Commerce

Les frais d’accès aux toilettes : une dépense de trop

En plus des autres dépenses liées à leur commerce, les commerçants œuvrant dans les différents marchés et galeries en mairie de Bujumbura sont contraints d’ajouter les frais d’accès aux toilettes. Ces frais sont considérés comme une dépense de trop par les concernés. Pour certains d’entre eux, faire payer un tel besoin primaire est injuste.

En plus des frais de location des stands, les commerçants œuvrant dans les différents marchés et galeries en mairie de Bujumbura sont contraints de payer une somme allant de 200 à 500 FBu pour accéder aux toilettes.  

Nous sommes au marché de Kinama. Comme d’habitude les commerçants sont matinaux. Avant de commencer leur travail, ils se préparent en toutes choses pour maximiser le temps de travail. Ranger les différents articles, prendre le petit déjeuner pour ceux qui peuvent s’en offrir, mais également se rendre aux lieux d’aisance pour certains. Oui, le corps en a besoin.

Les lieux d’aisance ne sont pas loin des stands. D’ailleurs, dans ce marché, il y en a trois. « Pour que quiconque veut s’y rendre en trouve une pas loin d’où il se trouve », justifie Idi Kaunda, commissaire de ce marché. Une initiative pour faciliter la tâche aux nécessiteux oui, mais ce n’est pas si facile que cela. Devant ces toilettes partagées en deux, une partie pour les hommes et une autre pour les femmes, Gad Ntirampeba est assis. Comme il le raconte, tout comme pour les autres stands, il loue ces toilettes à 200 mille FBu. Depuis plus de 10 ans, il fait ce business. Il a engagé une personne pour faire la propreté et, lui, il se charge de la caisse.

Un gagne-pain pour certains, un fardeau pour les autres

Chaque fois qu’une personne sollicite ces toilettes, il doit payer 200 FBu. Une somme qui peut sembler banale pour un passant qui paie cette somme une ou deux fois par semaine. Mais qu’en est-il de ceux qui passent la plupart de leur temps dans ce marché et qui doivent payer ces frais de soulagement à chaque fois qu’ils se rendent dans ces toilettes ? Selon certaines études, un corps normal sollicite les lieux d’aisance en moyenne 6 à 8 fois par jour. Et là on est déjà à 1600 FBu. Et si on ramène ce temps sur 30 jours, cela devient 48000 FBu par mois qui s’ajoute aux autres dépenses quotidiennes comme la nourriture, la location des stands, les frais d’hygiène, pour ne citer que celles-ci. Sans parler des cas des femmes enceintes, des diabétiques, etc. qui sont obligées de boire beaucoup d’eau et d’en refouler. Autant ils fréquentent ces lieux, autant ils vont payer pour ces besoins.

Une commerçante qui s’est confiée à nous a fait savoir qu’elle s’y est déjà habitué pas par conviction, mais par contrainte. « Cela ne m’agace plus. Je sais que je ne peux rien y faire, donc vaut mieux ne pas y penser », dit-elle.

Une dépense de trop

La situation n’est pas autre à Bujumbura City Market communément appelé chez Sion. Au total, il y a cinq lieux d’aisance éparpillés dans tous les coins de ce marché. Parmi ceux-là des toilettes VIP dont l’accès est à 500 FBu chaque fois qu’elles sont sollicitées. L’accès aux toilettes ordinaires est à 200 FBu. Mais là, il y a une option de souscrire un abonnement mensuel et payer 10 mille FBu peu importe le nombre de fois qu’on fréquente ces toilettes.

M.D est une commerçante à ce marché. Elle ne comprend pas pourquoi on lui fait payer un tel besoin primaire alors qu’elle loue un stand dans ce même marché. Selon cette dame, autant on ne peut pas louer une maison sans toilettes, autant on ne peut pas louer un stand dans un marché sans toutefois avoir accès aux toilettes. Cette maman considère ces frais comme une dépense de trop. « Nous sommes fatiguées, les prix des stands sont en hausse, par exemple moi, je loue ce stand à 250 mille FBu. A chaque fois que je fais entrer ma voiture ici, je paie 1000 FBu comme frais de stationnement, sans parler des frais de restauration et d’autres dépenses connexes au commerce. Et y ajouter les frais de soulagement… au finish, nous travaillons à perte », se lamente-t-elle.

Comme l’a expliqué Joseph Dukundane, commissaire de ce marché cet argent est collecté pas pour des fins commerciales, mais plutôt pour pouvoir entretenir ces lieux d’aisance par le nettoyage quotidien ou le vidange en cas de besoin. « Vous savez tous comment les Burundais minimisent des biens publics gratuits. Nous avons jugé bon de leur faire payer une somme insignifiante », explique-t-il. Signalons que Bujumbura City Market est composé d’entre 2800 et 3000 stands.

Pourtant, cette attitude n’est pas sans conséquences

Comme l’a témoigné un autre commerçant œuvrant à BCM, de peur de ces dépenses quotidiennes, certains commencent à faire leurs petits besoins dans des bouteilles en plastique et attendent que tout le monde rentre pour les verser dans les caniveaux érigés devant les stands. « Par mauvaise foi ? Peut-être, mais on ne peut pas les condamner pour autant. Ça arrive qu’on passe toute une journée ici sans aucun client. Comment alors on va faire pour se soulager sans pécule ? », se demande-t-il. Ce phénomène inquiète ces commerçants qui craignent pour leur santé.

Dans les différentes galeries du centre-ville de Bujumbura, la procédure est la même. Les frais d’accès aux toilettes sont à 200 FBu par fréquentation. Mais contrairement aux marchés précédemment cités, dans la galerie Village Market, la toilette est commune pour les hommes et les femmes. Une raison de plus pour Mme N.G, commerçante dans cette galerie de s’abstenir autant qu’elle peut de ce besoin. Selon elle, le principe est simple, « je bois peu d’eau pour pouvoir tenir le plus longtemps possible. Cela me permet de me prévenir des infections, mais également de ne pas acquitter chaque jour ces frais », raconte-t-elle. Ne pas dépenser de l’argent oui, mais s’abstenir de ce besoin et manquer d’eau dans son corps seraient-ils sans conséquences sur la vie humaine ?

Selon Dr Aimable Ndayizamba, le fait de se retenir quand on a envie d’uriner peut causer beaucoup de complications sur la santé humaine. Il a cité notamment l’apparition des calculs rénaux qui peuvent obstruer la voie urinaire et d’autres complications plus graves.

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A propos de l'auteur

Florence Inyabuntu.

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Du jamais vu ; un déficit record a été enregistré depuis la création de l’Office Burundais des Recettes (OBR) en 2009, une institution chargée de maximiser les recettes. Un déficit de 110 milliards de FBu sur les 4 derniers mois de l’année budgétaire 2024-2025, déclaré par l’autorité compétente, ne peut pas passer inaperçu. Pire encore, parmi les causes évoquées pour expliquer cette diminution des recettes figurent des facteurs tels que le rôle crucial des agents chargés de maximiser ces recettes, la corruption et la complicité entre les contribuables et les agents, pour ne citer que ceux-là.

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