Consciente que le chômage chez les jeunes est une bombe à retardement, la classe politique dirigeante fait flèche de tout bois pour la désamorcer et extirper les jeunes de cet engrenage. Comme réponse : le Programme d’Autofinancement Economique et d’Emploi des Jeunes. La signature des conventions de financement approche
Chez les jeunes rencontrés dans les provinces de Gitega, Kayanza et Ngozi, le PAEEJ est pressenti comme une bouée de sauvetage, il suscite de l’espoir pour certains et quelques inquiétudes pour les autres, surtout ceux qui ne sont pas encore bien informés sur ce programme. Un salut pour les jeunes qui y croient et qui ne jurent que par le PAEEJ.
Mis en place par le décret présidentiel du 9 avril 2021, c’est finalement en mars 2022 que le PAEEJ va signer les premières conventions de financement avec les jeunes porteurs de projets innovants.
Désormais, les cartes sont tirées pour tenter de lutter contre le chômage chez les jeunes, ce fléau qui ronge la partie majoritaire de la population et qui tire vers le bas le développement national.
Une cagnotte de 48 milliards de FBu est mise sur la table pour le financement des projets de développement portés par les jeunes burundais. Selon Désiré Manirakiza, coordinateur national de ce programme, ce retard est dû à la nécessité d’imaginer et de concevoir les mécanismes de gestion de ce fonds pour en garantir la sécurité.
« Vous ne pouvez pas vous lever le matin et distribuer l’argent sans aucune procédure. Tout ce travail de conception et de mise en place des institutions qui vont permettre la sécurisation du fonds nous a pris du temps », explique-t-il.
La garantie de remboursement compte
Selon le responsable du PAEEJ, la catégorisation des jeunes porteurs de projets est, elle-même fondée sur le principe de la sécurité du capital. Dans les prévisions, le PAEEJ imposera la cogestion des projets pour certaines catégories de demandeurs de financement.
Il s’agit notamment de la première catégorie constituée de jeunes qui évoluent dans le secteur primaire et qui sont regroupés dans les coopératives de production agro-pastorale.
La gestion binaire sera également obligatoire pour la deuxième catégorie faite de jeunes porteurs de projets novateurs axés sur la transformation de produits agricoles ou autres alors qu’ils ne disposent pas de capitaux.
Pour ces deux catégories de jeunes, tout payement d’intrant et toutes autres dépenses liées au fonctionnement se feront par virement. « Il n’y aura pas de virement de l’argent dans les comptes », prévient le coordinateur du PAEEJ.
Alors que les deux premières catégories auront à rembourser sans intérêt, les jeunes entrepreneurs qui ont réussi par eux-mêmes devront rembourser le crédit avec un intérêt de 7%.
Le PAEEJ ne se soucie que du projet
Une certaine opinion craint que l’activité du PAEEJ ne soit politisée et qu’il y ait des exclus. Le coordinateur de ce programme initié par le président, reconnaît l’existence de cette réticence et explique le mode opératoire du PAEEJ pour éclairer l’opinion.
Pour lui, le PAEEJ a mis en ligne le matériel d’application afin de postuler dans le but d’éviter toute sorte de fraude ou de parrainage. « On n’exige ni photo ni carte d’identité », souligne-t-il.
Il tient à rappeler que le projet revêt un caractère national et qu’il est là pour tous les jeunes. « Que les jeunes se sentent concernés par ce programme, qu’ils comprennent qu’il ne s’agit pas d’un programme d’un parti mais un programme national qui est là pour servir tous les jeunes », insiste Désiré Manirakiza.
Cependant, alors que chaque coopérative sera constituée de 20 ou 25 individus, le coordinateur du PAEEJ indique que la participation à la coopérative de deux personnes issues d’une même famille ne sera pas acceptée. « L’équilibre genre sera prise en considération ».
Emmené à répondre sur la question de savoir si les coopératives collinaires « Sangwe » seront financées par son fonds, il affirme que PAEEJ participera lui-même à la formation des groupements qu’il soutiendra.
Cependant, les coopératives préexistantes pourront bénéficier du financement si elles accomplissent les caractéristiques prises en considération. « Nous financeront l’idée, tel projet et non la personne », insiste-t-il.
Certains jeunes sont prêts
Pour se rendre compte de l’état des lieux sur le terrain, rien ne vaut une descente et d’aller vers ces jeunes sur leurs collines. Cap sur Giheta de la province Gitega, notre première destination.
C’est mardi le 15 février aux environs de 10 heures que nous partons de Bujumbura. Après plus de 2 heures de route, nous sommes obligés d’abandonner la route nationale goudronnée pour emprunter une piste en terre battue. Il faut aller à la découverte des potentiels candidats à l’entrepreneuriat.
Nous empruntons un petit sentier et après une demi-heure de piste, nous voilà dans le village. Notre éclaireur nous fait signe de nous arrêter. «Nous sommes arrivés à destination», prévient le jeune homme.
Nous devons pénétrer à l’intérieur d’un enclos. Dans la cour devant la maison, un terrain a été aménagé pour l’élevage de poules. Un poulailler en cours de construction avec une toiture en précaire, en pailles.
Le projet semble être lancé, il y a longtemps et arrêté à mi-chemin. Les herbes ont poussé. Par terre, git du matériel à utiliser. Là, les jeunes se sont déjà préparés au financement.
Notre éclaireur est très connu dans les environs. Fermier autodidacte, Wilbert Dusabe a servi comme partenaire dans une formation récemment dispensée par le PAEEJ auprès des jeunes en commune Giheta.
C’est lui donc qui nous présente les premiers jeunes prêts à se lancer. « Il y a une année que nous avons commencé à aménager ces lieux. Notre projet est de développer l’élevage de poules », affirme Ferdinand Nicintije, un des deux jeunes qui se dit déjà déterminé.
Apparemment, ces jeunes semblent avoir attendu pendant longtemps le financement de PAEEJ. Selon ce jeune, il n’y a plus rien à attendre que de se lancer dans l’entrepreneuriat.
Il signale avoir terminé ses études secondaires depuis 2016 et qu’il n’espère pas avoir un emploi rémunéré. D’ailleurs ce n’est plus son projet. « Je n’accepterais plus d’abandonner ce projet d’élevage pour un emploi quelconque », clame ce jeune sans emploi. Pour lui, c’est sûr que le projet sera rentable.
En commune Giheta, le travail de regroupement des jeunes sur chaque colline serait déjà terminé, si l’on en croit les propos du fondateur de la Maison du fermier.
Des craintes d’un possible sectarisme
Le coordinateur poursuit son programme de sensibilisation et affirme travailler avec les administratifs pour faire passer le message. Cependant, les jeunes rencontrés au chef-lieu de la province Kayanza n’y voient pas encore clair.
Il est aux environs de 14 heures. Nous nous dirigeons dans un atelier se trouvant à la périphérie du chef-lieu de la province. Il s’agit d’une association de 7 jeunes.
A quelques mètres des bordures de la route, l’atelier est installé dans une maison encore en chantier. A l’intérieur, ils sont trois à travailler, chacun sur sa tâche. Visiblement, le matériel manque cruellement à cet atelier.
Occupés à raboter les planches avec ses compagnons dans un atelier, I. N indique ne pas connaître le PAEEJ. Dans ses propos, il le confond très souvent avec la BIJE, la ’’banque des jeunes’’. Pour lui, les procédures sont compliquées et il est difficile de trouver les informations. Il se dit pourtant prêt à déposer son projet si cette opportunité vient à se présenter.
« Nous essayons de bien faire même si nous y allons à la main. C’est la débrouillardise », indique-t-il en pointant du doigt une armoire qu’il a montée. A propos du PAEEJ, il croit plutôt que les administratifs pourraient n’avoir donné l’information qu’aux jeunes actifs dans le parti au pouvoir.
Son compagnon abonde dans le même sens et explique qu’il a déjà fait objet d’une agression de la part de ses concurrents. Il affirme avoir été sommé d’abandonner son projet d’élevage de poules. La raison n’est pas être membre du parti au pouvoir. Pour lui, « ils ont toujours joué sur l’exclusion quand il s’agit d’une opportunité ».
Les jeunes de Ngozi ont besoin de plus de lumière
Les jeunes de la province de Ngozi interrogés semblent eux aussi sous-informés. Alors que le coordinateur du PAEEJ procédait au lancement des travaux de sensibilisation sur les objectifs de ce programme auprès des jeunes dans cette province. Certains jeunes venus par curiosité, ont manifesté quelques inquiétudes mais d’autres affirment avoir senti quelques opportunités d’affaire.
« Nous sommes prêts à proposer notre projet », affirme une femme qui avait représenté une coopérative de production agricole. Selon lui, leur coopérative compte 25 personnes au total dont 18 femmes.
Pour les jeunes regroupés au sein de la Coopérative chargée de la vente des téléphones mobiles et leurs accessoires au Burundi, l’information en rapport avec le programme PAEEJ n’est pas nouvelle. Cependant, ils disent ne pas savoir s’ils sont concernés. Ils pensent que l’information leur aurait été privée pour des raisons inavouées.
Selon Emmanuel Ntaconsanze, chef de cabinet du gouverneur de la province Ngozi, les préparatifs se poursuivent dans la province de Ngozi. « Nous sommes en train de préparer les jeunes sur toutes les collines », affirme-t-il. A propos des inquiétudes qui s’observent chez certains jeunes, Ntaconsanze pense que cela dépend de la mobilité des jeunes qui ne sont pas parfois présents sur leur colline. Il invite tous les jeunes à participer au programme.
« Le développement est personnel »
Pour informer les jeunes, le patron du PAEEJ trousse les manches. Le lancement de la sensibilisation a déjà été fait dans certaines provinces. Malheureusement, il affirme que la jeunesse burundaise manifeste un certain désintéressement par rapport au PAEEJ.
Désiré Manirakiza promet de poursuivre la sensibilisation. Mais, il rappelle que les jeunes devraient, en tant que futurs entrepreneurs, comprendre eux-mêmes où se trouve leur intérêt.
Selon le coordinateur du PAEEJ, le programme financera jusqu’à 3.000 projets de coopérative à travers le pays. A propos de l’inquiétude liée à la sensibilisation, Désiré Manirakiza affirme plutôt que les jeunes devraient prendre en main leur avenir.
« On ne développe pas, on se développe », dit-il citant Joseph Ki-Zerbo, historien Burkinabé. Pour dire que les jeunes en besoin de financement devraient eux-mêmes le prendre au sérieux.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.