Confronté à des défis économiques et sociaux depuis plusieurs années, le Burundi souffre notamment de déséquilibres extérieurs persistants. Néanmoins, des progrès ont été enregistrés dans plusieurs domaines. Parmi les réponses clés du Fonds Monétaire International (FMI) aux questions fréquemment posées figure également la nécessité d’unifier les taux de change. Ce qui permettrait de ramener les prix des carburants à un niveau nettement inférieur à celui pratiqué actuellement sur le marché parallèle.

Les services du FMI estiment que, suite à une unification des taux de change, les prix des carburants seraient nettement inférieurs au prix actuel sur le marché parallèle.
Ces réponses ont été données sur les questions fréquemment posées sur le Burundi et publiées sur le site web du FMI dès le début de cette année 2025.
Sur comment évaluez-vous les performances économiques du Burundi au cours des deux dernières années et quel est l’état d’avancement de l’accord soutenu par la Facilité Elargie de Crédit (FEC) approuvé en juillet 2023 ?
Le fonds réplique : « Malgré son potentiel économique, le Burundi est confronté à des défis économiques et sociaux importants depuis plusieurs années. La croissance du PIB devrait atteindre 2 % en 2024, contre 3,3 % en 2023, entravée par une pénurie prolongée de carburant et une inflation élevée ». Il signale par ailleurs que l’inflation qui avait ralenti jusqu’à mi-2024 a bondi à 36,4 % en glissement annuel en décembre 2024 en raison de la dépréciation rapide du taux de change sur le marché parallèle et de la monétisation du déficit budgétaire.
Et de continuer : « L’économie souffre de déséquilibres extérieurs importants, notamment un déficit courant élevé, un taux de change officiel surévalué, de faibles réserves de change (équivalentes à environ un mois d’importations) et un taux de change parallèle qui se négociait à environ 160 % de plus que le taux officiel (données à fin janvier 2025). Le déficit budgétaire s’établissait à 5,1 % en 2023-2024 avec un ratio dette/PIB de 62 % à fin 2024 ».
Conformément aux politiques du FMI, cette institution de Bretton Woods indique que l’accord au titre de la facilité élargie de crédit (FEC) approuvé en juillet 2023 a automatiquement pris fin en janvier 2025, aucune revue n’ayant été achevée sur une période de 18 mois.
Point de vue sur les réformes
Le fonds reconnait que certaines réformes ont été mises en œuvre et que des progrès ont été enregistrés dans plusieurs domaines. Les autorités ont par exemple entamé une réforme ambitieuse de la gestion des finances publiques avec le passage à la budgétisation par programmes.
« Elles ont mis en place des cadres juridiques qui permettront la mise en œuvre du budget programme à compter de 2026 », signale-t-il avant de faire remarquer qu’afin d’accroître les recettes, les autorités ont lancé au cours de l’exercice 2023-2024 un nouveau système électronique de paiement de la TVA.
La Banque centrale a adopté à son tour une nouvelle réglementation des changes en décembre 2023 et autorisé le transfert des comptes en devises des ambassades, des institutions financières internationales, des ONGs et des exportateurs auprès des banques commerciales, une avancée bienvenue vers la normalisation du marché des changes.
Recommandations de politique économique en vue d’améliorer la situation économique
Tenant compte de la surévaluation considérable du taux de change officiel, de la hausse de l’inflation et des risques élevés pesant sur la viabilité de la dette, le FMI recommande un recalibrage rapide des politiques budgétaire et monétaire.
Il est essentiel, selon toujours lui, de maîtriser le déficit budgétaire pour réduire le financement intérieur par la Banque centrale et juguler l’inflation, contenir les pressions sur le taux de change et préserver la viabilité de la dette publique.
Par ailleurs, des réformes structurelles sont essentielles pour améliorer la gouvernance et le climat des affaires, et indispensables pour soutenir une croissance économique équilibrée et inclusive. Un diagnostic de la gouvernance, avec l’assistance technique du FMI, est en cours d’achèvement et définira les réformes prioritaires.

En juillet 2023, un accord au titre de la facilité élargie de crédit de 272 millions USD a été approuvé pour le Burundi, avec un décaissement immédiat d’environ 62 millions de dollars.
Quelle est l’action ou la mesure que les autorités devraient privilégier ? Le FMI recommande-t-il une dévaluation du Franc Burundais ?
Il est essentiel pour le fonds d’unifier immédiatement les taux de change officiel et parallèle et de réformer le marché des changes pour sortir du piège de la croissance faible – inflation élevée.
Le régime de change actuel et la forte prime de change qu’il provoque donnent lieu à de vastes distorsions dans l’économie, qui constituent les principaux obstacles à la stabilisation économique. Le système actuel cause des pénuries prolongées de carburant, des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, des obstacles à l’expansion des exportations agricoles (formelles) et porte préjudice à l’investissement direct étranger. Le FMI a constamment recommandé plusieurs réformes visant à réduire ces déséquilibres, notamment l’unification du taux de change officiel et du taux de change parallèle, la libéralisation du marché des changes et l’adoption d’un régime de change flottant permettant au taux de change de refléter les fondamentaux de l’économie.
Avec des politiques budgétaire et monétaire de soutien et des réformes structurelles destinées à soutenir la croissance du secteur privé, l’investissement étranger et les exportations, le FMI estime que ces réformes des changes constituent une condition préalable importante pour que le Burundi réalise son potentiel économique.
Risques dus à l’unification du taux de change
Les inquiétudes quant à l’impact inflationniste de l’unification des taux de change sont surestimées selon les services du FMI. Pour lui, les biens importés (environ 70% des importations d’après les calculs des services du FMI) sont déjà en grande partie financés au taux du marché parallèle, de sorte que les variations du taux officiel ne les affecteraient pas directement.
D’ailleurs, les prix intérieurs ont augmenté sensiblement en 2024, malgré la stabilité du taux de change officiel. Le carburant est toujours importé au taux de change officiel. Ce qui explique les graves pénuries d’essence. L’ajustement du taux de change officiel entraînerait une hausse des prix des carburants à la pompe, mais améliorerait grandement l’approvisionnement en carburant. Le prix des carburants sur le marché parallèle est déjà beaucoup plus élevé que le prix réglementé. Les services du FMI estiment que, suite à une unification des taux de change, les prix des carburants seraient nettement inférieurs au prix actuel sur le marché parallèle.
Au Burundi, le FMI fournit une assistance technique dans la gestion des finances publiques, dans l’administration fiscale, dans la politique de dépenses, dans les statistiques, dans la supervision du secteur bancaire et politique monétaire.
Il intervient dans la surveillance qui se fait dans le cadre des missions annuelles des services du FMI à Bujumbura. Cela afin d’examiner avec les autorités et d’autres parties prenantes l’évolution de la situation économique du pays, ses perspectives et les politiques qu’elles peuvent mener.
En 2021, le FMI a octroyé au pays un financement au moyen de la facilité de crédit rapide de 75 millions USD pour aider le pays pendant la crise de la COVID-19, un allégement de la dette dans le cadre du fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes (7,6 millions USD) et l’allocation de Droits de tirage spéciaux (DTS) de 2021 (206,6 millions USD). En juillet 2023, un accord au titre de la facilité élargie de crédit de 272 millions USD a été approuvé, avec un décaissement immédiat d’environ 62 millions de dollars.
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