Le Burundi regorge d’un potentiel réel de terres rares dont la qualité est classée première au niveau mondial. Ayant une valeur marchande peu élevée, ce minerai apporte une grande valeur ajoutée sur le plan économique. La société Rainbow qui l’exploite informe qu’elle a déjà exporté 1850 tonnes de concentrés. Le capital étranger dans cette société représente 90% tandis que celui du gouvernement est de 10%. Le citoyen lambda remplissant les conditions peut y acheter des actions

Professeur Gilbert Midende, directeur général de Rainbow Mining Burundi : « Le potentiel des terres rares est sûr et certain au Burundi ».
« Le potentiel des terres rares est sûr et certain au Burundi. Nous y croyons pour différentes raisons », déclare Pr Gilbert Midende, directeur général de Rainbow Mining Burundi qui œuvre dans le secteur minier depuis bientôt plus de 45 ans. Cela par ses études et sa carrière scientifique et académique.
Géologue de formation et professeur des problèmes de commercialisation et d’économie des minerais à l’Université du Burundi et dans la sous-région, ce lauréat doctoral de 1984 de l’Université Libre de Bruxelles explique que différentes recherches sur les terres rares ont été faites au Burundi.
« Aujourd’hui, nous sommes en train d’exploiter ce potentiel. De plus, d’autres géologues de différentes spécialités viennent souvent y faire des recherches. Tout le monde s’accorde sur le fait que c’est un grand gisement de qualité mondiale », martèle-t-il.
Cependant, continue Pr Midende, on doit faire plus de travaux pour comprendre latéralement et en profondeur ce gisement. Cela en comprenant la géométrie, la dimension des veines et comment l’exploiter.
La qualité des minerais les classe au premier rang mondial
Le directeur général de Rainbow Mining Burundi fait remarquer que la qualité des terres rares les classe au premier rang mondial.
Pour caractériser un dépôt, éclaire-t-il, il y a les quantités. C’est cela qu’on appelle le potentiel tandis que la qualité, c’est la teneur.
Pour le cas du Burundi, Pr Midende informe que dans certaines parties du gisement, on peut arriver à du minerai pur qui titre plus de 50% des terres rares. « Lorsque ce minerais pur est mélangé avec de la terre, les teneurs diminuent fortement. Elles vont jusqu’à 20% voire 10% des terres rares. Toutefois, sa teneur reste très supérieure aux teneurs connues ailleurs dans le monde », martèle-t-il.
Une société ouverte
Selon Pr Midende, Rainbow Mining Burundi est une société mixte dans laquelle le capital étranger représente 90%. L’Etat détient dans cette société mixte 10% de part gratuite. « Les deux entités se sont mises ensemble pour constituer la société Rainbow Mining Burundi. Elle a comme objet d’exploiter les gisements de terres rares se trouvant dans la région de Gakara dans la province de Bujumbura à cheval sur les communes de Kabezi et Mutambu », fait-il savoir avant d’annoncer que probablement il existe des gisements de terres rares dans les communes environnantes.
Le Professeur Midende signale que Rainbow fait partie d’un groupe des sociétés minières « Pella Resources Ltd ». Celui-ci opère un peu partout en Afrique. Rainbow Mining Burundi fait partie d’un sous-ensemble des sociétés Rainbow rare earths cotées à la bourse de Londres.
« N’importe quel individu, n’importe quelle société peut y prendre des parts. Pourvu qu’il remplisse les conditions exigées par la bourse de Londres », rassure-t-il.
Les actions sont cotées régulièrement par la bourse de Londres. Les conditions exigées sont notamment avoir de l’argent, passer par le biais des banques agréées à cette fin (brokers). Ces banques font des procédures. Elles identifient la personne, d’où viennent les fonds (fonds propres …) et selon la valeur de l’action. Par après, c’est le moment de la vente de ces actions. Les concernés peuvent se présenter pour payer les actions (cfr le site web de Rainbow Mining Earths).

Les terres rares ont une valeur marchande peu élevée. Elles nécessitent beaucoup d’investissements pour leur exploitation.
Un prix fixé conformément à la teneur
Le prix des terres rares varie suivant la teneur qu’on a dans le concentré, rappelle le directeur général de Rainbow Mining Burundi.
D’après Pr Midende, Si on prend les 14 éléments des teneurs des terres rares séparés (poudres de terres), une tonne coûte en fonction des teneurs, soit entre 15 et 20 mille USD.
En fonction de la mine, souligne-t-il, il faut beaucoup de travail pour passer des concentrés aux terres rares pures. « Au Burundi le prix d’une tonne de concentrés de terres rares varie entre 1500 et 2000 USD. Les frais de traitement sont énormes », poursuit-il.
Un objectif non encore atteint
Rainbow Mining Burundi a déjà exporté 1850 tonnes de concentrés de terres rares depuis 2017, 1350 tonnes fin 2017 et 2018, 350 tonnes en 2019 et 500 tonnes en 2020 comme l’explique Pr Midende.
Pour lui, c’est très en deça des objectifs de la société.
« Nous voudrions absolument exporter par an 5 mille tonnes de concentrés de terres rares par an. C’est cela notre objectif. Il y a moyen de le réaliser au vu du potentiel se trouvant dans notre périmètre. Cela en investissant beaucoup plus dans les enjeux d’exploitation et de traitement et préalablement en investissant dans l’exploration pour mieux connaître la ressource, latéralement et en profondeur et en connaissant mieux les caractéristiques géométriques de notre ressource. Ce sont des travaux à faire », dit-t-il.
Un minerai à valeur marchande peu élevée
D’une manière générale, les minerais n’ont pas la même valeur économique, témoigne Pr Midende.
Selon lui, il y a des minerais qui ont une valeur marchande très élevée. Ceux-ci nécessitent peu d’investissements pour leur exploitation. C’est par exemple l’or, le diamant, le coltan, la cassitérite…Ils apportent directement de l’argent frais dans le pays et pour l’exploitant. Ils se prêtent aux méthodes d’exploitation artisanale. On n’investit presque rien. Les méthodes d’exploitation sont simples et on vend directement ce qu’on exploite.
« Cependant, il y a des gisements qui ont une valeur marchande peu élevée. Ces gisements nécessitent beaucoup d’investissements pour leur exploitation. Par exemple les gisements de terres rares, de nickel, les gisements de vanadium », raconte Pr Midende. Ils exigent beaucoup d’investissements en termes d’énergie, en termes d’infrastructures (il faut les transformer) et en termes de transformation (il faut toute une technologie).
Et d’aviser : « Ce genre de gisement n’apporte pas nécessairement beaucoup d’argent tout de suite, mais ils apportent une très grande valeur ajoutée sur le plan économique notamment en termes d’investissement, de création d’emplois et aussi d’autres services connexes ».
Par exemple, confie-t-il, cela fait 3 ans que Rainbow Mining Burundi exploite le minerai des terres rares à Gakara. C’est très peu pour la vie d’une mine.
«Nous avons déjà investi plus de 6 millions USD. Nous avons pour le moment plus de 250 employés permanents. Ils sont tous salariés et ils paient les impôts. Nous-mêmes en tant que société minière, nous payons des taxes à l’Etat à part la taxe ad valorem, spécifique au secteur minier. Nous payons aussi des taxes de droits communs comme prévus dans le code des impôts et des investissements sans parler des services connexes comme les fournitures diverses que nous achetons sur place…», atteste Pr Midende.

Pour éviter les effondrements dans la mine des terres rares de Gakara, on applique l’aménagement en terrasses.
3 étapes pour produire un métal
Le directeur général de Rainbow Mining Burundi notifie qu’à partir d’un minerai brut de n’importe quel type de minerais, il y a d’abord une concentration mécanique. C’est celle-ci qui donne un concentré.
Et puis, authentifie Prof Midende, par des procédés physiques, on passe à une teneur de 2% à 15%. Après la phase de concentration, il y a la phase d’extraction.
« Dans le cas d’espèces, on extraie les terres rares. Cela par des procédés chimiques qui coûtent cher. Pour le cas des terres rares, il y a la phase de séparation des 14 éléments qui n’ont pas les mêmes valeurs et la même utilisation. Et après il y a la phase de raffinage », révèle-t-il.
Pour Pr Midende, c’est une chimie complexe et cela coûte cher. Les terres rares ont le même comportement chimique. On doit faire recours à des techniques très compliquées, les maîtrisées. Puis on utilise beaucoup d’acides. Ce qui cause un problème environnemental.
Ce n’est pas facile, explicite-t-il, de les loger dans la nature. Il faut avoir beaucoup d’énergie qu’on n’a pas ici au Burundi.
« Par ailleurs, toutes les usines de traitement des terres rares se trouvent en Chine. Même le gisement des terres rares est traité en Chine. Nous le vendons à une société allemande (ThyssenKrupp) qui le traite en Chine. C’est-à-dire que la technologie n’est pas à notre portée tout de suite », communique le géologue.
Toutefois, tranquillise Pr Midende, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas essayer au moins d’avoir un produit intermédiaire dont une matt qui contient toutes ces terres rares (terres rares qui ne sont pas séparées) dans laquelle on a séparé les autres éléments qui ne sont pas nécessaires.
«Notre gisement de terres rares est un carbonate de terres rares. On peut fabriquer des oxydes de terres rares. Donc un mélange des oxydes de terres rares. Les études sont en cours. On calcule ce que cela coûte», articule Pr Midende. D’où on peut préférer exporter le produit brut.
De bonnes conditions pour la commercialisation
Les minerais sont fraudés, volés et commercialisés. Quant à la fraude et au vol des minerais, le géologue témoigne que des voleurs armés vont dans les pays voisins pour exploiter les minerais sans l’accord des pays hôtes. Ce qu’il qualifie de pillage.
Il atteste pourtant qu’un commerce transfrontalier des minerais a toujours existé. Les pays créent de bonnes conditions de commercialisation des minerais entre autres la sécurité, les banques, les avions, les succursales des laboratoires internationalement reconnus. Les pays voisins passent dans ce pays pour exporter leurs minerais et laissent des recettes importantes dans ce pays.
Pr Midende élucide que les rumeurs émises sur le vol des minerais sont dus souvent à l’incompréhension du secteur. Celui-ci est exigeant pour avoir les quantités mêmes des minerais à exporter.
Entente entre le vendeur et l’acheteur
Pour exporter un minerai, l’acheteur et le vendeur doivent s’entendre sur la teneur (élément important sur le prix), fait remarquer le directeur général de Rainbow Mining Burundi.
Il confie que le vendeur doit faire ses analyses ainsi que l’acheteur, surtout l’un des deux n’est pas obligé de reconnaître les résultats de l’autre.
Pour arriver à un consensus sur les résultats, assure Pr Midende, les deux s’accordent sur un laboratoire internationalement reconnu, ayant des échantillons standards pour faire les analyses.
Il annonce par contre que pour les terres rares, avant d’être exporté, chaque lot de terres rares est analysé au laboratoire de Rainbow. Cela en présence d’un agent de l’Office Burundais des Recettes (OBR) et d’un autre de l’Office Burundais des Mines (OBM).
« Les résultats obtenus concordent avec ceux obtenus dans deux autres laboratoires, un du Canada et un autre de la Chine », certifie le professeur.

Le concentré des terres rares produit au Burundi contient 14 éléments formant les terres rares.
Le transport des terres rares actuellement facile
Les terres rares sont transportées par camion du Burundi à Dar-es-Salaam en Tanzanie. Elles sont ensuite transportées par bateau.
La quantité transportée ne cause pas de problème, surtout qu’un seul camion prend sur lui 25 tonnes.
Même si on aura à exporter 5 mille tonnes par an, ponctue Pr Midende, le transport des terres rares restera facile. Ce ne sera que 5 camions par semaine qui devront partir.
Vers la régularisation de la Taxe ad valorem
Pr Midende rappelle que la taxe ad valorem est prévue par le code minier. Elle est commune pour toutes les sociétés minières. Elle est de 4% de la valeur du produit exporté. En ce qui est des terres rares, spécifie-t-il, c’est 4% du concentré exporté, mais ce n’est pas 4% de la valeur des terres rares contenues dans les concentrés.
« Ici nous exportons des concentrés. Du prix des terres rares nous devrons déduire les frais de transport et les frais de traitement. Ainsi, on a la valeur du concentré. C’est pour cela qu’au début de l’exploitation, on a discuté avec l’Office Burundais des Recettes (OBR) pour connaître qu’elle était la valeur du concentré. Nous nous sommes convenus sur une expertise indépendante. Un bureau payé par la Banque Mondiale (BM) est venu étudier qu’elle était la valeur de ce concentré », prouve le directeur général de Rainbow avant de se réjouir qu’en attendant, on s’est convenu que Rainbow exporte en payant 4% sur la valeur des terres rares.
Après l’étude, les deux parties se sont entendues sur la valeur du concentré. Elles se sont également entendues sur ce que le gouvernement devait rembourser (le trop payé) à Rainbow. Bien que la société ne soit pas encore remboursée, il y a eu un accord y relatif.
Une étude de faisabilité de construction d’une école technique minière en cours
Quand on a signé la convention avec le gouvernement, Rainbow s’est engagé à faire beaucoup de choses. Le contrat est de 25 ans.
« Tout ce qui se trouve dans la convention ne doit pas être fait tout de suite », fait savoir Pr Midende.
Il rapporte que comme toute autre société minière, Rainbow a accepté la construction d’une école technique minière. Le problème reste d’étudier si on va construire plus d’une école technique.
Malgré cela, il s’inquiète qu’une école ne signifie pas seulement les bâtiments.
Sans doute, insiste le directeur général de Rainbow, il faut définir les objectifs, définir les besoins pour le développement du secteur minier, quel profil, combien d’apprenants, il faut les former pendant combien de temps, quel est le contenu des cours… ?
Comme ce sont des choses pratiques, il faut aussi penser aux équipements nécessaires, aux professeurs, bref, à une étude de faisabilité. «Sinon c’est tromper le pays», regrette-t-il avant de rassurer qu’une étude de faisabilité est en cours et de commun accord avec les autres sociétés minières.

A Kabezi, une usine transforme les minerais bruts des terres rares en concentré des oxydes des terres rares prêts pour être exportés.
Eboulements de terrain et la route Kabezi-Mutambu, toujours un défi
Un des défis qui hantent l’exploitation du gisement des terres rares de Gakara est que celui-ci se trouve sur la crête Congo-Nil à Mutambu. C’est dans une région très pluvieuse avec un relief très escarpé. Les conditions sont réunies pour avoir beaucoup d’éboulements dans la mine et sur la route à partir de Kabezi.
« Pour ce qui concerne la mine des terres rares de Gakara, nous appliquons la pente des terrasses pour contourner les éboulements », relate Pr Midende.
La route, Kabezi-Mutambu reste problématique et ne favorise pas le transport des concentrés de terres rares. « C’est l’Etat qui est chargé de l’entretien de cette route. En entendant que celui-ci accomplisse son devoir, Rainbow fait de son mieux pour l’entretenir. Ce qui coûte à l’entreprise beaucoup d’argent et de temps » signale-t-il avant d’ajouter que le problème est déjà soumis à l’Etat pour le régler ensemble dans le cadre des intérêts communs.
Ce qu’on attend des minerais
Les mines peuvent jouer un rôle significatif dans la diversification économique du pays. « Jusqu’ici, l’économie est basée sur l’agriculture. Elle s’essouffle », déplore le géologue.
Pour le secteur minier, il faut des conditions. La principale condition est de savoir ce que le pays regorge comme ressources minières (teneur et qualité). Ce qui n’est pas encore fait pour tous les minerais. Certains sont déjà évaluer.
« Les gisements d’or par exemple ne sont pas encore évalués. Il en est de même des gisements de coltan », se désole Pr Midende.
De surcroît, il faut avoir une politique minière. Les conditions pour valoriser l’or par exemple ne sont pas les mêmes que les conditions pour valoriser le nickel.
C’est pourquoi cette politique minière est nécessaire et doit tenir compte de ce qu’on a dans le sous-sol.
En outre, elle doit se référer à l’enclavement du pays, à ce qu’on se trouve à 1500 km de l’océan Indien.Le pays doit être concurrentiel avec les pays ayant les mêmes ressources et doit être concurrentiel vis-à-vis des voisins.
Pour certaines choses, on doit collaborer avec les voisins, notamment en ce qui concerne la taxation. Tout cela doit être consigné dans le code minier. Celui-ci doit prendre en considération l’aspect infrastructures. On ne peut pas développer le secteur minier sans énergie. Ici même l’énergie domestique ne suffit pas.
Il faut des voies d’accès (routes, chemins de fer). Le pays n’a pas un potentiel pour pouvoir produire l’énergie nécessaire à l’exploitation des mines. Par conséquent, on peut coopérer avec les autres pays africains pour la produire.
Il faut enfin créer un climat d’investissement favorable aux affaires. Cela pour attirer les investisseurs étrangers.
Dans nos prochaines publications, nous allons vous décrire la pénible production des concentrés des terres rares sur terrain.
Merci pour cet article très instructif.
Nous aimerions vous entendre parler des processus et procédures d’indemnisation des propriétaires de ces sites d’exploitation des minerais.
Merci à vous cher Prosper. C’est le dossier en cours. On attend si l’administration locale va s’exprimer. Sinon, les propriétaires des terres où sont localisés les sites minières et les dépôts des stériles sont indemnisés. A partir des indemnisations, certains ont construit même des maisons en tôle.