Economie

Dette publique : L’Afrique sort du silence

Les Etats africains ne peuvent plus accepter d’être évalués uniquement à travers la taille de leur déficit, mais plutôt tenir compte des efforts fournis pour préparer l’avenir. L’Afrique a besoin d’une nouvelle doctrine sur la dette, une doctrine où l’endettement n’est pas considéré comme un mal en soi, mais comme un outil de transformation, à condition d’être bien utilisé et bien encadré. Cela ressort de la conférence africaine sur la dette publique tenue au Togo du lundi 12 mai au mercredi 14 mai 2025.

« La dette publique africaine a atteint 1 860 milliards USD en 2024 ». (Photo © Wathi)

 

Dans cette conférence organisée par le Département du Développement Economique, du Tourisme, du Commerce, de l’Industrie et des Minéraux (ETTIM) de la Commission de l’Union Africaine (CUA) sur la dette publique en Afrique, il a été révélé que la dette publique africaine a atteint 1 860 milliards USD en 2024, contre 1 000 milliards USD moins de dix ans auparavant. Le ratio moyen dette/PIB est passé de 44,4 % en 2015 à 66,7 % aujourd’hui, et plus de 20 pays africains sont désormais en situation de surendettement ou s’en rapprochent dangereusement.

Selon Faure Essozimna Gnassingbé, Président du Conseil de la République Togolaise, le surendettement africain n’est plus un risque, il est une réalité quotidienne. « Plus de vingt pays africains sont aujourd’hui en situation de détresse ou à haut risque alors même que nos besoins de financement sont immenses, urgents et légitimes ; qu’il s’agisse des infrastructures, de la santé, de l’éducation, de la sécurité, ou encore du climat », déclare-t-il.

Des efforts considérables engagés, mais en vain

M.Faure Essozimna Gnassingbé fait remarquer que depuis 20 ans, les Etats ont fait des efforts considérables en engageant des réformes de bonne gouvernance, en renforçant les systèmes de gestion publique et en améliorant la transparence budgétaire. « Et malgré cela, en 2024, l’Afrique a déboursé plus de 160 milliards de dollars pour le service de sa dette. Soit bien plus que ce qu’elle consacre à ses systèmes de santé ou d’éducation », précise-t-il avant d’indiquer qu’il ne s’agit pourtant pas d’une fatalité économique.

C’est le résultat d’un système dans lequel les règles sont pensées ailleurs, pour d’autres priorités. Pour lui, il est temps de passer d’une logique de surveillance à une logique de confiance. « Un partenariat sincère doit reposer sur la confiance mutuelle, pas sur la défiance structurelle », explique le Président Togolais.

M.Faure Essozimna Gnassingbé constate aujourd’hui l’assèchement progressif de l’aide extérieure, la hausse des taux d’intérêt, les incertitudes géopolitiques mondiales, et la réduction des financements climatiques. « On ne peut plus continuer à appliquer une telle grille conservatrice quand nos pays sont, en réalité, confrontés à des obligations de transformation urgente. Il faut donc discuter avec les institutions financières internationales des critères qu’elles utilisent », insiste-t-il.

Il est dans l’intérêt de l’Europe et du monde entier, selon toujours le Président Togolais, d’aider l’Afrique à se financer. Il ne s’agit pas de charité, mais de responsabilité partagée. « Financer aujourd’hui l’adaptation en Afrique, c’est éviter demain l’explosion des migrations, des crises alimentaires et des conflits climatiques. Bien sûr, le monde entier sait que l’Afrique est la victime des dérèglements provoqués ailleurs. C’est donc un devoir de solidarité, mais c’est surtout un impératif de lucidité », précise-t-il.

Des promesses non tenues

M.Faure Essozimna Gnassingbé avise que les moyens mis à disposition de l’Afrique pour répondre à certains défis restent dérisoires. La transition énergétique, l’adaptation climatique, la résilience des systèmes agricoles ou sanitaires nécessitent des investissements massifs. « Mais les promesses faites à l’Afrique ne sont ni tenues, ni prioritaires dans les agendas occidentaux », déplore-t-il.

Il est temps, pour le Président Togolais, de dire aux partenaires que leur propre avenir dépend de la stabilité de l’Afrique et que cette stabilité exige des ressources, mais pas des injonctions. Il ne s’agit pas d’aide humanitaire, mais d’investissement stratégique. Et de conclure : « Nous ne demandons pas le droit à l’irresponsabilité, mais le droit à un développement responsable » avant de rappeler que le continent africain n’est pas un problème aujourd’hui, qu’il est une part de la solution de demain. Cela en tenant compte des ressources comme la jeunesse qui sont des talents pour être un moteur de stabilité et d’innovation.

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A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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