Commerce

Hausse du prix de la pomme de terre : Un coup de massue dans le dos des consommateurs

Le prix de la pomme de terre augmente exponentiellement. Ce qui constitue un coup de massue dans le dos des consommateurs. Il est estimé à 1200 FBu le kg alors qu’il variait entre 600 et 800 FBu au début de l’année 2020. Les consommateurs s’inquiètent. On revient dans ce numéro sur les raisons de cette situation

Dans la municipalité de Bujumbura, les pommes de terre ne sont pas à la portée de toutes les bourses depuis quelques mois.  La situation s’est empirée depuis le mois de mai 2020. Ces derniers mois, la pomme de terre faisait partie des produits les plus consommés par une grande partie de la population du fait qu’elle s’achetait à un prix abordable. Il n’y avait pas une grande différence entre son coût et celui de la banane.  Vers le début de l’année 2020, un kg de pomme de terre variait entre 600 FBu et 800 FBu. Actuellement, son prix a presque doublé. Il s’achète entre 1200 FBu et plus. Ça dépend de la variété.

Les pommes de terre ne sont pas à la portée de toutes les bourses depuis quelques mois.

Selon Mme Joselyne Nitunga, propriétaire d’un restaurant situé au quartier Cibitoke, cette hausse du prix de la pomme de terre inquiète plus d’un. Elle est comme un coup de massue dans le dos des consommateurs.  Suite à son coût élevé, les consommateurs à faibles revenus préfèrent consommer d’autres produits de substitution comme la banane, la patate douce, etc. Auparavant, Nitunga fait savoir qu’elle pouvait écouler 35 kg de pommes de terre par jour, car cette denrée alimentaire fait partie des repas les plus consommés dans cette localité. Elle les transforme en frites avant de les livrer à la consommation. Actuellement, elle n’en écoule qu’à peine 15 kg suite à leur coût élevé.

Même son de cloche pour Mme Espérance Keza, propriétaire d’un restaurant situé au quartier Buterere. Elle n’écoule qu’à peu près 15 kg à 20 kg par jour contre 40 Kg auparavant.  Mme Catherine Mpawenimana, habitant le quartier Mutakura indique qu’elle n’achète plus la pomme de terre pour sa famille suite à son prix exorbitant. Pour approvisionner sa famille en quantité suffisante de pommes de terre, elle fait savoir qu’elle  doit acheter 3 kg qui coûtent actuellement pas moins de 5000 FBu. Selon elle, ce montant est colossal. Pour cette raison, elle a abandonné la pomme de terre pour acheter d’autres produits de substitution comme la banane, la patate douce, les colocases, le manioc, etc dans l’objectif de minimiser les dépenses comme tout consommateur qui se comporte de façon rationnelle.

Le manque de semences est à l’origine de cette situation

Matilde Bigirimana, cultivatrice et commerçante des pommes de terre fait savoir que cette hausse du prix de la pomme de terre est liée à la modique quantité de ce produit sur le marché.  L’offre est inférieure à la demande. Ce qui se répercute sur son prix. Elle indique que cette situation est liée aux semences sélectionnées qui n’ont pas été suffisantes ces derniers mois. De surcroît, les pommes de terre en provenance du Rwanda dénommées Ruhengeri ne sont plus visibles sur le marché Burundais. Cette situation crée un grand déséquilibre entre l’offre et la demande.

Quid des variétés de la pomme de terre ?

Au niveau de la recherche, l’ISABU par le biais de son programme pomme de terre créé en 1979 a toujours  développé et promu de nouvelles variétés en tenant compte des réalités du moment en vue de faire face aux différentes contraintes tant technologiques, techniques que socio-économiques. Le 3ème catalogue des variétés de pomme de terre comporte huit variétés diffusées par l’ISABU et que l’on trouve en amont de la filière semencière. Il importe de signaler que certaines de ces variétés n’ont pas encore atteint les maillons en aval de la chaine de production. Il s’agit de Ndinamagara, Uganda 11 et Ingabire. Les autres variétés ne sont plus multipliées par l’ISABU de façon continue pour plusieurs raisons. Ce sont entre autres la sensibilité aux maladies (Majambere, Muruta, kinigi, Rukinzo, Jubile et Nemared), la faible teneur en matière sèche (Majambere), le faible rendement (Rukinzo), la longue dormance et la craquelure des tubercules (Jubile),etc. Néanmoins, toutes ces variétés sont conservées en collection au laboratoire in vitro de Gisozi pour des raisons de sauvegarde de la biodiversité de la culture. En plus des qualités organoleptiques, d’adaptabilité et de résistance, le nouveau catalogue met un accent particulier sur la dormance. C’est un facteur qui est de plus en plus recherché par les agriculteurs dans la mesure où ils préfèrent des variétés qui se cultivent au moins deux fois par an. Trois des cinq nouvelles variétés proposées par l’ISABU remplissent cette condition. C’est Magome, Mabondo et Victoria. Les deux autres variétés ont été appréciées pour leur rusticité (Rukuzi) à l’instar de Ndinamagara et leur productivité très élevée (Ruhanyura).

Au Burundi, la pomme de terre constitue une culture de rente dans plusieurs régions où elle s’adapte mieux. Néanmoins, l’augmentation de la production agricole en général et de la production de la pomme de terre en particulier exige une amélioration de la fertilisation tant organique que minérale. C’est dans cette optique qu’il fallait mener une politique de développement de la filière « Pomme de Terre » par l’utilisation d’intrants améliorés. L’objectif final est de trouver le type d’intrants le plus économiquement rentable susceptible d’être proposé.

Comment se multiplie-t-elle ?

La pomme de terre peut se multiplier par voie générative à partir des semences botaniques ou semences vraies, par voie végétative à partir des tubercules semences ou par la culture in vitro. Elle tolère des températures de 12 à 23°C. La température optimale est de 18°C. La température idéale pour la tubérisation se situe aux alentours de 16°C au moins pendant les nuits. Les températures élevées (supérieures à 29°C) peuvent inhiber la formation des tubercules. La pomme de terre demande de l’eau durant tout le cycle végétatif surtout en phase de tubérisation. La pomme de terre exige des pluies régulières bien réparties et sans période de sécheresse avec 500 à 600 mm de pluies. Un excès d’eau en fin de phase de grossissement donne des tubercules qui pourrissent facilement tandis qu’un manque d’eau fait mûrir prématurément les tubercules. Comme toutes les plantes amylacées, la pomme de terre a besoin d’une luminosité bien suffisante pour la synthèse de la matière de réserve. La pomme de terre est une plante sensible à la photopériode. Il existe des variétés à jours courts et d’autres à jours longs. Généralement, les variétés à jours courts sont plantées dans les régions intertropicales d’altitude tandis que les variétés à jours longs sont cultivées dans les régions tempérées.

Où est-ce qu’elle prospère mieux ?

La pomme de terre prospère mieux en région d’altitude. Au-delà de 2000 m, dans certaines régions, la pomme de terre remplace avantageusement la patate douce et la colocase, alors qu’à moins de 1800 m, les conditions climatiques non favorables à sa culture font que les rendements diminuent, car elle est davantage sujette aux maladies. C’est une plante rustique pouvant donner des rendements variables et pouvant être cultivée un peu partout. En plus, les sols légers, profonds, bien drainés, sablo- argileux lui conviennent le mieux. Les sols argileux humifères à réaction légèrement acide et dont le PH ne dépasse pas 6,5 seraient meilleurs.

Au Burundi, la pomme de terre constitue une culture de rente dans plusieurs régions où elle s’adapte le mieux.

La pomme de terre, un aliment important

La pomme de terre joue un rôle important dans l’alimentation humaine. Comparée à d’autres cultures tropicales, la pomme de terre est une source importante de protéines produites par unité de surface et de vitamines. La pomme de terre occupe la deuxième place après le soja comme source de proteines. Malheureusement, les protéines se trouvent surtout dans la zone corticole où elles risquent d’être jetées avec les épluchures des tubercules. La pomme de terre est une plante nettoyante, exigeante en façon culturale et en entretien. Le sol doit être bien travaillé, profondément labouré afin d’obtenir une terre meuble, non creuse, bien pourvu en eau, sans grosses mottes. La fumure mixte (organique et minérale) est indispensable pour la culture de la pomme de terre pour obtenir une bonne production. L’apport de 20-30t/ha de fumier de ferme ou de compost bien décomposé est généralement recommandé.

Après une préparation soignée du sol (labour profond et émottage), le semis se fait à la main, sur billons ou buttes, à la densité de 30.000 à 40.000 pieds/ha avec des écartements de 80cm x 40cm ou 80cm x 30cm. La densité de 66000 pieds à l’hectare avec un écartement de 50cm x 30cm est aussi adaptée. La profondeur de la plantation oscille entre 8 et 10cm, le minimum en terre argileuse et froide, le maximum en terre légère et sèche. En saison sèche, la plantation s’effectue sur billons. Les travaux d’entretien consistent au sarclage, au buttage, à l’arrachage des plants malades, au traitement phytosanitaire et à faire des arrosages réguliers pendant la saison sèche. On effectue le sarclage trois semaines après la levée pour maintenir le sol en bon état de propreté. Lorsque les plants ont atteint 20 à 25 cm, on effectue un buttage pour favoriser la tubérisation. Un deuxième buttage est nécessaire en région de fortes pluies pour protéger les tubercules de l’action de la lumière et de la contamination par le mildiou.

Notons que la récolte se fait normalement à la main. Il faut d’abord ameublir le sol autour des plants au moyen d’un trident qui est inséré en bas du plant et le soulever légèrement. Les tubercules sont récoltés et laissés dans les poquets pour qu’on puisse faire l’épuration. Les techniques de conservation doivent tenir compte de ces exigences : limiter les pertes de poids, éviter les pourritures et ne pas modifier les qualités organoleptiques des tubercules. Au cours du stockage, la teneur en sucre disparait avec l’élévation de la température. La conservation se fait en couches minces à l’abri de la lumière, dans un endroit sec et aéré après avoir retiré les tubercules détériorés ou portant des traces de maladies. On doit passer régulièrement pour retirer ceux en proie à la pourriture.

A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

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