Gouvernance

Les indemnités d’expropriation : Disparité des tarifs d’indemnisation des terrains urbains, périurbains et ruraux

Ces dernières années, le gouvernement a contraint les habitants de certaines localités à quitter leurs propriétés pour des raisons d’utilité publique, telles que le traçage des routes, l’implantation de poteaux électriques ou encore le raccordement à l’eau potable. Parmi ces personnes, certaines avaient construit des maisons depuis plus de 10 ans. Cet article revient sur le processus d’indemnisation au Burundi

Le paiement de l’indemnisation doit être effectuée avant toute action de déplacement de la personne expropriée.

Au Burundi, l’expropriation est autorisée par la Constitution en son article 36, qui conditionne l’indemnisation à une compensation juste et préalable. L’ordonnance ministérielle conjointe n° 710/540/553 du 24 mai 2022, portant actualisation des tarifs d’indemnisation des terres, des cultures et des constructions en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, précise que le paiement de l’indemnisation doit être effectuée avant toute action de déplacement de la personne expropriée. Toutefois, en cas d’urgence avérée et dans tous les cas après paiement de l’indemnité, l’autorité compétente peut ordonner le départ immédiat de l’exproprié, nonobstant tout recours judiciaire.

L’indemnisation d’expropriation pour cause d’utilité publique peut se faire sous deux formes : soit une indemnité pécuniaire, soit un échange assorti. Néanmoins, l’exproprié a le droit d’exiger une indemnité pécuniaire. A défaut d’accord à l’amiable, il s’en réfère à la juridiction compétente.  Le bénéficiaire de l’expropriation doit fournir à l’autorité expropriante des documents authentiques attestant des droits pour lesquels il réclame une indemnisation. Ces documents peuvent inclure un titre foncier, un titre minier, un certificat foncier, un titre administratif ou tout autre document justifiant l’acquisition du bien ou la détention des droits objets d’expropriation

Quid des critères d’indemnisation des terres ?

D’après cette ordonnance, l’indemnisation des terres dépend de leur localisation et de leur aménagement. Les tarifs varient en effet en fonction de l’aménagement des terres et de leur situation géographique. En zone urbaine, où la demande foncière est particulièrement élevée, les terres aménagées bénéficient de valeurs d’indemnisation importantes. En revanche, les terrains non aménagés situés en zones rurales ou périurbaines, où la pression foncière est moins forte, bénéficient généralement d’indemnités plus faibles. Comprendre ces différences est crucial pour les propriétaires en cas d’expropriation. Ainsi, ces valeurs peuvent varier selon la destination prévue du terrain ou les projets d’aménagement en cours.

Les disparités tarifaires dans les zones urbaines et périurbaines

Selon cette même ordonnance, l’indemnisation est effectuée en fonction des catégories de terrains aménagés et non aménagés situés en zone urbaine et périurbaine.

Pour la catégorie des terrains viabilisés de très haut standing situés à Bujumbura, le tarif d’indemnisation est fixé à 400 000 FBu par m2.

Pour la catégorie de terrains viabilisés de haut standing dite Classe A, situés dans des quartiers offrant un niveau d’aisance maximal grâce à une qualité de construction élevée et des équipements supplémentaires (ascenseurs, climatisation, portails électroniques, piscine, etc.) , tels que Rohero I, II et Kiriri, l’indemnisation est fixée à 350 000 FBu/

Pour la classe B, les quartiers dont la qualité de construction et les équipements supplémentaires offrent un niveau d’aisance moyen (Kigobe Nord et sud, Mutanga sud et nord, Gatoke, Rweza, Sororezo, Kiyange,Gatoke et Kabondo ), elle est établie à 300 000 FBu par m2.

Concernant la classe C, les quartiers dont la qualité de construction et les équipements supplémentaires offrent un niveau d’aisance acceptable (Kinindo, Kinanira II, III, IV, Gasekebuye, Carama et Kabondo-Ouest), le tarif est à 280 000 FBu par m2.

Pour Classe D (quartier asiatique), c’est 250 000 FBu tandis que pour la classe E (quartier industriel et Ngagara IX et X), il est fixé à 220 000 FBu par m2.

Les frais d’indemnisation des terrains viabilisés de bas standing, où prédominent les activités informelles et des populations agricoles (Mutakura, Buterere), s’élèvent à 95 000 FBu par m².

Pour les terrains non structurés avec éclairage public, mais en l’absence de caniveaux, où prédominent les activités agricoles (Bukirasazi, Buhinyuza), le tarif est de 80 000 FBu par m².

Quid des terrains non viabilisés ?

Dans les quartiers ayant des voies de desserte manuelles non structurées avec quelques bornes-fontaines et un éclairage public quasi inexistant (Kamesa, Gihosha Rural, Gikungu Rural), les frais d’indemnisation sont de 70 000 FBu par m2.  Concernant les quartiers spontanés situés en dehors du périmètre urbain mais directement liés au tissu urbain (Gatunguru,Gahahe,Gasenyi-Bujumbura,Ruziba) le montant est de 50 000 FBu par m2.

Les tarifs d’indemnisation fixés pour certaines cultures pérennes
CULTURES TARIF / Pied en FBu
Bananier 25 000
Caféier 3 928
Théier 525
Palmier à l’huile 68 080
Avocatier 80 440
Citronnier 65 000
Mandarinier 120 000
Maringá 50 000
Orangers 72 180

 

Quant aux cultures annuelles et bisannuelles, les tarifs sont établis comme suit :
CULTURE TARIF / Hectare  en FBu TARIF/ Are  en FBu
Mais ( Ibigori) 1 632 000 16 320
Haricot volubile (Ibiremberwa) 3 420 000 34 200
Sorgho (Amasaka) 3 600 000 36 000
Blé (Ingano) 3 000 000 30 000
Manioc doux (Imyumbati) 6 000 000 60 000
Pomme de terre (Ibiraya) 10 080 000 100 800
Oignons (Ibitunguru vy’igoma) 14 400 000 144 000
Patate douce (Ibijumbu) 6 000 000 60 000
Colocase (Amateke) 12 800 000 128 000
Ananas (Inanasi ) 22 400 000 224 000
Petit pois (Ubushaza) 4 000 000 40 000
Soja (Isoya) 5 000 000 50 000

 

L’ordonnance traite également des essences forestières et agro-forestières. Pour l’eucalyptus, le callitris, le pinus, la grevillea et la cedrella, l’indemnisation par arbre est fixée à 31 500 FBu. Par ailleurs, l’indemnisation d’une souche de bambou est fixée à 2 450 FBu.  Et de préciser que pour les essences forestières dont les références ne sont pas spécifiées dans l’ordonnance, l’indemnisation sera négociée à l’amiable entre la personne expropriée et l’administration

L’article 14 de ladite ordonnance stipule que celle-ci fera l’objet d’une révision périodique tous les cinq ans, afin de s’adapter aux réalités socio-économiques.

Que faire pour éviter les plaintes de la population expropriée ?

Depuis l’époque coloniale, le Burundi n’a pas été en mesure d’inventorier toutes ses terres. Que ce soit sous le mandat des Allemands ou des Belges, il a été affirmé que l’État est propriétaire des terres vacantes, mais ces terres n’ont jamais été identifiées ni délimitées.

Selon Emery Nukuri, expert en cartographie foncière, il est crucial que l’État dispose d’une base de données exhaustive de toutes ses terres cultivables, ainsi que de celles destinées à la construction. Cette base de données devrait permettre de connaître leur situation, leur qualité en termes de fertilité et d’utilisation, et ainsi de planifier les expropriations de manière à promouvoir un développement harmonieux.

M.Nukuri rappelle également que l’article 457 de la loi n° 1/13 du 9 août 2011 portant révision du Code foncier du Burundi stipule qu’en attendant la promulgation du Code de l’aménagement du territoire, les dispositions relatives aux plans d’aménagement du territoire, telles qu’elles figurent dans la section 2, chapitre III, titre IV du code Foncier de 1986 restent d’application.

A propos de l'auteur

Aline Niyibigira.

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