Le Président de la République du Burundi Evariste Ndayishimiye estime que les frontières entre les pays africains n’ont existé qu’après leur traçage par les colons. Cela au moment où la convention Orts-Milner (qui reste toujours valable) a attaché le Bugufi (partie du Burundi) au Tanganyika Teritory (actuelle Tanzanie). C’était dans l’objectif de de faciliter la construction d’un chemin de fer reliant le Caire (Egypte) et le Cap (Afrique du Sud). En revanche, la Belgique (ex-colonisateur du Burundi) devrait recevoir les concessions de Kigoma et de Dar-es-Salam avec des facilités spéciales sur la voie ferrée reliant les deux villes. Bugufi n’est pas jusqu’aujourd’hui rétrocédé au Burundi. Mais, en 2014, feu Président Pierre Nkurunziza a tracé officiellement les frontières entre le Burundi et la Tanzanie

Evariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi : « Dans le passé, il n’existait pas de frontières entre le Burundi et la Tanzanie ».
« Dans le passé, il n’existait pas de frontières entre le Burundi et la Tanzanie. Les Burundais se mariaient avec les Tanzaniens et vice-versa. Actuellement, les deux pays échangent les produits commerciaux. Les Burundais cultivent en Tanzanie. Plutôt, ce sont les colons qui ont instauré les frontières entre les pays africains voire le Burundi et la Tanzanie. Ils ont intégré ces frontières dans les conventions internationales et les africains ont accepté cela aveuglement », déclare Evariste Ndayishimiye, président de la République du Burundi lors de sa première émission publique du vendredi 25 septembre 2020.
Pour lui, que ces colons tracent les frontières et leur laissent la vie tranquille. Par ailleurs, dit-il, la Tanzanie est au courant que le Burundi est déconnecté de l’océan. Elle promet d’aider de sorte que les marchandises à destination du Burundi ne paient pas les impôts et les taxes. De plus, ce pays voisin promet de disponibilser des bateaux pour le transport des marchandises. Et de s’interroger : « Pourquoi demander ce qu’on a déjà » ?
Une convention toujours en application
Pour Aloys Batungwanayo, chercheur intéressé par l’histoire socio-politique des pays des Grands Lacs et du monde entier, une partie du Burundi communément appelé Bugufi et une partie dénommée Gisaka du Rwanda ont été données à la Tanzanie par la convention dite Orts-Milner du 30 mai 1919.
« En contrepartie, la Belgique (pays mandataire) a eu des concessions (Belbases) dans le port de Dar-es-Salam, la direction du port de Kigoma et le contrôle du chemin de fer Kigoma-Dar-es-Salam. Le pays mandataire avait besoin d’un désenclavement pour ses importations et ses exportations. C’est pourquoi il a accepté de signer la convention», explique le chercheur.

Aloys Batungwanayo, chercheur : « La réclamation de Bugufi est possible si on révise ou réaménage la résolution des Nations Unies sur l’intangibilité des frontières ».
M. Batungwanayo rappelle que la convention Orts-Milner est entrée en vigueur en 1920. A partir de 1963, les Belges ont quitté le port de Kigoma, les belbases et le contrôle du chemin de fer Dar-es-Salam-Kigoma. « N’étant pas au courant de cette convention, les nouvelles autorités burundaises n’ont rien suivi. La Tanzanie a profité de cette situation pour les exploiter », fait-il remarquer.
Selon toujours le chercheur, jusqu’en 2014, les frontières naturelles entre le Burundi et la Tanzanie n’étaient pas encore tracées. « C’est en cette année que les Burundais et les Tanzaniens se sont entendues pour les mettre en place. Les frontières entre les deux pays ont été tracées sur la partie de Cankuzo et Muyinga sous la houlette du président du Burundi feu Pierre Nkurunziza », informe M.Batungwanayo avant de signaler que la convention Orts-Milner n’a pas été résiliée ou abolie.
«Dans son esprit et dans sa lettre, la convention est toujours en vigueur», insiste l’historien.
Cependant, annonce M.Batungwanayo, on ne peut pas revendiquer le territoire de Bugufi pour deux raisons. La première raison est que les frontières ont été tracées formellement. La deuxième raison est qu’il existe une résolution des Nations Unies de 1959 qui évoque l’intangibilité des frontières.

Dans son esprit et dans sa lettre, la convention Orts-Milner est toujours en vigueur. (Source : Les frontières du Rwanda-Urundi et le régime international de tutelle » de P.Jentgen)
« Pour le moment, un seul pays que l’ONU n’a pas condamné a violé cette résolution au monde entier, à savoir : l’Israël. Celui-ci a envahi la Palestine et a proclamé le nouvel Etat », indique-t-il.
Pour la réclamation du Bugufi, M.Batungwayo précise que cela est possible si on révise ou on réaménage la résolution des Nations Unies sur l’intangibilité des frontières. Toutefois, martèle-t-il, le Burundi pourrait discuter avec la Tanzanie pour voir si la convention peut être respectée ou réaménagée. Il conseille de revisiter la convention et de consulter les textes qui ont suivi (traçage des frontières) et de mener des discussions pour revendiquer ces droits. Le chercheur avise que la Belgique devrait être impliquée dans ces discussions. Pays mandataire, il a dû rétrocéder Gisaka au Rwanda et non le Bugufi au Burundi alors que le roi Mwambutsa l’avait réclamé.
La valeur ajoutée serait que le Burundi pourrait recevoir la direction ou la codirection du port de Kigoma. Il pourra avoir des dépôts à gérer (belbases) dans le port de Dar-es-Salam et les droits de transport sur le chemin de fer Kigoma-Dar-es-Salam. Et de continuer : « Pour le moment, les marchandises ne paient pas les frais d’entreposage pendant 15 jours dans le port de de Dar-es-Salam. A partir du 16ème jour, on paie ces frais ».
Abondant dans le même sens, Eric Ntangaro, secrétaire exécutif de l’Association des Transporteurs Internationaux du Burundi (ATIB), témoigne que les transporteurs ne feraient plus recours aux groupages. D’ailleurs, certifie-t-il, les marchandises seraient assurées. On aura des locomotives à gérer, des wagons… « Les temps sur les procédures de dédouanement pourrait diminuer et, partant, les barrières non tarifaires. Ce qui impacterait les prix sur le marché », rassure-t-il.
A propos de Bugufi
Dans « Les frontières du Rwanda-Urundi et le régime international de tutelle » de P.Jentgen, après la première guerre mondiale (1914-1918), les puissances alliées et associées décidèrent de placer la colonie de l’Afrique de l’Est en partie sous mandat belge et en partie sous mandat britannique.
La Belgique étant appelé à exercer son autorité sur le Rwanda-Urundi et la Grande Bretagne sur le Tanganyika Territory (Tanzanie actuelle).
L’affaire belgo-britannique de tracer les frontières a été réglée à l’origine par un arrangement bilatéral entre les deux puissances coloniales. Le 30 mai 1919, un accord a été signé par Pierre Orts, ministre plénipotentiaire du roi des Belges pour le compte de la Belgique et par Lord Milner, secrétaire d’Etat des colonies britanniques pour le compte de la Grande Bretagne. Le traçage des frontières s’est basé ensuite sur la décision du Conseil de la Société des Nations du 31 août 1923 ratifiant un accord belgo-britannique et le traité de Londres du 22 novembre 1934.
De tous ces arrangements résulte le rattachement de Gisaka et du Bugufi au Tanganyika Teritory. C’était dans l’optique de faciliter la construction d’un chemin de fer reliant le Caire au Cap.
La Belgique a reçu en contrepartie les concessions de Kigoma et de Dar-es-Salam avec des facilités spéciales sur la voie ferrée reliant les deux villes. Le roi Yuhi V Musinga du Rwanda s’y est opposé, récupérant ainsi la région de Gisaka. Mais le Bugufi a été définitivement rattaché à la Tanzanie.
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