La tradition burundaise veut qu’une femme ne prenne pas la parole pour représenter la famille, surtout pendant les festivités. Au pire, la tradition tolère qu’un membre de la famille élargie représente la famille, pourvu qu’il soit un homme. Pour certains, cette pratique constitue une barrière culturelle qui bloque l’épanouissement de la femme burundaise
« Nta nkokokazi ibika isake iriho », dit un proverbe rundi. Comme dans toute société patriarcale, dans la tradition burundaise, la femme ne pouvait pas prendre la parole en présence des hommes, surtout lors des festivités. Pour Mme Marie Rose Twagirayezu ,62 ans, mère de 2 enfants, cette pratique ne visait que la discrimination de la femme. Elle donne la paroleplus aux hommes qu’aux femmes. Lors des cérémonies de remise de dot pour son fils ainé, Mme Twagirayezu a pris la parole au nom de la famille. « Même si mon fils ne me l’avait pas demandé, je l’aurais fait », a répondu spontanément cette dame quand nous lui avons demandé ce qu’elle avait comme motivation. « Pour moi, la parole est au-delà de la tradition, surtout quand il s’agit d’une fête pour mon enfant. C’est une bonne occasion pour les parents d’exprimer leur sentiment. Et cela n’a rien avoir avec le genre », fait-elle savoir.
Cette attitude de Mme Twagirayezu a fait objet de critique. Pour certains, c’était très osée, une insolence à la limite. Mais pour d’autres, c’est une attitude qui valait la peine. « Quand une femme prend la parole pendant les festivités quelles qu’elles soient, je comprends une chose « elle est ingrate » c’est tout. Aucune explication ne pourrait me convaincre. La tradition burundaise est notre identité. Nous devons la protéger sinon nous serons comme un peuple sans culture », fait savoir V.N, 60 ans.

Mme Marie Rose Twagirayezu :« C’est incompréhensible qu’une femme prenne des grandes décisions pour tout le pays et que cela ne pose pas de problèmes. Mais quand il s’agit d’une simple allocution pour contextualiser la fête de son enfant, on l’oblige à mandater un homme pour prendre la parole à sa place ».
Une tradition qui exclut la logique
La tradition burundaise veut qu’en absence du père de famille, son frère ou un autre membre de la famille élargie prenne la parole à sa place pourvu qu’il soit un homme. Cela reste valable même si la maman de l’enfant est encore en vie. « Une chose qui m’a fort choqué lors de mon mariage, c’est de voir un oncle qui nous a beaucoup maltraité depuis la mort de notre papa prendre la parole à la place de mon père. Je peux parier que ma mère l’aurait très bien fait plus que lui », fait savoir N.N, 35 ans.
Pour Mme Twagirayezu, si une femme peut remplacer valablement son mari dans l’éducation des enfants, pourquoi ne pas le remplacer dans les festivités ?« Je ne me voyais pas en train de chercher quelqu’un pour venir prendre la parole au nom des parents d’un enfant dont il connait à peine le nom, dont il n’a même pas contribué à l’éducation, mais surtout un enfant que j’ai élevé seule pendant 35 ans », souligne-t-elle.
La tradition devrait avancer
« La tradition est quelque chose qui évolue avec le temps », fait savoir Mme Twagirayezu. Dans le Burundi traditionnelle, les femmes ne fréquentaient pas l’école, Elles n’occupaient même pas des postes de responsabilité. Mais cela a évolué avec le temps. Aujourd’hui, nous avons des hauts cadres féminins. « C’est incompréhensible qu’une femme prenne des grandes décisions pour tout le pays et que cela ne pose pas de problèmes. Mais quand il s’agit d’une simple allocution pour contextualiser la fête de son enfant, on l’oblige à mandater un homme pour prendre la parole à sa place, juste parce que c’est une femme. Je trouve cela dépourvu de toute logique », rigole-t-elle.
Cette ancienne fonctionnaire du ministère ayant la culture dans ses attributions (un ministère qu’elle a servi pendant 40 ans) admet que la tradition est tout ce que nous avons de plus cher. Toutefois, elle invite les autres femmes à combattre les traditions qui les discriminent «Ces traditions n’ont plus de place aujourd’hui», ajoute-t-elle. Toutefois, elle souligne qu’il faut le faire sans manquer de respect à qui que ce soit.
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