Entrepreneuriat

La saponification, un métier de tous les dangers

Le business du savon se révèle rentable, bien que le processus de fabrication de ce produit s’avère dangereux. La prolifération des petites unités de fabrication de savon est un signe éloquent que les jeunes sont de plus en plus attirés par ce secteur entrepreneurial. Analyse de cette opportunité d’affaires à double facette

Le processus de dilution des cristaux de soude s’avère dangereux.

Le métier de fabrication du savon séduit de nombreux entrepreneurs qui se lancent dans la transformation de l’huile en savons multi-usages. Dans les villes comme à la campagne, on observe des entrepreneurs qui sillonnent les quartiers et les villages avec des cartons de savon, procédant à la vente de ce produit. Pourtant, sa fabrication n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire. A première vue, la saponification semble être un procédé chimique simple, mais elle comporte de nombreux dangers. Nous avons infiltré une des nombreuses unités de fabrication de savon en périphérie de la capitale économique pour observer ce qui s’y passe réellement.

A l’intérieur de cette unité, le matériel de travail est rangé dans un désordre parfait. On y trouve des fûts métalliques coupés en deux ici, des moules en bois là, des spatules et des sacs de soude caustique dans un coin ainsi qu’un densimètre jalousement gardé dans l’une des chambres. En plus des balances pour effectuer les pesées, il y a également une table métallique qui sert à découper. Ce ne sont pas des techniciens expérimentés en laboratoire chimique, mais plutôt de jeunes aventuriers qui maîtrisent à peine les noms des réactifs qui entrent en réaction pour produire du savon, encore moins les protocoles de sécurité. Avec le temps, ils finissent par maîtriser les pratiques et techniques de saponification. Les graffitis sur les murs renseignent sur le nombre de kilos d’huile palmiste injectée.

Comment fabriquer du savon ?

Les deux techniciens expliquent que, pour fabriquer du savon, deux éléments sont indispensables : l’huile des noix de palme (huile palmiste) et la soude caustique cristalline. Par réaction chimique, la soude transforme les corps gras en pâte de savon en présence des colorants pour obtenir la couleur souhaitée. Pour commencer, on prépare une solution composée d’huile palmiste et de soude caustique. Ces deux éléments sont mélangés dans un mini-fût à l’aide d’un malaxeur en bois. Ce mélange peut tourner pendant 2 heures. Le respect de la dose est crucial pour obtenir un savon avec un bon pouvoir mouillant. Selon ce fabricant de savon, 105 kg d’huile sont mélangés avec 69 kg de soude caustique. Au contact de la soude, la réaction chimique commence et l’huile se transforme en pâte. On mélange jusqu’à dissolution complète. C’est ce qu’on appelle la saponification à froid.

La pâte est maintenant prête à recevoir d’autres ingrédients, tels que des colorants ou des produits olfactifs pour les savons de toilette. Après cette phase, la pâte est prête à être coulée dans son moule. On laisse reposer la pâte de savon pendant une demi-journée avant de procéder au démoulage, puis à la coupe de la brique de savon. La fabrication du savon est un business rentable. Un kilo de savon coûte 5 000 FBu. Pour une unité de fabrication qui fonctionne correctement, le chiffre d’affaires mensuel oscille autour de 12 millions de FBu.

L’autre face de la médaille

Dans ce processus, la soude caustique (NaOH) joue un rôle clé. Le mélange entre l’huile palmiste et les cristaux de soude, concentrés à plus de 99,5 %, permet de produire un liquide visqueux. Une fois séchée, la pâte devient du savon en brique, prêt à être découpé. Parmi toutes les étapes, la préparation de la solution de soude caustique est la plus délicate.

Le mélange entre l’huile palmiste et les cristaux de soude, concentrés à plus de 99,5 %, permet de produire un liquide visqueux. Une fois séchée, la pâte devient du savon en brique, prêt à être découpé.

Le processus de dilution des cristaux de soude s’avère dangereux. En effet, ce type de réaction dégage des vapeurs nuisibles à la santé humaine. Notre interlocuteur affirme que la solution met au moins 24 heures avant de se refroidir. Durant cette période, il est déconseillé de pénétrer dans le local sans se protéger des voies respiratoires. Cependant, ils ne disposent pas de masques et utilisent des morceaux de tissu pour couvrir leurs narines. Pourtant, sur les emballages de la soude caustique, il est clairement indiqué que le produit est corrosif. L’inhalation ou une forte exposition à ce produit conduit inévitablement au développement de maladies respiratoires.

Un des techniciens s’est fait brûler les mains et nous a montré des cicatrices de brûlures sur ses mains. Le travail se déroule manuellement avec des moyens de bord, sans aucun équipement de protection. De temps en temps, ils utilisent des gants mal adaptés à la manipulation des produits chimiques. Un autre risque réside dans le fait que ces unités ne disposent pas de protocole précis pour déterminer les quantités exactes de soude caustique à utiliser. Ce ne sont que des valeurs approximatives. L’excès de soude caustique peut provoquer des lésions cutanées. Heureusement, le savon s’applique parfois avec de l’eau, notamment lors du lavage ou de la lessive. Le Bureau Burundais de Normalisation et de Contrôle de la Qualité (BBN) devrait suivre de près ces unités de fabrication du savon pour protéger ceux qui manipulent ces produits chimiques.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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