savais pas que j’étais tombée enceinte. Après des mois, j’ai constaté également que je souffrais des Maladies Sexuellement Transmissibles(MST), révèle-t-elle.
Les victimes des VBG sont appelées à briser le silence.
Le calvaire commence
Après des mois de silence, l’entourage et son père ont fini par le savoir. « Quand mon père a su que j’étais enceinte, il m’a chassé de la maison. Il n’a pas cru que je me suis fait violer. Alors je me suis réfugiée au site des déplacés de Kanyosha, chez une veuve. J’ai passé là-bas de nombreux mois et j’ai accouché. Je menais une vie misérable. Des fois, nous mangions des mangues qui ne sont pas mûres», révèle-t-elle. Selon Mme Niyonzima, pendant la période de guerre, des rebelles ont violé pas mal de femmes et de filles. Quand mon père reconnaît que le viol existe, il m’a fait retourner à la maison où j’’ai continué à vivre le calvaire, fait savoir Mme Niyonzima.
Mon mari ne m’a pas cru
Joséphine Nsabimana est aussi une femme qui a été victime des VBG. Elle a été violée en 2007 pendant la crise politique qu’a connue le Burundi. en 2007. Elle était mariée et avait deux enfants. Son mari travaillait à Mwaro. Elle nous raconte son histoire. « Un jour, le soir, des gens ont toqué sur la porte de ma maison. C’étaient des rebelles. Je dormais avec mes deux enfants. J’ai refusé d’ouvrir la porte et ils l’ont défoncé. Deux hommes m’ont violé à tour de rôle. Les autres ont saccagé notre petite boutique. Je vendais de petits articles. Des savons, des cigarettes, etc. Le matin j’ai raconté ma mésaventure à une amie. Cette amie m’a conseillé d’aller au centre Seruka avant 72h pour une éventuelle prise en charge, raconte Nsabimana.
A son retour, son mari ne l’a pas cru. Il lui reprochait de l’avoir fait par consentement, de n’avoir pas été violée. Depuis lors, il l’a chassé de la chambre conjugale. Elle dormait avec les enfants dans une autre chambre. Il ne donnait même plus la ration. Il lui disait d’aller demander la ration à ceux qui l’ont violée. Il ne donnait même pas aux enfants le matériel scolaire. Nsabimana a raconté cela aux autorités locales pour qu’elles lui viennent en aide. Le chef de quartier a expliqué à son mari que cela arrive à plusieurs femmes. Mon mari a fini par comprendre et m’a soutenu. Après quelques mois, on s’est marié légalement.
Des écoutes psychologiques pour se rétablir
Après l’apparition de nombreuses de victimes de VBG, des organisations dont le centre Seruka ont consacré leurs efforts à la prise en charge des victimes. «Après plusieurs cas de viol dans la zone Ruziba, le Centre Seruka est venu chercher les victimes des VBG. C’était en 2008 », se rappelle Jeanine Niyonzima. De nombreuses réunions de sensibilisation ont été organisées. Des séances d’écoute psychologiques aussi. Les assistances médicales et psychologiques étaient de la partie. « On nous enseignait de briser le silence, de ne pas rester silencieux, de parler aux administratifs, aux agents de santé communautaire». Jeanine Niyonzima informe également qu’elle a bénéficié des médicaments contre les IST, l’hépatite B. «J’ai été guérie. Actuellement, je mène une vie normale comme les autres», se réjouit-elle.
Des groupements de femmes pour s’auto-développer
Ces femmes témoignent que le centre Seruka les a aidés à former des groupements de femmes victimes des VBG. Chaque groupement est constitué de 20 femmes. Dans ces groupements, nous échangeons également nos expériences. Après avoir entendu les témoignages des autres, tu réalises que tu n’es pas la seule victime des VBG.
Dans ces groupements, on octroie des micro-crédits aux membres qui en ont besoin. «On cotise hebdomadairement. De 1000 à 5000 francs burundais. Si une personne a un problème, on lui accorde un crédit qu’elle rembourse progressivement », précise Mme Nsabimana.
Grâce à ces groupements, Jeanine Niyonzima révèle qu’elle fait le petit commerce. Avec des crédits que je contracte, j’achète des noix de palme pour 5000 FBu à Ruziba et je les vends à 10000 FBu au quartier industriel près de l’endroit communément appelé Chanic. Elle indique qu’elle loue également des terrains pour planter des cultures vivrières. «Je cultive le manioc, le maïs et les haricots que je vends plus tard». Elle révèle que cela l’a aidé à faire face aux problèmes qu’elle a vécus. Elle a sa propre maison dans laquelle elle vit avec ses deux enfants. De son côté, Nsabimana s’adonne au défrisage des cheveux des femmes. Au minimum, je gagne 2000 FBu par jour. Même si c’est peu, je parviens à avoir de quoi manger. J’arrive à acheter la farine de manioc et les légumes pour nourrir mes enfants. Et d’ajouter que pendant les périodes de fête, elle peut gagner 10 000 FBu.
Elles aident les autres à se remettre
Ces deux femmes victimes de viol affirment qu’elles sont actuellement guéries du traumatisme psychologique. «Aujourd’hui, j’aide les autres à se remettre à travers des témoignages. Je suis leader d’un groupement», martèle Jeanine Niyonzima.
Cette dame recommande aux victimes de viol de surmonter les défis, de briser le silence et de révéler les violences qu’elles subissent aux autorités locales. Les jeunes filles sont appelés à se méfier des hommes qui leur donnent des objets de valeur et les violent. « Les jeunes filles ne peuvent pas refuser les téléphones androïdes. Cela c’est du viol».
Des sanctions sévères s’avèrent nécessaires
Les femmes victimes des VBG sollicitent, de la part de l’Etat, le soutien aux organisations œuvrant dans la prise en charge des victimes des VBG. Elles insistent également sur la multiplication des sensibilisations sur les violences basées sur le genre.
Les sanctions doivent être sévères pour les fautifs. Selon Niyonzima, les procès en justice trainent. Les administratifs qui violent les femmes ne sont pas punis. D’où l’exigence des sanctions sévères.
Des chiffres alarmants
1236 cas de victimes de violences basées sur le genre ont été reçus par le centre Seruka en 2020. Parmi eux, 1159 femmes, soit 94% et 77 hommes qui représentent 6%. Selon, Emmerentienne Kamariza, coordinatrice a.i du centre Seruka, 190 sont des enfants de moins de 5ans, soit 15%. 385 sont des enfants de 5 ans à 12 ans, soit 31%. 356 sont des jeunes de 13 à 17 ans, soit 29%. 296 sont des personnes de 18 à 45 ans, soit 24%. 9 ont plus de 45ans, soit 1%. Les violences basées sur le genre sont de différentes formes. Mme Kamariza signale que les violences basées sur le genre sont de différentes sortes. Des violences économiques, physiques, psychologiques, sexuelles, etc.