Trente -trois institutions d’enseignement supérieur privées sur quarante -deux reconnues par la loi ont été évaluées par la commission nationale de l’enseignement supérieur. Pas mal d’anomalies ont été pointées du doigt et des recommandations ont été formulées à l’endroit des responsables de ces institutions et du ministère de tutelle pour l’amélioration de la qualité de l’enseignement
Les universités privées souffrent du manque d’enseignants à temps plein qualifiés pour l’encadrement effectif et adéquat des étudiants, indique la commission nationale de l’enseignement supérieur après avoir effectué une visite d’évaluation dans trente-trois universités et instituts opérationnels au Burundi. Elles doivent veiller à fournir des efforts pour s’approcher des normes de l’UNESCO en matière d’encadrement des étudiants par le personnel à temps plein. Ces normes sont un enseignant pour 50 étudiants (niveau baccalauréat). L’espace exigé est le m2 par étudiant. Cette commission montre le ratio enseignant/étudiants. Il varie entre un enseignant par 50 étudiants à un enseignant par 574 étudiants. Certaines universités n’ont aucun enseignant à temps plein. Dans d’autres universités visitées, la qualification des enseignants intervenant dans les premières années (pour dispenser les cours fondamentaux) n’est pas tenue en compte. Des licenciés et des bacheliers font partie du corps enseignant dans un cycle de formation de niveau baccalauréat.
Les matériels d’appui à l’enseignement insuffisants
Sauf quelques exceptions, cette commission précise que toutes les universités privées doivent augmenter les matériels d’appui à l’enseignement en termes de bibliothèques et de technologie de l’information et de la communication. De manière générale, elle fait savoir que les campus périphériques n’ont pas d’encadreurs permanents et n’ont pas de bibliothèques. Elle souligne qu’elles doivent équiper les salles informatiques. Celles qui n’en disposent pas doivent les mettre en place et s’assurer de leur connexion sur internet. Il est aussi recommandé aux universités de mettre en place des laboratoires et des salles de démonstration spécifiques et leurs équipements.
Le partenariat n’est pas développé
L’initiation d’un programme de recherche d’innovations pour mériter le statut d’université est aussi recommandée par la commission. Elle fait remarquer que les universités devraient favoriser des partenariats au niveau local, régional et international dans le but de mutualiser les ressources humaines, le matériel didactique, les laboratoires et les bibliothèques. La structure de l’institution doit permettre de mériter le statut d’université. Selon cette commission, une université n’est pas ni viable sans activités de recherche. Et de recommander la création des centres de recherche et de nouvelles facultés. A défaut de cela, elles sont invitées à changer de statut pour être un institut ou une école au lieu d’une université.
Les responsables de certains instituts doivent être libres de tout autre engagement. Les instituts doivent mettre en place des équipes de direction permanentes tout en évitant le cumul de fonctions. La commission demande aux instituts de procéder au recrutement des enseignants à temps plein et spécialisés dans les domaines d’enseignement qui font l’objet de l’offre de formation.
Les infrastructures inadaptées
Pour la plupart des instituts, les infrastructures sont inadaptées pour l’enseignement supérieur. La grande majorité ne disposent pas de bureaux pour le personnel administratif et enseignant. Parfois, une salle sert en même temps de bureau pour enseignants et de salle de réunion. De plus, la qualité des salles ne répond pas aux normes exigées (salubrité, aération, luminosité, sonorisation).
Synthèse des résultats chiffrés de l’évaluation
Catégories |
Universités |
Instituts |
Total |
60-80% |
6 |
1 |
7 |
50-59% |
4 |
1 |
5 |
40-49% |
3 |
5 |
8 |
-40% |
3 |
7 |
10 |
-1 an |
2 |
6 |
8 |
Non fonctionnelles |
1 |
3 |
4 |
Total |
19 |
23 |
42 |
Les universités ayant entre 60 et 80% sont Bujumbura International University, International Leadership University, Université Espoir d’Afrique, Université Lumière de Bujumbura, Université du Lac Tanganyika et Université Polytechnique de Gitega. Celles qui ont entre 50 et 59% sont l’Université des Grands Lacs, l’Université Martin Luther King, l’Université de Mwaro et L’Université Sagesse d’Afrique. Les instituts ayant entre 50 et 80% sont l’Institut d’Entrepreneuriat au Burundi et l’Institut Supérieur Paramédical de Gitega. D’autres ont été mal classées.
On n’a pas besoin d’institutions universitaires faibles
Le Burundi n’a pas besoin d’institutions universitaires faibles, indique Prof Gaspard Banyankimbona, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Le gouvernement n’a aucun intérêt à fermer les institutions universitaires opérationnelles. Il n’existe même pas de cadre légal pour la liquidation des institutions d’enseignement supérieur comme il y en a pour les banques. «Néanmoins, si vous nous obligez à le faire, on va certainement le mettre en place. Nous sommes déjà sollicités par un certain nombre d’aspects qui devraient être traités au niveau de vos institutions. Mais les bénéficiaires toquent à nos portes», s’inquiète Banyankimbona. Figurez-vous par exemple, Il y a des institutions qui sont carrément en faillite aujourd’hui. Si un étudiant qui a fréquenté ces institutions au moment où celles-ci étaient encore opérationnelles a besoin d’un bulletin ou d’une attestation de réussite, il aura des difficultés bien que ce soit son droit.
Eviter ce genre d’imbroglio
Il faut nous éviter ce genre d’imbroglio, note Banyankimbona. Il demande de revenir sur la nécessité d’un suivi et d’un contrôle strict du fonctionnement des institutions universitaires car, si elles tombent en faillite, cela engage tout le monde. Il faut alors comprendre que ce n’est pas un acharnement de la part du ministère de tutelle contre les universités. C’est plutôt un souci de contrôle de la qualité et de positionnement de l’enseignement supérieur dans son ensemble qui l’a poussé à faire ce genre d’évaluation. Il fait remarquer qu’on a commencé par l’enseignement supérieur privé pour passer à l’enseignement supérieur public au mois de novembre de cette année.
Il n’y aura pas de soucis au niveau des programmes
Banyankimbona certifie qu’on a été un peu doux lors de l’évaluation jusqu’à leur attribuer ces résultats. Maintenant quand on va arriver aux programmes, il fait savoir qu’on sera plus strict. Imaginez une institution universitaire qui a une faculté de philosophie alors qu’il n’y a aucun professeur de philosophie dans les environs, indique t-il. Comment celle-ci va fonctionner, se questionne-t-il ? On sera rigoureux à ce niveau, car c’est la matière qui compte. Il les informe que le fait qu’ils se sont décidés à investir dans l’enseignement supérieur montre qu’ils ont constaté qu’il y avait un espace où leur contribution était nécessaire. Il y a certains responsables qui ont réclamé un dialogue permanent. Il affirme qu’il n’arrêtera jamais de crier du fait qu’ils ont besoin d’une conférence des recteurs dans ce pays pour pouvoir créer un cadre d’échanges entre eux et le ministère de tutelle.
La qualité avant tout
Il leur demande de ne pas prioriser leurs intérêts à la place de la qualité de l’enseignement. «Et d’ailleurs c’est vous-mêmes qui devez vous préoccuper en premier lieu de la qualité», martèle-t-il. « Vous devez d’ailleurs mener des débats à l’interne sur l’amélioration de la qualité. Ne croyez pas que c’est le ministère qui porte un cachet de qualité. Nous n’en sommes plus des maîtres ». Seulement, il indique qu’ils sont chargés d’accompagner les institutions d’enseignement supérieur et de rassurer la communauté que les lauréats de l’enseignement supérieur burundais sont compétitifs par rapport aux lauréats des autres de la région.
Déogratias Nimpagaritse, recteur de l’Université Lumière de Bujumbura salue l’initiative prise par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Selon lui, cette évaluation permettra aux institutions universitaires de travailler énergiquement pour améliorer la qualité.
Oscar Toyi, représentant légal de l’Université Ntare Rugamba n’a pas peur du fait que certaines institutions universitaire pourront être fermées par le ministère de tutelle. Il est fier du fait qu’il est actuellement au courant de ce qui est exigé pour booster la qualité de l’enseignement. Il indique qu’il en tiendra compte. Au regard du paquet de recommandations, il fait savoir que c’est inévitable de revoir les frais académiques à la hausse. Ce qui pourra constituer un obstacle majeur pour les étudiants qui ont des parents à revenus faibles Une réunion d’échange entre les responsables des institutions universitaires s’avère nécessaire pour statuer sur ce cas.
Jean Marie Vianney Niyongabo
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