Sport

Football : Qu’est-ce qui ne va pas dans les clubs burundais ?

Les deux représentants du Burundi dans les deux compétitions continentales majeures, à savoir : la Ligue des Champions et la coupe de la CAF viennent d’être éliminés sans avoir franchi le cap des éliminatoires. Hormis ces défaites, aucune équipe  burundaise ne parvient  plus à atteindre le stade des quarts de finale depuis quelques années malgré les efforts fournis en termes d’infrastructures  et de moyens. Burundi Eco analyse pour vous les causes de cette absence de résultats

Gilbert Kanyenkore alias Yaoundé, entraineur de Vital’o et grand connaisseur du football burundais : « Les présidents des clubs font des miracles. Quant aux joueurs, ce sont carrément des héros ! On devrait louer leurs sacrifices. Il n’y a que les équipes Messagers et Aigle Noir qui essaient de payer les joueurs régulièrement. D’autres clubs passent 2 ou 3 mois sans payer les joueurs »

On dit que le football est un sport-roi. Au Burundi, cela est largement justifié. Il est pratiqué dans tous les coins et recoins du pays.  C’est également le plus structuré et le plus organisé. Chaque province a sa propre association de football. Et, depuis sa réélection, le président de la Fédération  de Football du Burundi (FFB) s’attèle à l’implantation des associations de football dans toutes les communes. La FFB a pris beaucoup d’initiatives pour développer ce sport. Depuis 2017, il est prévu que chaque équipe évoluant en 1ère division reçoit une enveloppe de 15 millions de Francs Burundais (FBu) de la FFB. Des infrastructures sont construites depuis une dizaine d’années pour promouvoir ce sport. En dépit de ces efforts louables, les résultats se font encore attendre. Les amateurs du ballon rond désespèrent. Qu’est-ce qui explique les défaites récurrentes des équipes Burundaises ?

Le football moderne exige beaucoup de moyens

Gilbert Kanyenkore alias Yaoundé est l’entraineur de Vital’o. Il  est dans le domaine du football burundais depuis une trentaine d’années. Son verdict est sans appel. Le football moderne est une affaire d’argent. Au Burundi, nous avons des jeunes qui ont un talent immense. Mais, sans moyens, on ne pourra jamais tirer le meilleur d’eux. Les présidents des clubs n’ont pas de moyens suffisants pour entretenir un club de football professionnel. Cela exige beaucoup de  moyens. Or investir dans le football est risqué, car il n’y a pas de recettes. Oui chaque équipe de la première division  bénéficiera de 15 millions de FBu. Pour Yaoundé, c’est une très bonne initiative. Mais c’est comme une goutte d’eau dans un océan. Si un club emploie 25 joueurs et paie 100 mille FBu par mois pour chacun d’eux (ce qui est très peu par rapport à la cherté de la vie), c’est déjà un budget de 30 millions de FBu  seulement pour le salaire annuel des joueurs. On ne parle même pas du staff ni de la préparation des matchs, encore moins de la récupération et du transport des joueurs. Un club qui veut aller de l’avant ne devrait pas avoir un budget de moins de 100 millions de FBu, pense Yaoundé. Les présidents des clubs font des miracles. Quant aux joueurs, ce sont carrément des héros ! On devrait louer leurs sacrifices. Il n’y a que les équipes Messagers et Aigle Noir qui essaient de payer les joueurs régulièrement. D’autres clubs passent 2 ou 3 mois sans payer les joueurs. Entre 2012, 2013 et 2014 l’équipe Vital’o payait des salaires consistants. Certains joueurs touchaient 600 mille FBu par mois. Ceux qui ne jouaient même pas touchaient 200 mille FBu. Les résultats ne se sont pas fait attendre. On dominait le championnat. Très peu de clubs pouvaient rivaliser avec Vital’o. L’argent est le nerf de la guerre, dit-on. En football cela est également valable.

La discipline des joueurs, un autre défi.

Même ceux qui s’expatrient en Europe sont victimes de la précarité qu’ils ont vécue ici. C’est pour cette raison qu’ils ne percent pas dans les clubs européens. Rappelez-vous des joueurs comme Nonda Shabani, Saido Ntibazonkiza, et autres, ils avaient un talent qui leur permettait de jouer dans les meilleures équipes du monde. Mais ils ne s’en sortent pas parce qu’ils sont habitués au football burundais. Ils ne sont pas outillés mentalement et professionnellement. Ici la vie est relativement facile. Là-bas ils ont des moyens, mais le joueur doit avoir un rendement élevé. Quand ils ont des moyens, ils ont du mal à observer la discipline requise pour un sport de haut niveau. Ils mangent ou boivent beaucoup et grossissent. Ils ne peuvent plus suivre le rythme. Ici on peut se permettre certaines choses. Le professionnalisme de très haut niveau exige beaucoup d’eux et la plupart d’entre eux ne s’en sortent pas, indique Yaoundé.

L’argent et la discipline ne sont pas les seuls problèmes

Pour rivaliser avec les grands clubs du continent, il nous faut un staff approprié. Ici tous les entraineurs de la 1ère division sont qualifiés. Mais ils sont encore jeunes. Ils n’ont pas encore acquis l’expérience. Cela viendra avec le temps. Les clubs ont des médecins. C’est  bien, mais il n’y a pas de préparateurs physiques par exemple. Or ces derniers sont indispensables pour mettre les joueurs dans de bonnes conditions. L’encadrement doit être strict pour inculquer à nos jeunes les règles du football moderne. Encore une fois cela exige des moyens. On ne va pas imposer  beaucoup de règles à un joueur qu’on ne paie pas ou qu’on paie très mal.

Des équipements insuffisants voire inexistants  

Certains clubs ont vraiment de bons équipements. Mais ceux-ci sont largement insuffisants. Dans certains petits clubs, ils sont carrément inexistants. Imaginez un club de 1ère division qui s’entraine avec moins de 5 ballons. C’est incroyable, s’étonne Yaoundé. Les présidents des clubs se démènent pour trouver des chaussures, mais elles sont extrêmement chères ! Une paire coûte plus de 100 mille FBu. Quand même, les joueurs de la 1ère division ont tous au moins une paire de chaussures.

La récupération pour les joueurs, très problématique

On peut s’estimer heureux chez Vital’o, car chaque joueur reçoit 2 mille FBu après l’entrainement pour aller prendre quelque chose. Je ne crois pas que les autres clubs fassent plus que nous à ce sujet. Inka ikamwa ico wayihaye (le résultat est le fruit des efforts fournis). Ce sont ces petits efforts en faveur des joueurs au quotidien qui produisent des résultats. On doit pouvoir faire plus. Par exemple, les joueurs d’Aigle Noir et des clubs Messagers  vivent ensemble. Ils sont nourris et logés. Comme ça on est sûr au moins que le joueur a mangé avant de dormir. C’est une bonne initiative que les autres clubs devraient imiter. Au Rwanda, tous les joueurs des clubs de  1ère division vivent ensemble.  Ils partagent les repas. Cela favorise une certaine connivence sur le terrain, affirme M. Yaoundé

Le Burundi, réservoir de talents pour le football de la sous-région

Une génération de bons joueurs est là. Sachons les aider à donner le meilleur d’eux même. Le Burundi constitue un réservoir de talents pour le football de la sous-région. Que ce soit au Rwanda, en Ouganda, en Tanzanie ou même en Afrique du Sud, les jeunes Burundais brillent.  Dernièrement quand Rayon Sport est venu battre LLB4A ici, quatre joueurs Burundais étaient alignés du côté de l’équipe rwandaise. C’est un signe qui ne trompe pas ! L’herbe est plus verte ailleurs. Comment les retenir pour qu’ils contribuent au football burundais ?,  s’interroge l’entraineur de Vital’o. C’est cette question qu’il faut se poser. On doit les aider à devenir meilleurs ici à la maison. Leurs talents rejailliront sur le pays à travers l’équipe nationale sans aucun doute, croit savoir Yaoundé.

Le sponsoring des entreprises locales, une des solutions

Il faut que la loi relative au sponsoring que le gouvernement a promulgué soit suivie d’effets. Le gouvernement devrait inciter les entreprises locales à sponsoriser au moins une équipe chacune. Dans les années 1990, les joueurs de Vital’o et d’Inter FC recevaient un salaire de la Brarudi. D’ailleurs, même les noms de ces clubs provenaient des noms des produits de marque Brarudi. Vous conviendrez avec moi que cette période est considérée comme l’âge d’or du football Burundais. Vilat’o était allé jusqu’en finale de la coupe des clubs champions. Les entreprises doivent s’impliquer beaucoup plus dans le sport. C’est comme ça que ça marche ailleurs, conseille M. kanyekore.

Nos jeunes joueurs ont besoin d’être encouragés. Les résultats doivent refléter les efforts qu’ils fournissent. Doit-on  passer par des réformes  dans le domaine du sport ?  Doit-on  injecter des moyens? Si les autres pays le font, le Burundi doit pouvoir le faire aussi. A bon entendeur salut!

A propos de l'auteur

Parfait Nzeyimana.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

2 commentaires
  • RUKUNDO dit :

    Une très bonne analyse de Kanyenkore. Le football burundais ne souffre que du manque de moyens sinon des talents il y’en a plein. Merci Yaoundé

  • RUKUNDO dit :

    Merci Kanyenkore pour l’analyse. Des talents li y’en a plein mais le football burundais souffre d’un manque criant de moyens

Les commentaires sont fermés.



éditorial

Les ménages en mode inflation

Les ménages en mode inflation

L’inflation rythme le vécu quotidien des ménages. En cette période de soudure, les prix des denrées alimentaires repartent à la hausse. Les céréales, les légumes et les produits carnés sont hors prix. Le prix d’un kilo de viande frôle les 30 000 FBu sur les marchés de la capitale économique. La crise des hydrocarbures induite par la pénurie criante des devises perturbe les chaines d’approvisionnement. Ainsi, par effet de contagion, les produits importés plongent le pays dans une spirale inflationniste.

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 636

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

  • éditorial

    Les ménages en mode inflation

    Les ménages en mode inflation

    L’inflation rythme le vécu quotidien des ménages. En cette période de soudure, les prix des denrées alimentaires repartent à la hausse. Les céréales, les légumes et les produits carnés sont hors prix. Le prix d’un kilo de viande frôle les 30 000 FBu sur les marchés de la capitale économique. La crise des hydrocarbures induite par la pénurie criante des devises perturbe les chaines d’approvisionnement. Ainsi, par effet de contagion, les produits importés plongent le pays dans une spirale inflationniste.
  • Journal n° 636

  • Dossiers Pédagogiques