A l’occasion de la fête des travailleurs du 1er mai 2025, Célestin Nsavyimana, président de la Confédération des Syndicats du Burundi (COSYBU) retrace le vécu difficile des travailleurs et propose des pistes de solution. Interview exclusive pour Burundi Eco

Célestin Nsavyimana, président de la COSYBU : Les travailleurs burundais, comme tout le monde, vivent dans des conditions très difficiles. (Photo : RTNB).
1.Comment les travailleurs burundais vivent-ils aujourd’hui les réalités économiques et sociales du pays, notamment avec l’augmentation du coût de la vie ?
R : Célestin Nsavyimana : Les travailleurs burundais, comme tout le monde, vivent dans des conditions très difficiles pour plusieurs raisons, notamment l’augmentation exponentielle du coût de la vie. Les prix des produits de première nécessité, en particulier les produits importés, sont hors de contrôle. Le carburant manque, alors qu’il est essentiel pour la mobilité des personnes et des marchandises. Ce qui influe sur les prix.
Il est difficile pour un fonctionnaire de se déplacer entre son domicile et son lieu de travail. C’est très compliqué. Les salaires se sont érodés face à une dépréciation monétaire importante. Ainsi, avec leurs salaires, les fonctionnaires sont dans l’incapacité de couvrir leurs besoins essentiels, tels que les frais de loyer, l’alimentation, le transport, la scolarisation des enfants, l’habillement…
2.Quelles sont les principales revendications du syndicat ?
R : Les revendications sont multiples, mais en premier lieu, il y a les conditions de vie. Il est essentiel que le salarié puisse satisfaire les besoins de première nécessité, c’est-à-dire se loger, se nourrir et se déplacer, au minimum. Nous demandons aux pouvoirs publics de trouver des mesures d’accompagnement pour réduire les prix des produits de première nécessité et rendre disponibles les produits stratégiques, notamment le carburant.
3.Y’a-t-il un dialogue sur le coût de la vie entre les syndicats et le gouvernement ? Si oui, y’a-t-il eu des avancées concrètes ?
R : Il n’y a pas de dialogue sur le coût de la vie. Toutefois, il existe parfois un dialogue classique sur le monde du travail, lequel rencontre parfois des difficultés avec certains partenaires. Les autorités ont un pouvoir décisionnel, mais elles ne souhaitent pas s’impliquer dans le dialogue.
4.Vous œuvrez également dans le secteur informel. Quelles sont les conditions de travail, surtout dans le secteur du transport ?
R : Pour se déplacer, il faut deux choses : un véhicule et du carburant. Apparemment, il y a des véhicules, mais il n’y a pas de carburant en quantité suffisante. Ce qui rend difficiles les conditions de travail. Il y a donc une diminution des recettes, des problèmes d’entretien et de maintenance des véhicules (les pièces de rechange coûtent cher à cause de la dépréciation monétaire). Les concernés ne gagnent pas, car il n’y a pas assez de carburant. Les conditions de travail sont déplorables, sans parler de l’état des routes dégradées. Cela a un impact négatif sur l’exploitation du transport en commun.
5.De nombreuses familles vivent séparées en raison des exigences professionnelles et malgré le coût de la vie difficile. Quelle observation en tireriez-vous ?
R : C’est une question à la fois sociale, psychologique et économique. Le célibat géographique était déjà un problème complexe bien avant la hausse exponentielle du coût de la vie. Il y a eu le redéploiement du personnel dans les secteurs de l’enseignement et de la santé. Ce qui a entraîné la séparation des familles. Madame est restée dans une province, tandis que le mari est allé dans une autre. Cette situation préoccupe particulièrement les syndicats, notamment ceux des secteurs de l’enseignement et de la santé, ainsi que la COSYBU. Nous demandons toujours au gouvernement, dans la mesure du possible, de favoriser le regroupement des conjoints près de leur lieu de travail.
Au sein du ministère en charge de l’Education, dès qu’il y a des places disponibles, des efforts sont faits pour privilégier le regroupement des familles, mais les résultats tardent à venir.
La séparation des familles entraîne un mal-être. Cela revient à gérer deux ménages au lieu d’un seul. Ce qui entraîne une augmentation des dépenses sans oublier l’impact psychologique de cette séparation sur les enfants, qui peuvent passer un mois, deux mois, voire trois mois sans voir l’un de leurs parents.
6.Plaidez-vous pour une augmentation des salaires ?
R : Bien sûr, il faut augmenter les salaires, mais comment le faire en pleine crise ? La solution ne réside pas uniquement dans l’augmentation des salaires pour faire face au coût de la vie. L’Etat pourrait, par exemple, alléger certaines taxes et impôts, ou encore garantir la disponibilité des produits essentiels comme le carburant. Ce qui contribuerait à faire baisser les prix.
L’augmentation des salaires sera envisageable lorsque la production augmentera. Cela implique une hausse du PIB, une amélioration des recettes fiscales et donc une capacité accrue de l’Etat à revaloriser les salaires. La production ne repose pas uniquement sur les travailleurs. Elle implique aussi les employeurs et l’Etat. Il est donc nécessaire de mettre en place des politiques de création d’emplois et de richesses. Ce qui exige l’implication de tous les acteurs.
C’est pourquoi nous appelons constamment au dialogue, notamment à travers le Comité National de Dialogue Social, afin de souligner le rôle de chacun dans la réalisation de la vision : Burundi pays émergent en 2040, pays développé en 2060.
7.Quels messages d’espoir souhaitez-vous adresser aux travailleurs ?
R : C’est toujours un message d’espoir. Beaucoup se découragent et estiment qu’il est inutile de participer à la fête du Travail. Pourtant, malgré des conditions de vie difficiles, il est important d’y prendre part. C’est justement l’occasion d’exprimer ses revendications.
Après les festivités, il serait même souhaitable de se réunir, de cotiser si nécessaire et de créer un espace d’échange entre employés et employeurs afin de discuter des conditions de travail.
A l’échelle macroéconomique, c’est aussi un message d’espoir. Il faut continuer à réclamer une augmentation de la production et encourager un dialogue franc entre les pouvoirs publics, les employeurs et les travailleurs. Nous insistons constamment sur l’importance du dialogue car les solutions durables se trouvent toujours ensemble.
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