Agriculture

Interview exclusive : Le nouveau Ministre de l’Agriculture retrousse les manches

Le Président de la République du Burundi a récemment décidé de faire le ménage au sein de son gouvernement. Parmi les ministères visés figurait celui ayant l’agriculture et l’élevage dans ses attributions. Désormais, Dr Ir Sanctus Niragira tient les rênes du ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’élevage. Le nouveau ministre a accordé une interview exclusive à Burundi Eco dans laquelle il s’est appesanti sur la tâche qui l’attend    

Toujours bourré d’obstacles, l’agri-élevage reste néanmoins un secteur très important dans l’économie burundaise. Depuis son accession au fauteuil présidentiel, Evariste Ndayishimiye a voulu faire de ce secteur le fer de lance de sa politique. Plusieurs programmes ont été annoncés pour augmenter la production agro-pastorale dans un pays considéré comme le plus pauvre du monde dans différents rapports depuis plusieurs décennies. La création des centres de rayonnement qui consisteraient à créer de grands centres agro-pastoraux dans toutes les provinces du pays, la reprise en mains de la filière café par l’Etat, le contrôle des prix sur le marché local, des projets de mise en place des barrages hydroagricoles, de creation des coopératives collinaires de production, sont quelques-uns de grands chantiers déjà dévoilés par le gouvernement. 

Dr Ir Sanctus Niragira, Ministre de l’Envirinnement, de l’Agriculture et de l’Elevage : « Je veux organiser le ministère de façon que nous soyons capables de lire l’avancement de nos programmes en chiffres ».

Moderniser le secteur agro-pastoral et augmenter la production 

Le nouveau ministre de l’Agriculture affirme ne pas être étranger à la tâche qui lui est assigné. Amené à répondre à la question concernant les projets d’urgence figurant sur son agenda, Dr Ir Niragira résume: «Les projets sont très nombreux».  S’exprimant sur les projets prioritaires en cours, il s’est focalisé sur les préparatifs de la saison culturale A en cours. Pour le ministre Niragira, l’accompagnement des agriculteurs constitue un important projet du gouvernement. Il indique travailler actuellement à trouver les intrants agricoles en quantité suffisante. « Je suis en train de suivre de près cette question en collaboration avec les responsables de FOMI», indique-t-il soulignant la production relativement basse de cette usine par rapport à la demande actuelle. 

A propos de la plupart des projets du ministère en cours d’exécution, Niragira indique qu’il devra d’abord se rendre sur terrain pour pouvoir donner d’amples explications. Cette autorité rappelle surtout que la mise en application effective de la politique de l’irrigation et des centres de rayonnement est tout un processus. « La mise en application de ces projets exige de grosses sommes d’argent », fait-il remarquer.  Il affirme que certaines activités à mener en rapport avec ces projets ont été déjà lancées. 

En ce qui concerne les cultures industrielles, Niragira affirme que la population est visiblement découragée. Il part de la filière café qui a été fortement affaiblie par la politique de libéralisation et que l’Etat tente de récupérer. Il rassure : « Le gouvernement compte beaucoup sur la relance de la production des cultures d’exportation ». Il affirme même vouloir développer d’autres cultures industrielles pour multiplier les produits agricoles exportables.    

Quid des changements attendus du nouveau ministre ?

Dr Ir Sanctus Niragira a des initiatives pour relever la production agricole. Amené à s’exprimer sur ses projets, il a énuméré certains des défis qu’il veut relever et des mesures qu’il prévoit prendre.  Réagissant à la question liée à la performance des centres de recherches et d’appui au secteur agro-pastoral, il a brossé son plan. Alors que le Burundi continue à importer les intrants agricoles dont les semences sélectionnées, Niragira veut rendre ces centres plus performants pour contribuer davantage au développement du pays. Il promet de leur permettre de travailler en coordination.    Cette autorité explique que l’incapacité de ces centres relève surtout du manque criant de moyens. D’après lui, les centres d’appui au secteur agro-pastoral ne sont pas suffisamment équipés. Il souligne l’insuffisance des moyens techniques et financiers, sans oublier le manque de main d’œuvre qualifiée. 

Ce féru de la science récemment nommé ministre veut faire des statistiques un instrument de mesure de la réussite de son ministère. « Je veux organiser le ministère de façon que nous soyons capables de lire l’avancement de nos programmes en chiffres », dit-il. Il indique vouloir savoir à chaque étape si l’argent de l’Etat injecté dans les projets a été récupéré dans la production.  Il compte également travailler sur le renforcement de la sensibilisation de la population et promet de travailler en synergie avec d’autres ministères concernés pour y arriver. « Il s’agit d’une problématique importante sur laquelle nous devons travailler », dit-il. 

Le ministre Niragira compte également changer le circuit d’importation des intrants agricoles. Selon ses explications, ceux qui gagnent les marchés ne respectent pas souvent les termes de références des contrats. Ils importent des produits de mauvaise qualité par rapport à ceux voulus par le ministère. « Je plaiderai auprès de mes supérieurs pour que nous puissions nous même arriver sur le marché afin de garantir la qualité des produits importés », affirme-t-il. 

Des obstacles au développement de l’agro-alimentaire 

Récemment nommé à la tête d’un des ministères clés, Dr Ir Niragira ne nie pas l’existence des obstacles rencontrés dans ses activités. Il parle notamment de l’incapacité de production observée de la part des centres de recherche et de soutien au secteur. Il souligne tout de même le problème lié à l’encadrement de la population. « Le savoir-faire des experts des centres de recherche n’arrive pas aux producteurs à la base », dit-il tout en ajoutant que cela constitue un défi majeur à relever. Il reconnait que les moniteurs agricoles ne sont pas suffisamment instruits pour aider les agriculteurs. 

Le nouveau ministre de l’Agriculture rappelle que les conflits armés qui ont ravagé le Burundi pendant plusieurs années ont beaucoup impacté le développement du secteur agricole. Niragira préfère se résumer en répondant à la question liée au développement des filières importantes comme le café, le thé et le coton.  « Certains savent que nous avions un secteur agro-pastoral bien côté avant les événements de 1993, mais tout a basculé et nous devons tout reprendre », explique-t-il. Cependant, il reste persuadé que le développement de ce secteur reste possible. 

Des obstacles liés au manque de financement des projets constituent aussi une réalité. Interrogé sur le niveau d’exécution de certains projets déjà dévoilés par son successeur, le ministre Niragira évoque également la question liée aux moyens financiers. Il s’agit notamment des centres de rayonnement et des barrages hydroagricoles. Pour lui, les grands projets exigent beaucoup d’argent, de la main d’œuvre et du temps. 

Des potentialités de développement du secteur agro-pastoral

Si le ministre énumère de nombreux obstacles, il reste optimiste quant aux opportunités d’augmentation de la production. « Le Burundi possède de très nombreux avantages qui lui serviront de point d’appui pour se développer », indique-t-il. Il rappelle notamment la fertilité des sols et l’abondance des pluies.  Il souligne également que l’existence des régions naturelles permettrait de diversifier la production. « Nous avons plusieurs régions qui peuvent nous permettre de diversifier la production et la pluie tombe pendant 8 mois sur 12», se réjouit le ministre Niragira.

Il indique également que l’irrigation permet de pratiquer l’agriculture pendant la saison sèche. Ce qui fait que le Burundi dispose de 3 saisons agricoles. Il soutient surtout que certains signes montrent que la population commence à profiter de la 3ème saison culturale. Pour soutenir ses propos, il indique que la population s’investit davantage dans l’agriculture irriguée. En effet, le ministère avait commandé uniquement 8000 tonnes d’engrais chimiques   cette année et on s’est rendu compte plus tard que la demande s’élevait plutôt à 24000 tonnes. Pour le ministre, cela constitue un des indices du résultat de la sensibilisation de la population à continuer à produire pendant la saison sèche. 

L’existence d’un marché d’écoulement constituerait également un des atouts dont disposerait le secteur agro-pastoral. En effet, le Burundi a l’avantage de produire des aliments de qualité très appréciés sur le marché international. 

L’Etat Burundais a déjà choisi l’agro-pastoral comme un secteur clé pour le développement du Burundi. Il y a donc lieu de se demander si ce scientifique qui a collaboré pendant longtemps à l’élaboration des projets gouvernementaux visant à développer le secteur agro-pastoral sera à la hauteur de sa tâche. De toutes les façons, Dr Ir sanctus Niragira semble être sûr de lui et affirme posséder des connaissances suffisantes sur l’économie rurale du pays.

Qui est Dr Ir sanctus Niragira récemment nommé ministre de l’Agriculture ? 

Agé de 45 ans, Sanctus Niragira a vu le jour dans la province Ngozi, commune Ruhororo sur la colline Wanda. Il commencera ses études primaires dans la commune Tangara de la province Ngozi en 1985. Il continuera au Lycée Don Bosco en 1992.  En 1993, il part en exil. La crise socio-politique s’était déclenchée et plusieurs élèves et étudiants ont pris fuite. Dans l’année qui a suivi, le jeune élève reviendra et sera accueilli au Lycée Musenyi avant d’intégrer encore une fois le Lycée Bon Bosco, cette fois-ci pour y faire le cycle supérieur de ses études secondaires dans la section scientifique A. Après l’obtention de son diplôme d’Etat en 2000, Niragira n’échappera pas aux principes du moment et devra intégrer le corps de défense à travers le Service Militaire obligatoire ( SMO) dont il sort en 2001. 

A l’Université du Burundi, il échouera dans son projet de faire la Médecine et sera orienté dans la faculté d’Agronomie avant de décrocher une bourse pour continuer ses études en Belgique où il se qualifiera dans la sécurité alimentaire et l’économie rurale.  Etudiant très brillant et premier de sa promotion à la fin du cycle de master, il lui sera proposé de continuer avec le 3ème cycle à l’Université de Gand en Belgique de 2009 à 2016 d’où il sortira avec le grade de Docteur Ingénieur en Nutrition et Développement Rural. 

Dr Ir Niragira aura un brillant parcours professionnel qui commencera par les travaux de recherche qu’il mènera au Burundi pendant ses études doctorales. Au lendemain de la soutenance de sa thèse en 2016, il rentre au pays et commence sa carrière d’enseignant à l’Université du Burundi. En 2017, il participe à la rédaction du Plan national de développement (PND) où il était à la tête de la commission du ministère de l’Agriculture avant d’être nommé consultant national du même projet. En 2019, cet enseignant d’Université rejoint le cabinet du président où il travaillera comme cadre chargé des projets d’industrialisation et commerce avant d’être nommé à la tête de l’Université du Burundi en mars 2021. Après seulement 18 mois dans les bureaux du Rectorat de l’UB, il vient d’être nommé ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage. Dr Ir Sanctus Niragira a participé à d’innombrables projets de recherche tant au niveau national qu’au niveau international. Il a souvent été sollicité par des projets des ONGs internationales et associé à des travaux de recherche dans les universités. Par-dessus tout, ce scientifique reste attaché à son métier d’enseignant et dispense toujours des cours à l’Université du Burundi.

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Jonathan Ndikumana.

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