Environnement

Le Burundi subit de plein fouet les conséquences liées aux changements climatiques

Des milliers de personnes se sont déplacées de force suite aux inondations inédites qui ont frappé la plaine de l’Imbo en 2021. Les femmes et les enfants en sont les premières victimes. Sans assistance, ces catégories de personnes abandonnées à elles-mêmes sont un signe éloquent d’une injustice climatique. Nous sommes allés à la rencontre des sinistrés du site de déplacés dit « Sobel ». Reportage…  

Quelques sinistrés du site Sobel se mobilisent pour recevoir une assistance.

C’était aux environs de 10 heures quand nous avons débarqué à l’entrée du site Sobel abritant des milliers de déplacées des zones Gatumba et Kajaga. S’étendant sur plusieurs hectares, ce site se situe à quelques kilomètres de la ville de Bujumbura. Il suffit d’arriver à cet endroit pour se rendre compte de la situation de pauvreté totale qui y sévit. A notre arrivée, quelques enfants se sont précipités sur nous. Ils étaient en haillons et leurs petits corps chétifs levaient le voile sur leur situation.  Ceux-ci ont eu la malchance de mener une vie semblable à celle des sans-abris. A cette heure, les hommes sont rarement rencontrés sur le site. Un petit garçon d’environ 4 ans dont le visage est couvert de larmes est assis au milieu d’un sentier battu à quelques mètres de l’entrée menant à l’intérieur du site. Personne ne se soucie du sort de cet enfant. 

Une vieille maman vient chasser un petit garçon qui nous demanda de l’argent. « A la maison ! Ne t’ai-je pas interdit de demander de l’argent aux passants ? », lance-t-elle agitant un bâton dans la main gauche alors que le petit gamin s’éloigne tout inquiet. Selon cette vieille dame, la mère de l’enfant est partie le matin chercher la ration à l’extérieur. Un peu plus loin, au milieu des rangées de cabanes, quelques femmes sont occupées à tresser les cheveux à d’autres. 

A l’intérieur du site, tout laisse transparaître une image d’un milieu difficilement vivable. Certaines cabanes sont cadenassées. Pour celles qui ne le sont pas, on peut regarder à l’intérieur à travers des portes hermétiquement fermées.  Il n’y a presque rien.  Seulement quelques petits bidons servant à puiser de l’eau et quelques ustensiles de cuisine. Se promener dans ce milieu, c’est côtoyer la misère.   

A la différence des réfugiés ordinaires, ceux-ci n’ont pas fui la guerre. Ce sont que des victimes du changement climatique qui a causé la montée brusque du niveau des eaux du lac Tanganyika.

Elles sont se condamnées parfois à vivre de la mendicité ou à verser dans la pudicité. Alors que la COP27 approche à grands pas, les victimes des effets du changement climatique augmentent.

Les femmes et les enfants plus pénalisés

« La vie est trop dure pour les femmes vivant ici. Elles n’ont pas de soutien solide », affirme Fanny Ndayishimiye, une jeune femme mère de 4 enfants. Auparavant, elle vivait dans la zone de Gatumba. Cette femme venait de se séparer d’avec son ex-mari quand les inondations ont frappé. Aujourd’hui, elle doit se battre pour élever ses enfants qui sont encore en bas âge. Elle témoigne. « La vie devient très compliquée quand on est seule avec des enfants », indique-t-elle. En effet, il faut sortir du site pour trouver un job, si insignifiant soit-il. Malheureusement, les femmes célibataires ou divorcées passent le gros de leur temps à garder leurs enfants. Elle affirme surtout que beaucoup de femmes vivent ces situations. Pire encore, certaines d’entre elles se voient abandonnées par leurs maris ici même au site. « Il y a déjà eu des maris qui, partis à la recherche de la ration ne reviennent pas, préférant s’unir avec d’autres femmes à l’extérieur. D’autres pratiquent la polygamie ici même », explique Ndayishimiye. 

Elle affirme que certains enfants partent demander l’aumône. Quant aux femmes et filles, elles sont parfois tentées par l’échange des faveurs sexuels contre l’argent. Alors qu’elle parlait, sa fille de 3 ans arrive en pleurant. Elle veut de la nourriture, mais Ndayishimiye n’a pas allumer le feu cet avant-midi. L’avenir des enfants est fortement plombé par la pauvreté. Beaucoup d’entre eux abandonnent l’école à cause de la faim et du manque de kit scolaire.

La vie est trop dure pour les femmes vivant au site Sobel. Elles n’ont pas de soutien solide.

L’injustice climatique devrait focaliser l’attention du monde

Si tout le continent africain produit seulement 4% de CO2 en moyenne dans le monde, elle n’est pas épargnée par les sècheresses et les inondations dues au réchauffement climatique. Cela alors que les pays pauvres ne sont pas à la hauteur de soutenir une résilience contre les effets du changement climatique. 

Au Burundi, le gouvernement et les ONGs se sont visiblement heurtés à un problème de fonds pour assister les victimes. Selon Rénilde Ndayishimiye, experte en environnement, l’engagement des pays grands pollueurs de soutenir financièrement les pays en voie du développement afin de pouvoir faire face au changement climatique n’a pas été honoré. Lors de son intervention en marge des activités de sensibilisation à la résilience contre le changement climatique organisées au site Sobel par l’ONG Pathfinder International en juin 2022, l’experte a rappelé que la résilience est incontournable dans la lutte contre le changement climatique. Elle a cependant souligné que l’entrepreneuriat de la femme lui permettrait de faire face aux aléas climatiques. 

Malheureusement, le manque de soutien financier met à mal l’éducation à la résilience pour les victimes. D’après une femme entre les deux âges interrogée au site dit Sobel, il est très difficile pour certaines femmes pensionnaires de ce site d’apprendre un métier. Cette femme qui gagne de temps en temps quelques sous dans la broderie témoigne. « Nous avions commencé à apprendre à d’autres femmes comment on exerce ce métier, mais elles n’avaient pas de temps pour participer aux séances », indique-t-elle. Selon cette femme qui a requis l’anonymat, il n’est pas possible de participer à une formation non payante alors qu’on n’a pas la ration du soir pour les enfants. 

Rénilde Ndayishimiye, experte en environnement : « l’engagement des pays grands pollueurs de soutenir financièrement les pays en voie du développement afin de pouvoir faire face au changement climatique n’a pas été honoré ».

Les dirigeants africains prêts à agir ?

La question liée à l’injustice climatique est à l’agenda de la COP27, mais l’effectivité des conclusions de ce forum sur le climat sème encore le doute.  A la Semaine africaine du climat qui s’est ouverte lundi le 29 août à Libreville en marge de la préparation de la COP27, des voix d’indignation se sont faites entendre. Le président Gabonais Ali Bongo trouve aberrant le fait que le continent africain est décrit par les experts du Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) comme le continent le plus vulnérable alors qu’elle possède tous les atouts nécessaires pour un développement durable. «La croissance agricole mondiale a ralenti en raison du changement climatique et l’Afrique est la région la plus touchée avec une réduction de 34% de la croissance de la production agricole. 

Au-delà de 2°C de réchauffement, les dommages subis par l’agriculture africaine augmentent rapidement même si des efforts d’adaptation sont déployés », a expliqué Dr Christopher Trisos, un des principaux coordonnateurs du rapport du GIEC interrogé par le journal Afrique Renouveau. 

Lors de la COP21 qui a eu lieu à Paris en 2015, les dirigeants mondiaux s’étaient engagés à contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C jusqu’en 2100 par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle. Il fallait donc, selon les mêmes conclusions, le limiter à 1,5°C. Malheureusement, les prévisions de l’Organisation météorologique mondiale montrent que la planète s’oriente plutôt vers un réchauffement de 2,5°C à 3°C

Pour le président Bongo souvent considéré comme un défenseur de la politique favorable à la protection de l’environnement, les Africains devraient s’unir pour défendre l’environnement. « Le moment est venu pour nous, Africains, de prendre notre destin en mains », a-t-il lancé à ses confrères.  Cependant, la question liée à l’injustice climatique qui persiste entre les pays devrait trouver une solution durable. Les Etats devraient aussi prendre en considérations les cas des groupes sociaux vulnérables pour une résilience climatique plus juste.

Mots-clés :
A propos de l'auteur

Jonathan Ndikumana.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

éditorial

Faire respecter les prix : Une mission impossible

Faire respecter les prix : Une mission impossible

Au mois de décembre dernier, un ultimatum de 15 jours a été donné au ministère en charge du commerce par le Président de la République du Burundi pour faire face aux défis liés à la spéculation sur les prix. Cependant, les prix n’ont pas été fixés dans le délai imparti. Ce n’est que le 27 mars 2025, trois mois après, que la ministre en charge du commerce a signé une ordonnance fixant les prix minimums et maximums d’une trentaine de produits de première nécessité tels que le riz, les haricots, la viande, la farine de maïs, les pommes de terre, etc.

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 655

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

  • éditorial

    Faire respecter les prix : Une mission impossible

    Faire respecter les prix : Une mission impossible

    Au mois de décembre dernier, un ultimatum de 15 jours a été donné au ministère en charge du commerce par le Président de la République du Burundi pour faire face aux défis liés à la spéculation sur les prix. Cependant, les prix n’ont pas été fixés dans le délai imparti. Ce n’est que le 27 mars 2025, trois mois après, que la ministre en charge du commerce a signé une ordonnance fixant les prix minimums et maximums d’une trentaine de produits de première nécessité tels que le riz, les haricots, la viande, la farine de maïs, les pommes de terre, etc.
  • Journal n° 655

  • Dossiers Pédagogiques