Société

L’exode rural : Les jeunes filles plus victimes que leurs pairs masculins

A la recherche d’une vie meilleure, les jeunes filles quittent de plus en plus les campagnes vers les centres urbains. Ne disposant d’aucune ouverture sur le monde moderne, elles ne savent pas qu’elles sont exposées à de nombreux obstacles. C’est le cas des employées domestiques « les bonnes »

Une discussion bat de l’aile dans un groupe whatsapp rassemblant une centaine de femmes qui partagent des expériences pour bien élever leurs enfants. Une femme expose le calvaire qu’elle a vécu pendant la nuit. «Ma domestique s’est fait avorter clandestinement et elle a saigné toute la nuit. Notre nièce qui habite chez nous est venue toquer à notre chambre conjugale pour nous dire qu’elle est en train de mourir. On a dû l’amener à l’hôpital 2 h du matin», raconte-t-elle. Ce que j’ai vécu la nuit je ne le souhaite à personne d’entre vous, ajoute-t-elle. Des flux de commentaires ont ensuite fusé de partout, les uns lui témoignant leur compassion, les autres partageant leurs expériences avec elle.

Une autre femme explique comment elle a découvert que « sa bonne » (comme on les appelle) de 20 ans est enceinte. Elle a eu une conversation avec elle et lui a conseillé d’arrêter de travailler. « Je lui ai dit qu’elle devrait s’entendre avec le père de l’enfant. Elle m’a dit que celui-ci, également domestique, a joué avec ses sentiments et l’a engrossée alors qu’il avait une autre femme à l’intérieur du pays mais que, malheureusement, l’a su trop tard ». La femme raconte qu’ensuite elle lui a donné son dû et quelques affaires pour bébé et l’a renvoyé chez elle à Muyinga. Une semaine après, la domestique en question a appelé son ancienne patronne en la suppliant de lui chercher un boulot et en lui faisant part qu’elle a fait une fausse couche accidentellement. « Mon instinct m’a immédiatement fait croire qu’elle s’est fait avorter. J’ai eu mal au cœur », ajoute-t-elle. Ce jour, une dizaine de témoignages du genre ont été livrés.

Arrivées dans les villes, sans éducation sexuelle, les jeunes filles qui exercent le travail domestique sont à la merci des prédateurs sexuels.

A la recherche de l’eldorado

Les jeunes filles qui quittent la campagne vers les villes viennent pour plusieurs raisons. Pour Ingrid Kamusoni, secrétaire exécutive de l’Association pour Promotion de la Fille Burundaise (APFB), la première raison est l’influence de leurs paires qui leur disent que la ville est un eldorado sans connaître l’histoire qui est cachée derrière. « Certaines sont poussées à abandonner l’école sans même le consentement de leurs parents ». La seconde raison serait liée au fait qu’il y a celles qui viennent justement pour trouver du travail et essayer de tirer leurs familles de la pauvreté.

Elles sont à la merci des prédateurs sexuels

« Arrivées dans les villes, sans éducation sexuelle, ces jeunes filles sont à la merci des prédateurs sexuels », explique Mme Kamusoni. Elle fait savoir que les filles qui viennent de la campagne ne sont pas prêtes à affronter le folklore de la ville et, de ce fait même, tombent dans la manipulation. D’une part, avec ignorance, elles sont manipulées par leurs collègues masculins ou d’autres qui fréquentent les mêmes endroits comme les motards et les taxis vélos. D’autres parts, comme l’explique la secrétaire exécutive de l’APFB, elles subissent des violences tant psychologiques, morales que sexuelles de la part de leurs employeurs.

Elles ne savent pas à quel saint se vouer. Ignorant qu’il y a des centres qui peuvent les aider comme le centre Seruka, elles préfèrent garder le silence. « Malheureusement, 99% des géniteurs ne reconnaissent pas les enfants »

Leur sort est incertain

Quand elles tombent enceintes, les plus « malines » préfèrent avorter clandestinement, car l’interruption volontaire d’une grossesse est punie par la loi burundaise. Et ces dernières courent cependant les risques d’avoir une hémorragie ou une perforation d’organes. Celles qui gardent la grossesse et qui parviennent à avoir un cœur froid retournent chez leurs parents. Malheureusement, les autres préfèrent errer dans la ville. « Tu les trouveras dans les chantiers délaissés des quartiers éloignés. Elles y mettent au monde, commencent à affronter la vie difficilement en faisant le commerce ambulant des légumes ou des fruits. Les autres se prostituent », explique Kamusoni. Certaines ne restent pas avec un seul enfant. Elles deviennent la proie facile des « don juan ». Au final, ce sont ces enfants que nous voyons nombreux errer dans les rues, dit-elle.

La question est à prendre au sérieux

Pour lutter contre ce fléau, l’APFB lance un appel aux pouvoirs publics de prendre les choses au sérieux. « Il faut rendre effective les lois qui protègent les domestiques et surtout punir les auteurs des viols commis par les employeurs », propose la secrétaire exécutive de l’APFB, avant d’ajouter que des centres d’éducation sexuelle, d’hébergement et de formation professionnelle sont nécessaires pour venir à bout de cette situation. « Une fille qui est renvoyé la nuit par son employeur a besoin d’être hébergé pour qu’elle ne soit pas abusée. C’est pareil pour les domestiques qui ne sont pas reconnues par ceux qui les ont engrossées. Pour limiter les dégâts, elles ont besoin d’être accompagnées pour être réinsérées dans la vie courante », explique-t-elle. L’APFB est sur le point de mettre en place ce genre de projets mais comme le précise sa secrétaire exécutive, faute de moyens, cela va prendre du temps.

Toutefois, Kamusoni indique que ces domestiques ne sont pas faciles à être repérées. Elle recommande la mise en place d’une association qui les regrouperait. « Ainsi, elles pourraient s’entraider », explique-t-elle.

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

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