L’unique dépotoir de la capitale économique Bujumbura est perçu comme une source de revenus pour de nombreuses personnes. Des vulnérables de tout âge y passent leurs journées à fouiller différents objets qu’ils peuvent vendre pour subvenir à leurs besoins. Cependant, cette situation a des conséquences néfastes sur leur santé. En attendant la délocalisation de cette décharge, les autorités locales insistent sur l’importance de privilégier l’apprentissage des métiers.

Des déchets en provenance de tous les quartiers de la ville de Bujumbura forment une sorte de chaîne de montagnes.
Dans le dépotoir de Buterere, des déchets en provenance de tous les quartiers de la ville de Bujumbura forment une sorte de chaîne de montagnes. Des eaux de couleur grise, noirâtre et autres coulent partout. Ici, certains déchargent de nouveaux déchets, tandis que d’autres brûlent des immondices à proximité. L’endroit, infesté de mouches, dégage une odeur nauséabonde, insupportable pour les nouveaux venus.
Pourtant, pour ceux qui y sont habitués, la vie semble normale. Depuis les sommets de ces montagnes de détritus, certains jeunes se reposent et contemplent les environs. Des cabanes construites au sommet de ces montagnes témoignent que cet espace est, pour quelques-uns, un milieu de travail, un point de vente ou encore un lieu d’approvisionnement.
Sur cette décharge, toutes les catégories d’âge y sont représentées : des enfants de moins de 10 ans, des adolescents, des jeunes, des mères portant des nourrissons sur leur dos, etc. Ces personnes ramassent divers objets qu’elles utilisent chez elles ou qu’elles vendent pour survivre.Des balances sont même installées sur les lieux, car elles sont particulièrement utiles pour peser ce qui sera vendu.
Pour certains, une source de fierté
Aline Ngendakumana, résidente de la cellule Mugaruro est une mère de sept enfants qu’elle élève seule depuis que son mari l’a abandonnée. Depuis 13 ans, elle tire sa subsistance de cette décharge. « Ici, ce n’est pas une décharge pour nous, « tuhita kwa siyoni », affirme-t-elle avec insistance. Forte de son expérience, elle cible certains matériaux : le charbon, le fer, les os, qu’elle considère comme très rentables ainsi que des restes alimentaires pour nourrir sa famille.

Aline Ngendakumana : « Je n’en fais pas un projet de développement, mais cela me permet de nourrir mes enfants et de leur éviter de voler ou de se prostituer ».
Elle explique qu’elle peut vendre un seau de charbon à 2 500 FBu, un kilo de fer à 500 FBu et un kilo d’os à 200 FBu. « Nous survivons grâce à l’arrivée des déchets. Les bons jours, je peux gagner entre 5 000 et 7 000 FBu. Mais lorsqu’il n’y a pas de carburant pour amener de nouveaux déchets, je ne gagne rien », se lamente-t-elle. Mme Ngendakumana se dit fière de pouvoir nourrir sa famille sans recourir au vol. « Je n’en fais pas un projet de développement, mais cela me permet de nourrir mes enfants et de leur éviter de voler ou de se prostituer », dit-elle.
Interrogée sur les maladies qu’elle pourrait contracter à cause de cette vie dans la décharge, elle affirme curieusement qu’elle tombe rarement gravement malade. « Nous avons notre Dieu à nous seul pour nous protéger », dit-elle fièrement. Néanmoins, elle demande au gouvernement de leur accorder une mutuelle de santé pour se faire soigner à moindre coût en cas de maladie. « Si l’Etat nous interdit d’accéder à cette décharge, il devra nous fournir un autre emploi. Sinon ce sera très difficile pour moi », fait-elle savoir.
Des conséquences graves
Selon Dr Jean Nsabimana, responsable du département de Géographie à l’Université du Burundi, la décharge, située au milieu des habitations, provoque des nuisances olfactives pouvant entraîner des maladies respiratoires. Les personnes qui y vivent et y travaillent respirent un air fortement contaminé.
Cette préoccupation est partagée par Serge Hategekimana, chef de zone de Buterere. « La zone de Buterere est souvent touchée par des maladies persistantes liées à ces déchets comme le choléra, la variole du singe, les vers intestinaux, etc. Nous sensibilisons régulièrement les habitants à quitter cette zone mais, comme elle n’est pas clôturée, il est difficile de les en chasser définitivement », explique-t-il.
Dr Nsabimana souligne également que la décharge affecte gravement le lac Tanganyika, une ressource essentielle pour l’eau potable et la pêche des citadins. Il explique que les déchets, riches en nutriments et en matières organique, favorisent la croissance d’algues qui, en se décomposant, consomment l’oxygène et mettent en danger la vie aquatique.
Pour lui, les matières organiques pourraient être récupérées pour produire du compost, tandis que le plastique et le verre pourraient être recyclés. « Cela permettrait de réduire les importations de matières premières et de transformer la décharge en une opportunité économique plutôt qu’en un défi », explique-t-il.
Des initiatives à faible impact
Retirer ces personnes de ce dépotoir a toujours été une préoccupation des administratifs de Buterere. Selon le chef de zone, certains organismes ont essayé d’enseigner des métiers aux riverains de la décharge, comme la couture ou la fabrication de charbon à partir des déchets, etc. « Ceux qui continuent à venir ici sont souvent des gens paresseux qui refusent d’apprendre ces métiers, mais beaucoup ont déjà intégré ces initiatives », assure-t-il.
Toutefois, pour Mme Ngendakumana, ce n’est pas la paresse qui les pousse à rester. « Ce travail demande énormément d’efforts. Imaginez devoir chercher chaque jour des objets sans même savoir s’ils sont là. Nous manquons simplement d’autres opportunités. Si nous avions du travail, nous travaillerions », explique-t-elle.
Pascal Karenzo, 50 ans, reconnaît que les initiatives pour leur apprendre des métiers sont bonnes, mais elles manquent de suivi. « Souvent, on nous apprend un métier, puis on nous abandonne. Sans emploi, nous revenons ici. Chaque fois que nous obtenons un emploi, la population de la décharge diminue », précise-t-il.

Christian Nimubona, Directeur Général de l’Environnement : « Il ne reste plus qu’à préparer le site de Kididaguzo pour qu’il soit opérationnel ».
Vers une délocalisation du dépotoir ?
Christian Nimubona, Directeur Général de l’Environnement, confirme que le site de Kididaguzo, dans la province de Bubanza, a été identifié pour remplacer celui de Buterere. « Un nouveau site existe, et toutes les démarches nécessaires pour obtenir le titre foncier ont été accomplies. Les documents sont déjà transmis. Il ne reste plus qu’à préparer ce site pour qu’il soit opérationnel », annonce-t-il.
Rappelons que la décharge actuelle est située dans le quartier Mugaruro, zone Buterere et couvre une superficie de plus de 4 hectares. Elle demeure l’unique dépotoir pour les déchets provenant de tous les quartiers de Bujumbura.
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