Accompagner les paysans à s’associer en coopératives pour faire face aux problèmes de la vie, pour satisfaire leurs besoins en alimentation, en santé et en éducation est l’objectif de l’Etat burundais en octroyant une somme de 10 millions de FBu à chaque coopérative collinaire. Cette somme doit être remboursée dans un délai de deux ans. Cependant, une question se pose: y parviendront-elles ?
La population Burundaise est à 90% agricole. Mais, il se constate avec amertume une insécurité alimentaire criante dans les ménages. Egalement, les institutions financières se méfient du secteur agropastoral quant à l’octroi des crédits. C’est ainsi que l’idée est née d’implanter des coopératives sur chaque colline du pays. La plupart de ces coopératives œuvrent dans l’agriculture et l’élevage. Pour les 3200 collines que compte le pays, on a déjà débloqué un montant de 32 milliards de FBu. Une période de deux ans a été donnée à ces coopératives pour rembourser cette somme. Sauf qu’avec les difficultés qui apparaissent dans la mise en œuvre de cette politique, il y a lieu de se douter de la capacité de remboursement.
Arriveront-elles à rembourser ?
« Nous recevons des rapports souvent de l’état financier de ces coopératives », indique Oscar Barankariza, Directeur Général de l’L’Agence nationale de promotion et de régulation des sociétés coopératives (ANACOOP). Selon lui, à partir des chiffres recueillis sur terrain, la plupart des coopératives se tiennent debout. D’autres qui boitillent sont accompagnés par les agents de l’ANACOOP.
Cependant, d’après les témoignages recueillis auprès des membres de différentes coopératives de l’intérieur du pays, dans les provinces Kayanza, Gitega, Ruyigi et Rumonge, ils disent faire face à beaucoup de défis notamment liés au manque de techniciens agronomes et vétérinaires, de semences sélectionnées, de produits phytosanitaires… Ces témoignages ont été recueillis lors d’une synergie des médias organisée par radios Isanganiro, Rema FM, Izere FM, le journal Burundi Eco, le groupe de presse Iwacu et le collectif des blogueurs Yaga ont organisé jeudi le 9 juillet 2020 sur le fonctionnement des coopératives Sangwe. Ces défis pourront compromettre le remboursement selon certains.
«Cet argent mis à la disposition de ces coopératives sur certaines collines sera difficile à rembourser», indique Libère Bukobero, secrétaire exécutif de l’Appui au Développement Intégral et à la solidarité sur les Collines (ADISCO). Ils ont investi dans des activités qui ne peuvent pas générer de l’argent. Il donne l’exemple de l’élevage des porcs qui risque d’être perturbé par la peste porcine africaine. « Par contre, ces coopératives auront besoin de se refinancer encore une fois » dit-il. Selon lui, le programme a été lancé à la hâte. Si on avait eu le temps, on aurait aidé ces coopératives à choisir eux-mêmes des activités qui collent bien avec leurs besoins et qu’ils peuvent rentabiliser. Sinon, il sera très difficile de rentabiliser cet argent.
Un mauvais départ pour ces coopératives ?
La politique de regroupement de la population en coopératives en soi est bonne. Mais c’est leur mise en place qui est critiquable. « La coopérative ne s’implante pas n’importe comment », explique M. Bukobero. Toutes les personnes sont entrées en grand mouvement sans respecter les principes coopératifs. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) a mis en place un protocole à suivre, dit-il. Il fait allusion aux sept principes coopératifs, entre autres celui d’une adhésion volontaire, libre et ouverte à tous, démocratique, c’est-à-dire que la coopérative est administrée par des dirigeants qui ont été élus par les membres. Comme principes, il y a aussi l’autogestion, la contribution, c’est-à-dire la participation à la vie économique de la coopérative, la coopération entre les coopératives… Les membres de ces coopératives doivent être formés en organisation et en gestion de leurs coopératives. «Les paysans ont des connaissances, mais il faut les aider à se propulser», dit-il. Quand les ménages sont regroupés en coopératives, ils vont avoir l’idée des unités de transformation qui dépassent les capacités individuelles. C’est là où il faut fournir encore plus d’efforts.
Une idée de l’époque coloniale
Depuis l’époque coloniale, la formule « coopérative » a été reconnue comme un vecteur important de la promotion humaine et du développement économique et social. Ce constat a été fait également par les premiers dirigeants nationaux qui en ont fait une stratégie volontariste de politique nationale de gouvernance dès l’accession du pays à la souveraineté nationale.
Ainsi, le mouvement coopératif a connu un essor quantitatif et qualitatif appréciable dans tous les secteurs économiques sous la houlette, d’une part, de l’Eglise Catholique entre 1960 et1980 et, d’autre part, du soutien trilogique du Gouvernement, du PNUD et du Bureau International du Travail (BIT). Comme on peut le constater, les coopératives ont une longue tradition au Burundi.
Le héros de l’indépendance avait également pressenti le rôle primordial des coopératives dans la lutte contre la pauvreté. Malheureusement, au fur des années, la politique de développement communautaire basée sur les coopératives n’a pas vraiment été soutenue à sa juste valeur par les gouvernements qui se sont succédé.
La coopérative a un rôle prépondérant dans le développement rural. Mais, son essor n’a pas suivi une courbe ascendante parce que les pouvoirs qui se sont succédé ne voyaient pas son importance de la même façon. Depuis quelque temps, un effort particulier est en train d’être fourni pour inciter la population à se regrouper en coopératives. Le développement n’est possible qu’à travers les coopératives, surtout dans notre pays où la vie générale de la population dépend à plus de 90% de l’agriculture. Selon, le secrétaire général de l’ADISCO, la politique de regroupement de la population en coopératives est bonne à revoir pour éviter que tout tombe encore à l’eau. « Tout n’est pas perdu. Il faut rectifier le tir », dit-il.
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