L’Ong locale Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités (PARCEM) alerte sur l’ampleur de la corruption au Burundi. La machine de lutte contre la corruption est en panne, estime Faustin Ndikumana, président de PARCEM. Il appelle la population et les pouvoirs publics à prendre des mesures pour réduire ce phénomène qui sape les efforts de développement

Faustin Ndikumana, président de PARCEM : «On ne peut pas parvenir à un développement durable tant qu’il y a la corruption qui anéantit les efforts de développement ».
Dans un communiqué de presse daté du lundi 27 août 2018, M. Faustin Ndikumana, président de PARCEM dresse un bilan négatif de la politique de tolérance zéro à la corruption, 8 ans après sa mise en œuvre. « Les retraites gouvernementales qui ont été organisées à Kayanza, Gitega et Ruyigi pour parler de l’état des lieux de la corruption au Burundi se sont soldées par un échec. Les recommandations issues des Etats généraux et des différentes retraites sont restées lettre morte », déplore M. Ndikumana.
Depuis 2007, le gouvernement a entrepris pas mal d’initiatives pour réduire le phénomène de corruption. Ce sont notamment la mise en place des organes (la brigade spéciale anti-corruption, la cour anticorruption, le parquet près de la cour anti-corruption..), un cadre légal, une Stratégie Nationale de Bonne Gouvernance et de Lutte contre la Corruption (SNBGLC) pour la période allant de 2011 à 2015. Malheureusement, ces derniers jours, force est de constater que les actes de corruption et d’autres pratiques y relatives sont régulièrement enregistrés dans divers secteurs. Le phénomène de corruption et de malversations économiques s’est amplifié au lieu de diminuer, déplore le patron de PARCEM.
Pour lui, la question qui se pose est comment peut-on lutter contre la corruption alors que la machine de lutte contre la corruption est en panne. Il dénonce le manque de volonté des dirigeants dans la lutte contre la corruption. Pour preuve, personne ne déclarent ses biens avant d’entrer en fonction comme le stipule la Constitution. Il appelle la population en général et les autorités en particulier à changer de mentalités. On ne peut pas parvenir à un développement durable tant qu’il y a la corruption qui anéantit les efforts de développement, se désole M. Ndikumana.
La corruption touche tous les secteurs
Pour le cas du Burundi, l’enquête menée en 2008 par le Cabinet d’Études de Recherches et de Traitements Informatiques (CERTI) sur la gouvernance et la corruption a démontré que tous les services de l’administration publique sont affectés par la corruption.
Au niveau de l’administration publique, la corruption réduit son efficacité et, partant, l’efficience de l’action gouvernementale. De plus, elle augmente les coûts des services publics les rendant inaccessibles aux plus vulnérables. Et enfin la corruption est à l’origine des tracasseries administratives et favorise les pénuries pour créer de nouvelles opportunités illicites, apprend-on du document de la SNBGLC.
Les conséquences de la corruption
L’on ne saurait énumérer toutes les conséquences de la corruption dommageables à l’économie nationale et à la vie des citoyens. Les experts alertent sur les effets dévastateurs de la corruption. Le phénomène de corruption aggrave la pauvreté et creuse les inégalités sociales. A titre illustratif, le détournement des fonds destinés aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services essentiels affectent des milliards de personnes, partout dans le monde, disent-ils.
Les analystes pensent que la corruption crée systématiquement un surcoût sur les produits et les services. A titre d’exemple, les pots-de-vin payés à la douane se répercutent sur les prix de revient et les prix de vente des produits. Ce qui entraine une hausse généralisée des prix. Des fois les corrupteurs anticipent une hausse généralisée des prix tenant compte de l’accumulation des pots-de-vin. En principe, cela ne fait qu’alimenter l’inflation.
La corruption freine le développement
D’après l’Agence pour le Développement Économique et Culturel Nord-Sud établie en France, la corruption endémique est aujourd’hui l’un des freins majeurs au développement de la plupart des pays du monde. En effet, la corruption induit des pertes de recettes fiscales : elle cause ou facilite l’évasion fiscale, la fraude, le non-paiement des impôts et engendre l’accroissement de l’économie informelle. Le manque à gagner en termes de recettes publiques engendre la réduction des programmes sociaux (au détriment des classes les plus défavorisées), et le maintien d’une mauvaise qualité/quantité des services publics.
La corruption introduit et protège des monopoles inefficients entravant la libre concurrence. Elle crée une distorsion des investissements vers les secteurs corrompus et baisse la qualité des biens achetés et produits. De plus, la corruption encourage la spéculation et les rentes parasitaires dans le secteur des importations. Pire encore, elle décourage les investissements étrangers, lit-on dans le document de Stratégie de Bonne Gouvernance et de Lutte contre la Corruption.
Les entreprises en pâtissent
Les experts révèlent que la corruption coûte cher aux entreprises. Une entreprise ayant la réputation d’être corrompue devient plus vulnérable à l’extorsion, estiment-ils. Pour l’Ong Transparency International, les bureaucrates peuvent être tentés de complexifier les réglementations et les lourdeurs administratives pour créer des opportunités de corruption.
La corruption impacte également le développement économique et stratégique de l’entreprise en modifiant l’allocation des ressources. L’Agence pour le Développement Economique et Culturel démontre bel et bien qu’il y aura moins d’investissements en interne, des retards en recherche et développement et un ralentissement de l’innovation, des exclusions de marché, … De manière générale, la corruption augmente les coûts de production et réduit la profitabilité des investissements. La Banque Mondiale estime que le coût élevé des investissements dû à la corruption des fonctionnaires encourage de nombreuses entreprises à réduire leurs obligations fiscales en ne déclarant pas la totalité de leurs ventes, coûts et masses salariales.
La croissance économique remise en cause
Les spécialistes en matière de lutte contre la corruption établissent un lien étroit entre la corruption et la croissance économique d’un pays. Ainsi, les études empiriques prouvent qu’un niveau de corruption élevé est souvent associé à de faibles niveaux d’investissements publics et privés. La corruption diminue la productivité et l’efficacité générale de l’économie. La corruption affecte la croissance par une mauvaise allocation des ressources. Elle entrave également le développement économique par son impact négatif simultané sur le revenu, l’instruction et la santé. La corruption est à l’origine du déficit chronique de la balance des paiements et de l’établissement, par l’administration publique, de fausses statistiques servant de base aux politiques économiques.
Pour faire face à l’évolution galopante du phénomène, les spécialistes suggèrent la mise en place de mesures rigoureuses impliquant l’engagement de tous pour améliorer la transparence dans la gestion et éliminer la corruption. Dans le cas contraire, la corruption ne fera qu’aggraver la pauvreté et l’exclusion des couches importantes de la population.
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