Pauvre, sans accès à la terre et mise à l’écart dans la gestion de la production, la femme Burundaise peine à profiter des fruits de sa principale activité économique. Lors du forum des femmes organisé par Search for Common Ground via son projet Tuyage, la place de la femme dans le secteur agricole était un des thèmes retenus
Sous le poids des barrières socio-culturelles et d’autres réalités sociales, la femme Burundaise peine à se tailler la place dans l’agriculture. Plusieurs études ont montré qu’elle n’a droit ni aux moyens de production ni à la gestion de la récolte. Pour Anne Tiennette Baryungeko, antenne de la CAFOB dans la province de Ngozi, il est impossible pour la femme de s’appuyer sur l’agriculture pour son autonomisation. Cette femme a choisi d’illustrer ses propos en pointant du doigt l’absence de droit à la terre pour les femmes pourtant considérée comme substrat de tout développement. «La femme ne possède de terre ni dans sa famille d’origine ni chez son mari», souligne-t-elle. Elle regrette notamment la suspension du projet de loi sur la succession.
N’ayant pas accès à la terre et à d’autres biens familiaux, les femmes font face à d’énormes difficultés d’accéder au crédit bancaire. Selon le rapport de la BRB (2015) sur l’offre des services financiers formels au Burundi, le taux d’inclusion financière des femmes était de 30,6%, 30,3%, 28,3% respectivement en 2013, 2014 et 2015 alors que celui des hommes était de 69,4%, 69,7% et 71,7% à la même période.

Le changement de mentalités chez les hommes aboutirait à des résultats positifs.
Le non accès aux informations, un autre obstacle
Les femmes sont placées sur la ligne de front dans l’exploitation de la terre et dans la production agricole. Les statistiques du recensement général de la population de 2008 révèlent une situation paradoxale. Alors que la population agricole burundaise représentait 90,8% de la population totale, 51,6% de ce groupe de citoyens étaient des femmes.
Malgré cette présence majoritaire des femmes dans le secteur agricole, la femme n’a pas accès aux informations. Marie Bernadette Hakizimana, cadre à l’ISABU affirme l’exclusion des femmes dans les travaux visant à renforcer les capacités dans le secteur agricole. « Seuls les hommes sont le plus souvent invités dans les réunions organisées à l’endroit des cultivateurs », fait-elle observer avant d’ajouter que l’ISABU essaie d’encourager la participation des femmes à ce genre de travaux. D’après elle, les barrières socio-culturelles y jouent parfois un rôle. Le plus souvent, les maris refusent carrément à leurs compagnes de participer aux activités de formation qui leur exigent de passer la nuit en dehors du toit familial.
Cependant, ce sont elles qui travaillent plus souvent dans les champs. « Quand nous envoyons nos techniciens sur terrain, on constate plutôt qu’ils collaborent beaucoup plus avec les femmes», indique-t-elle.
Une éducation à la masculinité positive pour changer la donne
Certaines femmes affirment que le changement de mentalités chez les hommes aboutirait à des résultats positifs. « Il existe des barrières socio-économiques qui empêchent les femmes de participer au développement de la famille », indique une des panélistes du jour. Celle-ci défend que certains maris empêchent leurs femmes d’exercer des activités génératrices de revenus par ignorance.
Pour elle, les maris devraient participer à des formations sur la masculinité positive. Ce qui permettrait à leurs ménages de se développer. Cette femme impliquée dans la sensibilisation de ses collègues sur leur autonomisation note certaines avancées. Certains maris comprennent déjà le rôle de la femme dans le développement du ménage. « Les ménages où les maris collaborent bien avec leurs femmes se sont développés », souligne-t-elle.
Grace Fleur Francine Uwitonze, directrice du projet Tuyage à Search for Common Ground insiste sur l’éducation des enfants dès le bas âge. « Si les parents inculquent à leurs enfants les bonnes valeurs en matière de l’égalité des genres,… cela peut conduire au changement », rappelle-t-elle. Elle indique également que soutenir l’autonomisation de la femme est très important pour accroître sa considération auprès de son mari.
Malgré certaines avancées en matière de participation de la femme au secteur agricole, les défis restent nombreux. La grande question liée au droit à la terre persiste et le débat lancé sur la succession de la femme gît dans les tiroirs depuis 2014.
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