Gouvernance

Le projet de loi fixant la capitale politique à Gitega adopté

Le projet de loi fixant la capitale politique à Gitega et  la capitale économique à Bujumbura a été adopté  par l’Assemblée Nationale mercredi le 16 janvier 2019. Les députés se réjouissent de cette initiative du gouvernement. Néanmoins, ils doutent de sa faisabilité et font savoir que c’est une initiative prise à la hâte

108 députés sur 109 présents dans l’hémicycle ont adopté  le 16 janvier 2019 le projet de loi fixant la capitale politique à Gitega et la capitale économique à Bujumbura. Dans l’exposé des motifs, Pascal  Barandagiye, ministre de l’Intérieur, de  la Formation Patriotique et du Développement Local a indiqué que séparer ces deux capitales est une nécessité. Selon lui, ce n’est pas une initiative qui nait aujourd‘hui. Il a fait savoir que depuis l’indépendance du Burundi la constitution préconisait que la capitale politique pourra être implantée dans un autre endroit.  De plus, même les constitutions de 2005 et de 2018 abondaient dans le même sens.  Selon Barandagiye, tout cela montre que l’idée de déplacer la capitale politique vers Gitega date de très longtemps.

Pascal Barandagiye, ministre de l’Intérieur de la Formation Patriotique et du Développement Local : « Séparer la capitale politique et la capitale économique est une nécessité »

Les raisons majeures de ce déménagement

Trois raisons majeures poussent le gouvernement  à penser à déplacer la capitale politique vers Gitega. La première consiste à rapprocher certains services clés de l’Etat de la population, car la ville de Gitega est au centre du pays.  Barandagiye a fait remarquer qu’on dit même qu’il y a un arbre qui localise bien ce centre de gravité du Burundi lorsqu’on s’appuie sur les calculs géométriques.  Cela justifie qu’il s’avère nécessaire que certains services de l’Etat soient basés à Gitega pour les rapprocher de la population. Pour un  habitant de la commune Mishiha de la  province de Cankuzo qui a besoin d’une signature sur ses documents au ministère de l’Intérieur et de la Formation Patriotique, la ville de Bujumbura est trop loin par rapport à celle de Gitega. De plus, un élève de cette région qui veut réclamer ses points  à Bujumbura dépense énormément.

Deuxièmement, il n’est pas bon que tous les intérêts du pays soient  concentrés au même endroit (Bujumbura) car, si les catastrophes surviennent, tout tombe à l’eau. Troisièmement, la déconcentration de la ville de Bujumbura est aussi une nécessité. Actuellement, tout le monde rêve de vivre à Bujumbura. C’est la raison pour laquelle il s’y observe l’exode rural, le banditisme et d’autres mauvaises habitudes. «Nous ne sommes pas les premiers à séparer la capitale politique de la capitale économique. Les pays comme la Tanzanie, le Cameroun, les USA… l’ont  fait avant nous», indique Barandagiye.

Des infrastructures d’accueil insuffisantes

Hon Pascal Nyabenda, président de l’Assemblée Nationale affirme que la séparation de ces deux capitales est une nécessité au regard des motifs présentés. Cependant, il  précise qu’il y a encore à faire pour que les services de l’état déjà ciblés déménagent vers Gitega. Selon lui, les infrastructures d’accueil sont insuffisantes.

La faisabilité est douteuse

Hon Agathon Rwasa indique que même en Tanzanie  la fixation de la capitale politique à Dodoma et de la  capitale économique à Dar-es-Salam n’a pas été facile. Le processus a commencé vers les années 80. Néanmoins, beaucoup d’activités politiques s’opèrent bien à Dar-es -Salam jusqu’aujourd‘hui. Au Cameroun, ce processus a aussi débuté vers les années 80. Le résultat escompté a été atteint récemment vers 2006. Actuellement, Lagos est la capitale économique et Abidjan capitale politique.  Il doute alors de la faisabilité de cette initiative dans un délai de trois ans.

Les intérêts de certaines familles installées à Bujumbura seront menacés

Hon Euphrasie Butezinka se soucie des employés qui  habitent à Bujumbura depuis l’indépendance du Burundi. Elle se demande où est- ce qu’ils vont trouver les moyens financiers pour s’installer à Gitega. Selon elle, leurs salaires sont dérisoires et ne vont pas leur permettre de faire des navettes entre Bujumbura et Gitega.  De plus, l’eau est insuffisante à Gitega.

Hon Simon Bizimungu se demande pourquoi on a construit le nouveau palais présidentiel à Bujumbura .Selon toujours lui, la ville de Gitega se distingue des autres villes du fait que cette dernière n’a pas d’aéroport international. Et de se demander comment les visiteurs qui vont atterrir à l’aéroport international de Bujumbura  vont se déplacer vers Gitega. Selon lui, le travail ne sera pas facile, car l’état des infrastructures routières laisse à désirer.

Fixer Gitega comme capitale politique, un plan élaboré à la hâte

Hon Fabien Banciryanino doute aussi de la faisabilité de la séparation de la capitale politique et de la capitale économique du pays. Ses doutes résident dans le manque de moyens financiers. Selon lui, ce plan a été pensé hâtivement. Il fait remarquer que le gouvernement a voulu fixer la capitale politique à Gitega depuis la Deuxième République. Nonobstant, le projet a échoué.

Selon hon Pamphile Marayika, la fixation de la capitale politique à Gitega vient pour freiner la concrétisation du plan directeur innovant de la ville de Bujumbura 2045 qui a été lancé le 28 novembre 2017. Selon lui, ce plan rend la ville de Bujumbura une mégapole à la fois  politique, sociale et économique. La ville de Bujumbura est considerée comme le miroir du pays. Et de s’inquiéter que fixer la capitale politique à Gitega c’est étrangler le plan directeur de la capitale Bujumbura.

A partir du 1er  janvier 2019, cinq ministères  vont déménager de Bujumbura à Gitega. Ce sont entre autres le ministère de l’Intérieur, de la Formation Patriotique et du Développement Local, de l’Education Nationale et de l’Enseignement des Métiers, de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage,  des Droits de la Personne Humaine, des Affaires Sociales et du Genre, de la Décentralisation et de la Reforme Sociale. Ils vont  y rejoindre le Sénat.

A propos de l'auteur

Jean Marie Vianney Niyongabo.

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