A quatre mois de l’augmentation du tarif de l’électricité, la régie de production et de distribution de l’électricité (REGIDESO) déplore la mévente de ce produit. La production annuelle de la Regideso est de 259 333 733 kWh et la consommation en électricité est de 175 357 725,3 kWh en 2017. Les consommateurs, aussi bien les familles que les entreprises, évoquent surtout les difficultés liées à la surfacturation et le manque de devises pour importer les matières premières, ce qui réduit l’activité économique et commerciale
Au cours d’une réunion d’échange avec les gros consommateurs, la Regideso a déploré la sous-consommation de l’électricité. « Certaines entreprises ne consomment même pas la quantité qu’elles utilisaient avant la hausse des prix », a indiqué Jéroboam Nzikobanyanka, directeur général de la Regideso. Cela étant, les inquiétudes se faisaient déjà sentir sur les conséquences de la hausse du tarif de l’électricité dès le lancement de la nouvelle centrale thermique de 20 MW en septembre dernier. « Du moment que les tarifs ont augmenté sans que les moyens du consommateur soient augmentés, il y aura absolument des invendus. Donc la REGIDESO éprouvera des difficultés pour payer son fournisseur », prédisait Noël Nkurunziza, président de l’Association Burundaise des Consommateurs (ABUCO). Il demandait d’ailleurs au gouvernement de surseoir à la mesure de la hausse du prix de l’électricité.
Les causes de la sous-consommation
Les participants à la réunion ont indiqué que l’une des causes primordiales de la faible consommation de l’énergie électrique est le tarif élevé. Certains industriels craignent qu’ils ne soient pas à mesure de produire à la hauteur de l’énergie qu’ils auraient consommée. Et ils ont modéré leur consommation énergétique pour réduire les coûts. D’autres consommateurs d’électricité justifient la faible consommation par des problèmes conjoncturels. C’est le cas de la Brarudi qui explique qu’elle avait commandé l’électricité à la Regideso en tenant compte des projets qui étaient en phase de mise en route, mais dont certains ne sont pas encore concrétisés. De plus, la Brarudi, comme beaucoup d’autres entreprises, avaient adopté une stratégie liée aux délestages intempestifs, stratégie visant à avoir recours à leurs propres énergies à des moments précis. Même si le recours à l’énergie alternative ne suffit pas à lui seul, c’est une pratique qui reste en vigueur car elle a démontré sa pertinence.
La carence des devises fortes (US dollars notamment) affecte également le secteur énergétique. Le représentant de l’entreprise UBUCOM, a expliqué que la sous-consommation de l’électricité est due au manque criant de devises qui s’observe dans le pays. Selon lui, cette insuffisance de devises empêche son entreprise de s’approvisionner en matières premières à l’étranger. Par conséquent, si le volume des importations des matières diminue, l’activité commerciale de l’entreprise en pâtit, ce qui se répercute sur la quantité d’énergie consommée pendant la production qui est par ailleurs l’un des facteurs de production.
Les attentes de la Regideso déçues
Le directeur général de la Regideso rappelle que le gouvernement avait misé sur la demande des industriels pour faire appel à un fournisseur (Interpétrol). Et de constater avec amertume que les industries ne sont pas prêtes à utiliser l’électricité 24 heures sur 24 heures à cause des problèmes de gestion de leurs charges. Il précise que le gouvernement a fait des efforts pour que le tarif ne soit pas trop élevé. Il semble que la Regideso achète 1 Kwh à 0,22 USD, soit 385 FBu au taux de 1 750 FBu mais le vend à 0,20 USD, soit 350 FBu au même taux. Il s’agit donc d’une vente à perte !
Cette situation inquiète les observateurs et les experts à plus d’un titre étant donné que le taux de consommation de l’électricité reste trop faible. Par rapport à la moyenne africaine de 150 kWh par an et par ménage, le Burundi est largement en deçà avec une consommation de 23 kWh par an et par ménage. Dans le même ordre d’idées, les industries et les activités commerciales au Burundi consomment plus de 70 millions de kWh, pour les ménages 84 millions de kWh et pour les autres consommateurs 46 millions de kWh.
Evolution de la production et de la consommation (vente) de l’énergie électrique
Mois |
Production en kWh |
Consommation en kWh (pour les compteurs classiques uniquement) |
Janvier |
22 845 810 |
|
Février |
20 460 756 |
7 173 467,11 |
Mars |
22 966 766 |
9 263 208, 91 |
Avril |
20 976 629 |
9 335 531,82 |
Mai |
21 019 065 |
7 239 244,53 |
Juin |
18 623 929 |
10 087 526,25 |
Juillet |
19 480 172 |
7 448 785,71 |
Aout |
19 267 239 |
9 638 217,20 |
Septembre |
20 255 024 |
7 332 433,90 |
Octobre |
24 373 645 |
6 552 351, 74 |
Novembre |
23 674 942 |
10 023 409, 04 |
Décembre |
25 389 747 |
13 575 710,32 |
Janvier 2018 |
– |
12 117 541, 62 |
Total |
259 333 733 |
175 357 725,3* |
Source : Regideso
Beaucoup de défis à relever
La faible consommation de l’électricité s’ajoute à la liste d’autres difficultés auxquelles fait face la Regideso. Ce sont notamment, d’une part, la vétusté des équipements entrainant des pertes estimées à 25% sur son réseau électrique et, d’autre part, le recouvrement des arriérés (les impayés càd les dettes des consommateurs à l’égard de la Regideso). Ceci dit, la Regideso a lancé une campagne pour combattre et maîtrisé l’endettement. L’objectif est de recouvrer les arrières estimés à 60 milliards de FBu. Le directeur général s’est félicité du pas déjà franchi. « Nos clients, y compris les institutions étatiques, commencent à comprendre l’importance de régler les factures », a indiqué M. Nzikobanyanka. De plus, la Regideso doit mensuellement payer à la société Interpétrol une somme de 6 milliards de FBu pour la fourniture de 20 MW alors que la quantité consommée chute. Par conséquent, si cette mévente de l’électricité persiste, elle pourrait être fatale pour la santé financière de la Regideso. Certes la production du courant est en nette augmentation, mais la Regideso doit tout faire pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande. Au cours des deux derniers mois, les ventes sont passées de 13 575 710,32 kWh à 12 117 541,62 kWh pour les compteurs classiques entre décembre 2017 et janvier 2018. Au cours de l’année 2017, la Regideso a produit (acheté à Interpétrol) 259 333 733 kWh et la quantité (vendue) ne dépasse pas 175 357 725,3 kWh en 2017. Donc, près de 37% d’électricité produite en 2017 n’a pas été consommée c’est-à-dire achetée. Or, il faut se rappeler le principe selon lequel l’électricité ne se stocke pas : si elle n’est pas utilisée dès qu’elle est produite, elle est perdue.
La demande en électricité augmente
En Afrique, d’une façon générale, la demande ne cesse d’augmenter avec l’extension des villes et l’installation de nouvelles unités de production industrielle dans les pays les plus développés économiquement. Pour le Burundi, il y a également une progression linéaire de la demande liée à l’augmentation de la population, les estimations de la Banque Africaine pour le Développement (BAD) projettent le nombre d’abonnés à 150 000 à l’horizon 2020. Mais l’offre reste inférieure à la demande. En 2015, le réseau électrique national accusait un déficit de puissance de 22 MW, particulièrement le soir aux heures de pointe.
A cela s’ajoutent les divers projets industriels qui nécessitent des capacités additionnelles d’énergie électrique. La puissance minimale nécessaire à l’horizon 2020 semble donc être de l’ordre de 250 MW, en dehors des mines de Nickel. Le site minier de Musongati nécessiterait à lui seul 800 MW pour exploiter le gisement de 180 millions de tonnes de Nickel. Cette situation implique le recours à l’importation pour le court terme et l’accélération des travaux de construction des barrages hydroélectriques sur le long terme.
Un potentiel hydroélectrique estimé à 1700 MW
D’ici 2020, le gouvernement compte doubler le taux d’électrification pour atteindre 20%. Pour réaliser cet objectif, il doit chercher les opportunités les plus porteuses pour le développement de Ruzizi III (capacité de 147 MW) et Ruzizi IV (capacité de 287 MW). Selon des études réalisées en 1983, le Burundi a un potentiel hydroélectrique de 1700 MW si toutes les sources étaient exploitées. Sur ce chiffre, selon des experts, seuls 300 MW, provenant de sites de plus d’1 MW sont réellement viables pour l’exploitation économique du pays. En 2012, l’étude sur les opportunités des énergies renouvelables au Burundi précise que 156 sites potentiels ont été recensés dont 29 sites existants ou en phase d’être équipés contre moins de 30 sites exploités à l’époque.
Il importe de souligner que dans le cadre du projet hydroélectrique Jiji-Mulembwe (115 MW), un accord de financement de plus de 30 millions USD a été signé en décembre dernier. Ce projet tant attendu va accroître la capacité de production hydroélectrique du pays afin de résorber à moyen terme le déficit énergétique et partant, le tarif de l’électricité pourrait être revu à la baisse.
Rappelons sous forme de conclusion, que la production d’électricité par des moyens durables tels les barrages, les micros-centrales au fil des rivières, l’éolien, le solaire sont plus en adéquation avec les objectifs du développement durable et du respect de l’environnement (lutte contre le réchauffement climatique). A court terme et dans l’urgence, la production d’électricité thermique (fuel) est nécessaire mais à moyen et long terme, elle se révèle contraire aux objectifs fixés par la COP 21.
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