Dans un Burundi qui sort progressivement de la crise socio-politique, la publication ou le partage des images choquantes sur les réseaux sociaux peut provoquer la prolifération des messages de haine et entrainer par la suite des conflits dans la société. Onesphore Nibigira, photojournaliste depuis plus de 10 ans recommande à tout un chacun de s’abstenir de partager des images qui peuvent toucher les cœurs des gens
Avec l’émergence des réseaux sociaux, la diffusion ou le partage des images choquantes est devenu monnaie courante au Burundi. Elles sont partagées dans les groupes WhatsApp et sur Facebook ou sur Twitter quelquefois.
Onesphore Nibigira précise d’abord qu’une image peut être une représentation visuelle : une photo, un dessin, des statues, etc. Pour lui, toute image véhicule un message. Ce photojournaliste ajoute que le message est différemment apprécié par les récepteurs. S’appuyant sur un sémioticien italien, M. Nibigira informe que le message n’est pas un paquet clos. « C’est un paquet ouvert qu’on renouvelle à chaque transmission ». Selon lui, s’il y a une image, il y a celle qui la voit et va le dire ou l’envoyer à quelqu’un d’autre. « J’ai vu une image d’un cadavre qui était ligoté ». Et puis le récepteur va transmettre à une autre personne la même image, mais avec la transformation du message. « J’ai vu une image d’un cadavre qui était déchiqueté ». Il fait savoir qu’avant d’arriver au dernier récepteur, le message aura été complètement déformé.

Onesphore Nibigira : « Les images choquantes peuvent contribuer à la prolifération des messages de haine ».
Pour Onesphore Nibigira, les images choquantes peuvent contribuer à la prolifération des messages de haine. « Par exemple, Si quelqu’un voit une image d’un cadavre d’un membre de la famille circuler dans des groupes WhatsApp ou sur tout autre réseau social, il sera choqué. Et, en lui, il peut développer un esprit de vengeance », montre-t-il. Dans le pays, les messages de haine peuvent contribuer à la longévité des conflits entre les communautés de différentes ethnies. Si je vois une image qui me choque, je peux dire au membre de ma famille que ce sont des personnes de telle ethnie qui ont fait cela. De ce membre de ma famille, cela peut s’élargir jusqu’au clan, à la région, à la religion et à l’ethnie. Il donne l’exemple de la CVR qui exhume les restes des êtres humains dans différentes provinces du pays. « Par exemple si les Hutus voient ces restes, elles se disent : vous voyez ce que les Tutsis nous ont fait en 1972 ? Nous allons nous venger. Si les Tutsis répliquaient: vous voyez le cimetière de Bugendana ? ce sont les Hutus qui nous ont tué. Nous devons nous venger ». Cela provoque la haine. A partir des messages de haine, on peut aller jusqu’à la vendetta. Et même si ce n’était pas une vendetta comme telle, nous l’avons vécu avec les cycles de violence. Certains groupes sociaux deviennent bourreaux, d’autres victimes et vice-versa, explique Nibigira.
« Il faut effacer les images choquantes »
« Si tu vois une image choquante, un cadavre sur la rue ou ailleurs, pourquoi la photographier ? Pour quel motif ? », se demande Nibigira. Pour l’envoyer à la police ou pour une éventuelle autopsie c’est un bon signe, affirme-t-il. Le photojournaliste recommande de ne jamais partager une image choquante avec quelqu’un d’autre ou sur les réseaux sociaux ou dans des groupes WhatsApp. Il ne faut pas l’envoyer. Vous imaginez comment va se sentir celui qui voit une image de son enfant, de sa mère, de son cousin, … circuler dans les groupes ? ». Et si tu reçois une telle photo, M. Nibigira propose de ne pas la partager et de l’effacer surtout.
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