L’usage de la voie maritime et ferroviaire peut booster l’économie du pays et impacter la diminution des prix des produits importés. Ce qui serait avantageant non seulement pour le pays, mais aussi pour le consommateur. Cependant, cette voie est moins utilisée et nécessite beaucoup d’efforts pour la développer, notamment, la construction des infrastructures de navigation, la signature des accords d’échanges commerciaux sur le long terme…
Le Burundi importe et exporte les marchandises par la voie ferroviaire et maritime, la voie terrestre ou la voie aérienne. Comme la voie aérienne est sous-développée, le pays se rabat souvent sur la voie terrestre et la voie maritime et ferroviaire. La voie ferroviaire et maritime ici évoquée concerne le tronçon Dar-es-Salaam-Kigoma-Bujumbura, long d’environ 1429 km.
Cette voie est moins chère, mais moins utilisée selon Eric Ntangaro, secrétaire exécutif de l’Association des Transporteurs Internationaux du Burundi (ATIB). Ce qui fait que les produits qui passent par la voie multimodale arrivent au dernier consommateur à bas prix. « Par ailleurs, il existe peu de barrières non tarifaires, entre autres les tracasseries policières. On ne soucie pas de la crevaison des pneus, les heures de voyage ne sont pas nombreuses, les produits arrivent en grandes quantités et au même moment… », informe M.Ntangaro.
Pour Pierre Nduwayo, président de l’Association Burundaise des Consommateurs (ABUCO), le souhait des consommateurs est que les produits arrivent rapidement et à moins cher.
«Une fois que les produits passeraient par la voie maritime, les statistiques démontrent que les produits arriveraient au dernier consommateur à bas prix et en grandes quantités. Cela épargnerait également les routes des camions poids lourds qui les abîment », fait remarquer M.Nduwayo avant de regretter que les usagers de la route bloquent parfois le développement de la voie maritime et ferroviaire.

L’usage de la voie maritime et ferroviaire permet au pays d’économiser 90 USD sur une tonne de marchandises, soit environ 30 millions USD par an.
Un bénéfice confirmé
Bonaventure Sinzobakwira, directeur général de Global Port Services confirme que la voie maritime et ferroviaire est moins chère par rapport à la voie routière.
Se basant sur les statistiques de 2017, le directeur général de la société concessionnaire du port de Bujumbura signale que l’usage de la voie maritime et ferroviaire occasionnait un gain d’environ 96 USD sur une tonne de marchandises importées comparativement à l’usage de la voie routière.
Il se réfère au fait qu’une tonne arrivait au port avec une valeur de 72,68 USD lorsqu’on utilisait la voie maritime et ferroviaire et 168 USD par tonne lorsqu’on utilisait la voie routière.
Agrippine Nduwimana, chef de poste de l’AMPF au port de Rumonge avise que 10 bateaux accostent chaque semaine au port de Rumonge. Ce qui est intéressant, les impôts et taxes sur les marchandises sont payés en devises, continue-t-elle.
Capitaine Dieudonné Dukundane, secrétaire exécutif du Corridor Central déclare que les bateaux disponibles au Burundi ont la capacité de transporter plus de 10 mille tonnes de marchandises seulement.
Cela fait qu’on peut amener en un mois 20 mille tonnes de marchandises. « Si un bateau peut faire deux voyages par mois, les dix bateaux amèneraient 240 mille tonnes de marchandises. Les marchandises en provenance de la Tanzanie sont estimées entre 600 mille et 800 mille tonnes au Burundi par an. Si on prend une dizaine de bateaux immatriculés au Burundi navigant sur le lac Tanganyika et qu’on les affecte sur la voie Dar-es-Salaam-Kigoma-Bujumbura, ils amèneront ¼ des marchandises. Imaginez-vous si on les affecte à Mpulungu, à Kalemie. Cela deviendra un problème», déplore Capitaine Dukundane.
Toutefois, confirme-t-il, un seul bateau peut transporter 1500 tonnes de marchandises au moment où un camion transporte entre 20 et 28 tonnes de marchandises. Donc un bateau peut transporter une quantité transportée par 50 camions.
Et de s’inquiéter : « Un camion qui fait 3 mille km pour un aller-retour ne peut pas être utilisée pendant 5 ans alors qu’un bateau peut être utilisé pendant 100 ans ».
Capitaine Dukundane rassure que si le pays peut économiser 90 USD sur une tonne de marchandises et que même si on prend 50 % sur les 600 mille tonnes de marchandises en provenance de Dar-es-Salaam, le pays économisera 27 millions USD.
Capitaine Dukundane s’interroge que plus de 100 camions passent par jour à Kobero, soit 36 mille camions par an en provenance de Dar-es-Salaam voire 40 mille camions si on considère les camions qui y passent de façon générale. Comme un camion peut transporter 20 mille tonnes de marchandises, c’est donc 720 mille ou 800 mille tonnes de marchandises qui passent annuellement sur la voie routière. Ce qui explique l’état délabré des routes.
Quant à la valeur des marchandises, aujourd’hui le gain dépasse les statistiques de Global Port Services de 2017 d’environ 90 USD par tonne de marchandises si on utilise la voie maritime et ferroviaire.
« Prenons qu’on considère les 90 USD par tonne, si on les multiplie par environ 600 mille tonnes de marchandises en provenance de la Tanzanie, soit plus de 400 mille tonnes par an, on obtient autour de 32 000 millions USD de bénéfice par an. On peut les utiliser sur le long terme pour construire des hôpitaux, des établissements scolaires, des routes…», renchérit-il.

Un camion qui fait le trajet Dar-es-Salaam-Bujumbura ne peut pas être utilisé pendant 5 ans alors qu’un bateau peut être utilisé pendant 10 ans.
La voie terrestre, toujours problématique
Plus de 100 camions dont la majorité en provenance de Dar-es-Salaam passent à la frontière Kobero et entrent sur le sol burundais chaque jour.
« Nous roulons sur une distance de 1520 km de long. La durée du trajet la plus courte est de 2 à 3 jours. On peut faire ce trajet en 4 jours et l’aller-retour pendant 7 jours », explique Jean Paul Nsabiganje, conducteur de camion.
Il avoue qu’il existe des pans vétustes des routes du côté de la Tanzanie. Malgré cela, les routes sont globalement en bon état côté tanzanien.
« Du côté burundais, beaucoup de descentes et de tournants suscite le ralenti de la vitesse et, partant, le prolongement du voyage. Egalement, la route est vieille du côté Muramvya-Bugarama. Les pneus peuvent aussi connaître des crevaisons. Ce qui prend du temps pour les réparer», souligne un conducteur d’un camion avant de s’exclamer que l’abondance des voyages est l’une des causes des divorces des camionneurs. Ceux-ci n’ont pas le temps pour faire l’encadrement social dans les ménages.
Lueur d’espoir
Selon Capitaine Dieudonné Dukundane, secrétaire exécutif du Corridor Central, la Tanzanie, pays voisin vient d’investir 300 millions USD dans la réhabilitation de l’ancienne voie ferroviaire Dar-es-Salaam-Kigoma.
« Ce n’est pas pour rien que la Tanzanie fait cela. C’est pour inciter les investisseurs étrangers à utiliser cette voie », martèle-t-il.
Consolateur Nitunga, gouverneur de la province de Rumonge précise que la construction du port de Rumonge suivant les standards internationaux figure parmi les priorités du gouvernement.
«Pour rendre un bon service au port de Rumonge, nous allons aussi essayer de lutter contre la corruption, les rackets, le travail informel… », dit-il.
Selon Jacques Bigirimana, directeur général de l’Autorité Maritime, Portuaire et Ferroviaire (AMPF), même si les bateaux navigant sur le lac Tanganyika sont vieux, ils sont en bon état. Aussi la sécurité dans le lac est bonne et les produits sont assurés. « Par ailleurs, chaque fois qu’un bateau prend le voyage, on doit d’abord faire son inspection », tranquillise-t-il. Et de poursuivre : « Le nombre de bateaux faisant le transport sur le lac Tanganyika est estimé à 30, inclus les bateaux immatriculés tanzaniens et les bateaux immatriculés congolais ».
M.Bigirimana, certifie que les Congolais et les Tanzaniens ont déjà demandé d’introduire de nouveaux bateaux modernes sur le lac Tanganyika. La bonne nouvelle, avise le directeur général de l’AMPF, le 19 mai 2021, la JICA redémarrera le projet de modernisation du port de Bujumbura. Momentanément suspendus, on s’attendait avec ces travaux à la construction du chantier naval.
Des efforts importants à fournir
Bonaventure Sinzobakwira, directeur général de Global Port Services regrette que les bateaux restent insuffisants sur le lac Tanganyika. Il en est de même des wagons sur la voie ferroviaire Dar-es-Salaam-Kigoma.
Capitaine Dieudonné Dukundane, secrétaire exécutif du Corridor Central annonce que l’Etat doit signer des accords commerciaux avec la Tanzanie. « Par ailleurs, il peut acheter ses propres wagons pour le transport des marchandises appartenant aux opérateurs économiques burundais. Il suffit de s’entendre avec la Tanzanie », tranquillise-t-il.
Comme on tend vers la zone de libre-échange continentale, explique le secrétaire exécutif du Corridor Central, deux pays peuvent mettre ensemble leurs investissements et créer un corridor. Cela pour mieux faire le commerce.
Chrysologue Mutwa, directeur général au ministère du Commerce, du Transport, de l’Industrie et du Tourisme reconnait que la voie maritime et ferroviaire est moins coûteuse. Il plaide pour la sensibilisation des opérateurs économiques et des transitaires sur la prise de conscience de l’importance de cette voie et des pertes liées au coût et au temps une fois qu’on utilise la voie routière.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.