Sous le haut patronage du ministère des Finances, du Budget et de la Planification Economique, l’Association des Banques et Etablissements Financiers du Burundi a célébré la deuxième édition de la Semaine du Banquier. Cet évènement périodique est l’occasion de poser les bases d’un plaidoyer solide pour relever les défis du secteur bancaire. D’importantes recommandations ont été formulées à l’endroit du Gouvernement, de l’OBR et des Banques
Sous le thème « La contribution des établissements de crédit dans les finances publiques : Effets directs et indirects », l’Association des Banques et Etablissements Financiers (ABEF) a célébré la deuxième édition de la Semaine du Banquier du 18 au 19 décembre 2024. Cet évènement qui regroupe l’ensemble des acteurs du secteur bancaire burundais, des opérateurs économiques, des académiciens et des décideurs politiques et monétaires symbolise la détermination des établissements de crédit, comme acteurs stratégiques, à accompagner le développement économique et social du pays.
Dans son discours d’ouverture, Guy Roger Ghislain Ntwenguye, ADG de la Banque de Crédit de Bujumbura et président de l’ABEF a indiqué que le choix du thème de cette année reflète le rôle incontournable des banques dans le développement socio-économique du pays. D’après lui, « les banques ne sont pas uniquement des acteurs privés, mais de véritables alliés stratégiques de l’Etat ». Elles constituent ainsi le socle sur lequel reposent la stabilité économique, le financement de l’Etat et la croissance des acteurs économiques.
Les banques, partenaires stratégiques de l’Etat
Les banques contribuent énormément à l’économie du pays, comme l’a souligné le patron de l’ABEF. Les établissements de crédit jouent un rôle essentiel dans la mobilisation des ressources intérieures par le biais de l’épargne et de l’investissement, car leur capacité à transformer les dépôts en crédits favorise une meilleure allocation des ressources pour financer les projets de l’Etat et des entreprises. En outre, les banques sont elles-mêmes de grands contributeurs fiscaux en plus de la facilitation des opérations de l’administration fiscale.
Leur rôle dans la déclaration des transactions bancaires et la promotion de la transparence financière est primordial dans le combat contre l’évasion et la fraude fiscale, car ces institutions financières facilitent les paiements fiscaux grâce à la digitalisation des services financiers. Ce qui simplifie même le processus de collecte des impôts.
Les banques jouent également un rôle essentiel dans la gestion de la dette publique puisqu’ elles participent activement à l’émission des titres publics .« Leur engagement dans ce processus d’émission des titres publics renforce la capacité de l’Etat à mobiliser des fonds à moindre coût et à financer des projets de développement »,a indiqué M. Ntwenguye . Il faut aussi souligner l’importance capitale des établissements de crédit dans la création d’emploi par le financement des Petites et Moyennes Entreprises (PME).
Ainsi, le président de l’ABEF appelle à un dialogue pour relever les défis qui hantent le secteur bancaire. « Ce partenariat entre les établissements de crédit et l’Etat doit être renforcé à travers un dialogue constructif, des réformes adaptées et une volonté partagée d’œuvrer pour le développement économique et social du pays», a conclu M. Ntwenguye .
Le gouvernement favorable au dialogue constructif
La cérémonie d’ouverture de la Semaine du Banquier a été rehaussée par le secrétaire permanent au Ministère ayant les finances dans ses attributions qui a représenté le Ministre des Finances, du Budget et de la Planification économique empêché. Après avoir affirmé «le rôle indéniable des banques et des institutions financières dans le financement des besoins publics et la stimulation de la croissance économique », ce cadre du gouvernement a indiqué que le gouvernement du Burundi est prêt à participer au dialogue constructif et inclusif pour trouver des solutions aux défis qui hantent les banques.« Les défis auxquels nous faisons face exigent un dialogue ouvert et des actions concertées entre le gouvernement , les banques et les autres acteurs économiques» a-t- il déclaré avant d’ajouter que le gouvernement du Burundi est déterminé à mettre en place un cadre réglementaire stable et favorable au secteur financier, à promouvoir des réformes fiscales qui soutiennent la solidité des institutions financières et à encourager l’innovation et la digitalisation pour accroître l’efficacité et l’inclusion financière .
Semaine du Banquier, une plateforme d’échanges fructueux pour tracer les grandes lignes des futures réformes
Cette deuxième édition de la Semaine du Banquier a été marquée par des échanges fructueux et des discussions sur les diverses thématiques cruciales, reflétant les défis et les opportunités se trouvant dans le secteur bancaire. Plusieurs thèmes ont été abordés, notamment le rôle des banques dans les finances publiques et dans le financement des acteurs économiques, l’impact direct et indirect de la taxation des banques, le cadre légal et règlementaire de la fiscalité dans les établissements de crédit et le rôle stratégique des professionnels comptables dans une fiscalité équitable
« Nos banques sont des acteurs clés dans les finances publiques », a souligné Boaz Nimpe, secrétaire exécutif de l’ABEF avant d’indiquer que ce secteur contribue directement à plus de 10% au budget de l’Etat. Cependant, il laisse entendre que ces établissements de crédit sont soumis à plusieurs taxes ; ce qui provoque des effets directs et indirects sur le fonctionnement des banques et leurs services. D’après lui, les banques doivent payer un impôt sur les revenus d’emplois (IRE), un impôt sur les sociétés (IS), une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), une taxe de 8% sur les activités financières (TAF), Impôt immobilier, la taxe sur la main d’œuvre étrangère et d’autres taxes notamment les impôts locatifs.
Une Taxe sur les Activités Financières, fardeau pour les établissements de crédit
Pour le secrétaire exécutif de l’ABEF, bien que les contributions fiscales des banques aient fortement augmentées sur la décennie 2014 à 2023 allant de 11 milliards à plus de 85 milliards de FBu, l’introduction de la TAF dans le dispositif fiscal burundais depuis la loi des finances 2023-2024 impacte négativement le développement du secteur bancaire et son rôle non négligeable dans la stabilisation de l’économie du pays .« C’est une taxe beaucoup plus lucrative mais qui déroge tous les principes comptables internationalement reconnus » ,a -t- il déclaré devant des experts fiscalistes et des membres de l’ordre des professionnels comptables présents tout en les invitant à contribuer pour trouver une solution à cette préoccupation.
Il indique que depuis 2023, l’ABEF s’efforce d’expliquer les enjeux liés à la taxation et à la déduction de la TAF. En effet, la loi budgétaire 2023-2024 a instauré cette nouvelle taxe sur les activités financières, qui s’applique à l’ensemble des opérations financières, y compris celles relatives au commerce des valeurs et de l’argent. Avec un taux fixé à 8% sur le Produit Net Bancaire (PNB), cette mesure a engendré des défis pour le secteur.
Ce système de non-déduction de la TAF est en contradiction avec les principes fiscaux et comptables relatifs à la détermination du revenu imposable, tels qu’énoncés dans la loi n° 1/14 du 24 décembre 2020 portant modification de la loi n° 1/02 du 24 janvier 2013 relative aux impôts sur les revenus. Or, la TAF payée par les banques et établissements financiers constitue une charge d’exploitation qui devrait être fiscalement déductible.
Dans cette optique, le secteur bancaire plaide en faveur de la déductibilité de la TAF pour des raisons juridiques, économiques et techniques, afin d’assurer la conformité de cette taxe avec le droit fiscal et les normes comptables internationales.
Il a révélé que la surtaxation des services bancaires entraîne l’augmentation des coûts des services bancaires pour les clients, la réduction des prêts bancaires et de l’accès au financement pour les entreprises et les particuliers, mais également agit négativement sur l’inclusion financière.
D’importantes recommandations pour relever les défis
Au cours des échanges et des débats sur les défis fiscaux et les perspectives de réformes qui ont marqué la Semaine du Banquier «SeB», les panélistes et les intervenants ont formulé des recommandations à l’intention des acteurs du secteur bancaire pour relever les défis fiscaux et appliquer des réformes qui visent à développer ce levier de l’économie du pays .
Il a été recommandé au gouvernement du Burundi et à l’administration fiscale de renforcer la collaboration entre les banques et l’administration fiscale, permettant ainsi d’améliorer l’identification et le suivi des contribuables, de faciliter l’intégration des services bancaires dans la mobilisation des recettes fiscales et d’implémenter des politiques fiscales adaptées à la promotion de l’accès au financement et à l’inclusion financière. Et pour parvenir à ce stade, le gouvernement doit mettre en place des cadres réglementaires pour la taxation des services financiers numériques en collaboration avec les banques, de promouvoir des politiques fiscales et budgétaires tenant compte des politiques macroéconomiques, de limiter la pression fiscale exercée sur le secteur bancaire mais aussi d’organiser les séances de dialogue entre l’ABEF, le Gouvernement et l’OBR.
Les banques, quant à elles, sont appelées à participer activement à l’élargissement de la base fiscale tout en développant des solutions numériques adaptées pour simplifier le paiement des impôts, à promouvoir la finance inclusive par le développement des produits financiers permettant d’intégrer la population non bancarisée dans le système formel et à améliorer la transparence et la traçabilité des transactions financières.
Pour le régulateur bancaire et financier (BRB), il est invité à adapter les cadres réglementaires et à concevoir les politiques pour faciliter la participation des banques à la gestion fiscale, tout en limitant les risques systémiques et en favorisant la promotion des innovations technologiques.
Toutefois, pour trouver une solution durable aux défis fiscaux, les panélistes ont souligné également que la contribution du monde académique est d’une importance capitale. C’est la raison pour laquelle les experts en fiscalité sont encouragés à effectuer des recherches sur la fiscalité des produits numérique, à analyser les impacts des partenariats Banques – Administration fiscale, à mener une étude pour trouver les moyens d’intégrer la population non bancarisée.
Quid du rôle des professionnels comptables pour une fiscalité équilibrée ?
La Semaine du Banquier « SeB » a permis d’échanger et de discuter du rôle des professionnels comptables dans le plaidoyer pour une fiscalité équilibrée. Comme l’indique Médard Muzaneza, Secrétaire Général de l’Ordre des Professionnels Comptables du Burundi, les professionnels comptables ne sont pas des gestionnaires des chiffres, mais des conseillers stratégiques. « Leur expertise est essentielle pour analyser les politiques fiscales, plaider pour des réformes adaptées et garantir une gestion financière rigoureuse. »
« Ils sont capables d’identifier les inégalités et les inefficacités des systèmes fiscaux existants », a-t-il ajouté. Ainsi, les professionnels comptables jouent un rôle clé dans l’éducation des parties prenantes, dans la promotion de la transparence fiscale et dans la publication d’informations pertinentes. Ils ont manifesté leur engagement à proposer des réformes qui favorisent une redistribution équitable des richesses.
De plus, ils encouragent la conformité en accordant une formation aux entreprises et aux particuliers sur les obligations fiscales. Ce qui réduit les erreurs et le non-respect involontaire des lois fiscales.
L’adhésion du Burundi à l’OHADA, une opportunité pour le secteur bancaire
En marges des exposés principaux, la deuxième édition de la Semaine du Banquier a été marquée par d’autres débats techniques enrichissant notamment à l’endroit des juristes des banques sur les impacts des textes de lois nationales et des conventions régionales sur les opérations bancaires. Il a notamment été question de l’impact juridique de l’adhésion du Burundi à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Cette organisation qui réunit actuellement 17 pays, œuvre pour l’unification du droit des affaires et la résolution des contentieux des affaires au dernier degré par une juridiction supranationale. Elle a adopté 11 actes uniformes couvrant les domaines clés du droit des affaires, selon Dr David Kwizera qui a fait la présentation.
Il révèle que « les législations de l’OHADA sur les opérations bancaires sont significatives, car ces législations visent à harmoniser le droit des affaires dans les Etats membres, favorisant ainsi la sécurité juridique et la prévisibilité pour les investisseurs sans oublier les institutions financières »
Ainsi, les avantages que présente l’adhésion à l’OHADA sur le système bancaire sont nombreux, notamment la standardisation des règles juridiques, la garantie de la sécurité juridique et la stabilité bancaire ainsi que la protection des Clients.
De plus, le droit de l’OHADA permet la modernisation des mécanismes de sûreté et de recouvrement des créances, facilite l’obtention des prêts et l’amélioration des règlements de l’insolvabilité.
Néanmoins, le Burundi n’a pas encore adhéré à cette organisation, mais une étude de faisabilité sur cette adhésion est en cours. L’adhésion du Burundi à l’OHADA est une opportunité pour le secteur bancaire.
Innovation au cœur des établissements de crédit
Un autre débat a porté sur l’intégration de l’e-commerce et la digitalisation des systèmes de paiement dans la gamme de produits digitaux offerts par les banques
Selon Ferdinand Matendo, président de la chambre sectorielle des TIC au sein de la CFCIB, malgré l’existence de nouveaux systèmes de paiement digitaux (cartes bancaires, mobile & internet banking et les plateformes électroniques), il n’existe pas de systèmes de paiement e-commerce domestiques au Burundi, car tous les systèmes de paiement ne remplissent pas les conditions nécessaires pour garantir le paiement e-commerce.
Trois outils sont indispensables dans l’écosystème e-commerce, a expliqué M. Matendo. Il s’agit du site marchand, du système de paiement et de la chaîne logistique. Le tout est lié grâce à une connexion Internet. Il ajoute : « Dans ce commerce virtuel, la banque devient un intermédiaire indispensable entre le vendeur , son client et les autres acteurs de la chaîne e-commerce. »
Le système de paiement e-commerce est donc véritable moteur à la croissance de la banque digitale, car il crée l’obligation de bancariser tous les intervenants, notamment le vendeur, l’acheteur, les douanes, les transporteurs, etc.
Les avantages du système de paiement e-commerce sont nombreux, tant pour la banque digitale que pour le pays. Pour la banque digitale, il assure l’inclusion financière, favorise la démonétisation et le rapatriement des devises étrangères.
Pour le pays, M. Matendo explique qu’il facilite l’accès au marché, permet la formalisation de l’économie informelle et de la concurrence loyale. De plus, il crée des emplois à travers la mise en place de nouveaux services, mais agit également sur la transparence dans la traçabilité des transactions et dans la collecte des recettes publiques.
Cependant, il n’y a pas de roses sans épines : le système de paiement e-commerce présente des inconvénients pour la banque digitale. Il s’agit notamment de la concurrence locale, des problèmes de sécurité des paiements et de la vulnérabilité liée à un cadre légal et réglementaire inadapté. C’est pour cette raison que cet expert a appelé à lever tous les obstacles pour permettre aux banques du Burundi de profiter pleinement des systèmes de paiement électronique comme le e-commerce. Selon lui, la réussite de ce système de paiement réside dans la collaboration et l’interopérabilité du site web marchand, du système de paiement intégré et sécurisé, de la chaîne logistique locale et internationale et d’un mécanisme de régulation efficace.
Dans son discours de clôture, Roger Guy Ghislain Ntwenguye a salué la contribution des différents participants aux échanges et discussions qui ont permis la formulation des recommandations importantes, mettant en lumière le rôle des banques dans les finances publiques et les solutions concrètes à envisager.
« Ces discussions ont permis de poser les bases d’un plaidoyer solide, qui nous l’espérons, déclenchera un dialogue franc et constructif entre le gouvernement, l’OBR et le secteur bancaire », a déclaré le président de l’ABEF.
Les activités de la deuxième édition de la Semaine du Banquier se sont clôturées par la remise des certificats aux lauréats des établissements de crédit qui ont suivi les formations interbancaires organisées par l’ABEF cette année ainsi qu’une déclaration officielle dont voici l’intégralité.
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